Ah les enfants ! Tout un temps, beaucoup ont cru que le Neuvième Art leur était réservé, exclusivement. Ce n’était pas un média assez sérieux pour les grands, disait-on. Si les mentalités ont bien changé et évolué, qu’il y a désormais des albums pour tout un chacun, le monde éditorial continue de proposer de nombreuses séries qui font le bonheur des têtes blondes, avec des héros à leur hauteur. Du moins, la BD franco-belge. Force, en effet, est de constater qu’en matière de comics jeunesse arrivant dans le paysage français, nos gamin(e)s n’avaient pas grand-chose à se mettre sous la dent. Urban Kids a rectifié le tir, en déclinant quelques valeurs sûres (Batman, Scooby-Doo, Little Pony…) mais, côté indépendant, ce n’était pas encore la gloire. Et voilà qu’à la faveur d’un crowdfunding réussi, rentrent dans la danse les Éditions Kinaye. Avec savoir-faire, passion et une sélection de titres qui claquent. Première volée de quatre titres, souples et forts en univers d’auteurs. Dans un bel emballage attrayant.
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Résumé de l’éditeur : Le voyage de Diandra Diesel pour récupérer le vaisseau de son père ! Lorsqu’une armée longtemps oubliée surgit des nuages, Diandra « Dee » Diesel prend une décision irréfléchie qui va changer son destin pour toujours. Avec son robot cassé et une mystérieuse machine volante pour seule aide, Dee va faire un voyage qui la mènera de l’obscurité des terres abandonnées situées sous les nuages à la lumière éblouissante de la capitale de son monde. Son plus grand défi sera de s’affranchir de son héritage familial afin de choisir seule sa propre destinée.

Le ventre lourd mais le coeur léger, nous reprenons la route des livres aux enfants (mais pas que) sans vraiment aller trop loin. Nous restons dans un monde a priori extra-terrestre avec Diesel : Allumage, une série aérienne de Tyson Hesse, dans un tout autre genre que Gumball, la série qui l’a assis dans le monde du comics et de l’animation.

Avec Diesel, l’auteur nous offre en héroïne une peste comme on les aime. À la Abdallah (dans Tintin), insaisissable, tonitruante et souvent vexante. Dee aura 18 ans, demain ! Un jour important s’il en est et qui l’est encore plus pour elle puisqu’elle fera de l’ombre au Cap Wells, la commandante de bord avec qui elle fait souvent des étincelles, et prendra la barre du bateau-ville, Peacetowne, que lui a légué son illustre père : l’héroïque Tungston. Héroïque, c’est ce que Dee pensait. Ruant dans les brancards en toute insouciance, jusque-là, Dee tirait sa volonté de faire tout et n’importe quoi de l’ombre pesante de son père disparu mais toujours protecteur.

Mais ce jour-là, elle va un rien trop loin et provoque l’ire des hommes-oiseaux : de viles créatures à qui Tungston a coupé les ailes et la chique, il y a déjà longtemps. On les pensait anéanti, ils semblent avoir repris du poil de la bête et détruisent en un temps record la paix et la bonne humeur de ce bateau volant dans le ciel. Dee parvient à s’en sortir avec son fidèle robot (« //////////// », il répond oui, il est bien présent) et une machine subtilisée à l’ennemi. Dans son périple, elle quitte sa « terre », plonge dans l’inconnue et passe au travers des nuages, ceux dont on dit que les orages qu’ils nourrissent ne laissent aucune chance de survie à quiconque. Pourtant, Dee s’en tire sans dégât mais désormais seule.

Diesel, ça a le goût et la saveur des mythes gréco-romains; une pugnacité manga et un charisme comics. Un mélange qui a déjà fonctionné et fonctionne à nouveau, à plein tube ici. Avec un zeste d’un film comme Rock-o-rico tout en étant cousin de Wakfu. Au gré de ses découvertes et de ses rencontres, l’héroïne de Tyson Hesse, candide, va devoir reconstituer ce qu’il s’est passé, ce qu’il va se passer et, surtout, sa propre histoire qui semble avoir été tronquée, truquée. Seule au monde, Dee ne va pas le rester très longtemps et va retomber sur l’un ou l’autre de ses frères qu’elle n’avait plus vus depuis très longtemps.

Huit chapitres, plus de 200 pages, voilà une bonne entrée en matière pour un auteur qui affûte son univers au fil des actes. Gommant les défauts des premières planches (encore un peu trop rough, pas assez soigné) pour trouver sa pleine puissance dès le chapitre 4 et jusqu’au feu d’artifice final (l’histoire est à suivre). C’est très énergique, inspiré, animé ! Tyson Hesse a vraiment un don pour tout fracasser et donner de l’ampleur à son histoire, entre chaos et paradis.

Son histoire, il la mène par le bout du nez, avec des bons réflexes et feintant le lecteur en lui donnant plusieurs fois l’impression que la quête de Dee va être menée les deux doigts dans ce même nez, rendue trop facile par des personnages ou des objets qui tombent à pic, et pourtant… Ce n’est pas parce qu’on s’adresse à des gosses qu’il faut les prendre pour plus bêtes qu’ils ne le sont, et Tyson prend des raccourcis attendus pour ensuite corser le tout et mieux surprendre son monde. Un monde qu’il explore de fort belle manière, fluide et rebelle, évitant l’aspect poussif façon « touriste japonais qui doit absolument être à telle heure à tel endroit ». Il y a du temps et de l’espace laissés au lecteur pour apprécier et se projeter dans cet univers magnifique.
Tome : 1 – Allumage
Scénario et dessin : Tyson Hesse
Couleurs : Tyson Hesse avec Mariel Cartwright, Matt Herms, Maarta Laiho
Traducteurs : Alice et Romain Galand
Genre: Action, Aventure, Science-fiction
Éditeur VF: Kinaye
Collection : Fresh Kids
Éditeur VO : Boom! Box
Nbre de pages: 208
Prix: 15,50€
Date de sortie: le 18/01/2019
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