Marie Bardiaux-Vaïente, deux albums BD pour chasser le spectre de la peine de mort : « Même pour les victimes, il est inutile de rajouter de l’horreur à l’horreur, de la souffrance à la souffrance »

Ah qu’ils sont nombreux ceux qui veulent la voir revenir ? Qui ça ? Mathilde ? Non, si ce n’était que ça… En réalité, c’est bien plus inquiétant. À chaque affaire choc, chaque article qui met en scène un détenu que certains estiment trop bien loti, ou même pour fustiger quelques puissants, pour divers prétextes, ils sont nombreux à réclamer le reliquat d’une époque barbare, un objet qui donne des sueurs et devraient ne faire faire qu’un tour à notre sang : la peine de mort et la guillotine qui l’exécutait. Ça devrait être interdit, partout sur la planète. Pourtant, dans nos sociétés qu’on pensait en être revenues après l’avoir bannie il n’y a pas si longtemps, c’est affolant ce que cette hypothèse reste séduisante. Pour cette raison et bien d’autres, pour ne pas oublier d’où on revient, les deux albums passionnants et choquants que publie, avec Rica et Malo Kerfriden, Marie Bardiaux-Vaïente sont incontournables et doivent figurer dans toutes les bibliothèques, se faire de la place dans toutes les têtes. Pour qu’il y ait des manifs pour ne plus la réclamer mais la dénoncer, lui déclarer la guerre, tout autour du globe. Interview avec Marie, cette historienne-scénariste-militante. 

© Gloris Bardiaux-Vaïente

Bonjour Marie, vous nous revenez avec non pas un mais deux albums consacrés à une peine du mort qui appartient au passé mais pas que. Il y a La Guillotine d’un côté et L’abolition – Le combat de Robert Badinter, de l’autre. Une sorte de diptyque qui va bien ensemble. Ce qu’on en voit, en premier lieu, ce sont les couvertures. Que pouvez-vous nous en dire ?

Que j’y ai participé en validant ou invalidant. Mais je ne dessine pas, il faudrait surtout poser la question aux deux dessinateurs, Rica et Malo Kerfriden. Dans le cas de l’abolition, il était évident que la guillotine figure sur la couverture. Tout en engendrant un double-regard. D’abord, on voit la porte qui s’ouvre et Robert Badinter. Puis, en y faisant attention, on se rend compte que la projection de son ombre dessine une guillotine au sol.

Pour ce qui est de La Guillotine, on a pas mal tourné autour de la typographie. Puis, on a travaillé sur le sens de la tête tranchée, qui est celle de Louis XVI en fait, et le rythme à donner au sang. Je les trouve toutes les deux très jolies en tout cas.

Celle de La Guillotine est superbe tout en étant horrifiante. Mais vous le dites en préambule, ce n’est pas cet instrument de mort qui est terrifiant en lui-même ?

La guillotine a été inventée par les hommes, par leurs pulsions, leur haine, leur esprit de vengeance qu’on a en chacun de nous. On ne peut pas lui reprocher d’incarner l’horreur. Ce qui est encore plus frappant et sidérant, c’est de savoir qu’elle a été mise en place dans un souci de rendre plus humaine la condamnation à mort, alors que l’écartèlement, l’éventration ou des souffrances infligées en faisant intervenir des animaux, et tant d’autres tortures inimaginables avaient cours jusque-là. La guillotine a été conçue par les docteurs Joseph Guillotin – qui n’a jamais voulu que cet objet porte son nom, que du contraire, il était abolitionniste, il s’est exprimé clairement sur le sujet – et Antoine Louis.

© Gloris Bardiaux-Vaïente /Rica chez Eidola

Ce qui vous anime, est-ce la fascination ou l’effroi ? Ou une fascination horrifiante ?

C’est ça, un mélange de répulsion et de fascination. Combattre la peine de mort, c’est une pulsion de vie pour moi, emmené par le dégoût et la sidération de voir et d’entendre qu’aujourd’hui encore, chaque semaine, quelque part dans le monde, il y a au moins une exécution. Ça ne devrait plus être d’actualité.

Puis, au-delà des exécutions concrètes, dans des sociétés qui ont abandonné cette pratique, son spectre resurgit fréquemment et prouve que les gens n’ont pas compris. Même pour les victimes, il est inutile de rajouter de l’horreur à l’horreur, de la souffrance à la souffrance.

© Gloris Bardiaux-Vaïente /Rica chez Eidola

La guillotine, c’est quoi ?

Une mécanique si simple : quatre bouts de bois, un bout de fer, une corde. Si simple et pourtant centenaire, pendant deux siècles, elle a été l’unique moyen d’exécuter. Jusqu’il n’y a pas si longtemps. Et des gens à peine plus jeunes que moi de s’étonner que la dernière exécution en 1977. Quand on est spécialiste, ça semble être une évidence… mais ça ne l’est pas!

© Gloris Bardiaux-Vaïente /Rica chez Eidola

Et pourtant, régulièrement, face à un criminel comme Dutroux, en Belgique, ou dans des manifestations révoltées comme celle des gilets jaunes, il y a toujours des gens pour réclamer la peine de mort, explicitement ou implicitement. C’est un argument populiste, non ?

C’est vrai et un exemple m’a touché dernièrement. Lors d’une manifestation de gilets jaunes, certains avaient représenté Emmanuel Macron guillotiné. Et ce n’est pas un incident isolé ! Je pensais qu’on avait dépassé ça. Mais ce n’est pas anodin. La guillotine, c’est l’objet de décapitation d’un roi, sur laquelle la république naît. C’est une image forte et marquante de l’histoire de France. Et quand on sait que Macron symbolise pour beaucoup un nouveau roi, une sorte de prince, l’inconscient collectif joue.

Ma réponse est simple, volontairement provocante. Si cette pulsion de mort vous excite, allez jusqu’au bout. Entre dire « à mort » et être le meurtrier, il y a un pas, franchissez-le et vous verrez. Soyez le bourreau ! Cela dit, je ne mets pas les bourreaux dans le même sac, j’ai tendance à les défendre.

Les Sanson et l’amateur de souffrances, publié également il y a quelques jours chez Glénat © Patrick Mallet/ Boris Beuzelin chez Glénat

D’ailleurs, il y a des cas célèbres de gens qui ont franchi la limite entre l’acceptable et l’invivable. Même en prenant part volontairement au spectacle qu’organisait pendant longtemps la peine de mort. Voir, d’accord, mais surtout ne pas toucher ! C’est d’ailleurs de cette manière que la Belgique en est arrivée à délaisser la peine de mort puis à l’abolir. 

C’est ce que j’explique dans ma thèse. Le dernier guillotinage, celui de Charles Kestelijn, sur la Grand-Place d’Ypres sera un réel traumatisme pour un certain Bruynsteen. Une fois coupée, la tête du décapité roule jusqu’à ses pieds. Machinalement, il la ramasse pour la rendre au bourreau. Le mythe veut que la tête sans vie grimace de manière si horrible que Bruynsteen en devient fou. Sa famille décidera de saisir le Parlement qui transmettra la plainte au gouvernement. Les plaignants priant le Roi d’user désormais systématiquement de son droit de grâce. C’est ce qui se produit, contre toute attente. La peine de mort n’est pas rayée du Code pénal, mais elle n’est plus appliquée. Elle devient une loi endormie.

© Gloris Bardiaux-Vaïente /Kerfriden chez Glénat

Ce n’est pas le seul cas, bien sûr. Camus raconte que son père a assisté à une exécution locale qui le marquera. Le fantasme du spectacle peut vite se muer en dégoût profond. Et ça continue, pourtant. En Iran, on pend des condamnés à mort dans des stades. Des exécutions collectives et publiques auxquelles des enfants assistent, derrière les grilles. Ça pose question.

La peine de mort amène autant de violence pour le condamné que pour les victimes, c’est un contre-modèle.

© Gloris Bardiaux-Vaïente /Rica chez Eidola

 Il y a Camus mais aussi Victor Hugo qui prend beaucoup la parole dans L’Abolition.

Oui, ce n’est pas le premier à s’être levé contre la peine de mort mais c’est l’un des plus connus et les plus virulents, dont il nous est resté le plus de chose. D’autant plus qu’il avait une double-casquette : politicien et écrivain. Ce qu’il dit touche à l’ensemble du combat de Robert Badinter.

En fait, alors qu’Hugo était très jeune, il devait avoir treize ans, il est passé en calèche au moment d’une exécution, ça l’a profondément choqué et confronté physiquement à ça.

Ce titre, L’Abolition, c’est le même que le livre de Robert Badinter, du film qui en a été tiré. 

On a tourné beaucoup autour de la couverture… mais aussi autour du titre. Autant Filles d’Oedipe, c’était mon titre de travail et je savais qu’il serait le titre final, je n’en voulais pas d’autres, autant ici on a pas mal tâtonner. Pour finalement arriver à ce titre, le plus logique et évident. Tout en ayant peur que le lecteur croie que c’était l’adaptation du livre de Badinter. Pas du tout. C’est pourquoi, j’ai mis un sous-titre. D’ailleurs, pour moi, le titre est plus L’abolition – le combat de Robert Badinter que L’abolition tout court.

© Gloris Bardiaux-Vaïente /Kerfriden chez Glénat

Dans cet album, il y a de la mise en scène, ce n’est pas une biographie, ce qu’on pourrait croire au premier abord. Il s’articule autour de deux questions : « Qu’est-ce qu’être avocat de la défense ? » et « Comment, au-delà de son propre métier, on embrasse pendant dix ans une cause ? » C’était ça l’enjeu.

Avec des bouts de procès, aussi, sans être un drame de prétoire. Il y a des reconstitutions.

La peine de mort pourrait sembler mécanique. Mais ça ne se fait pas comme ça. Regardez aux USA, des condamnés à mort passent 25 à 30 ans dans les couloirs de la mort, parce qu’il y a encore des possibilités de faire appel de la décision. Mais, en vérité, il y a une volonté institutionnelle de continuer à pratiquer la peine de mort.

Les reines de sang – Isabelle la Louve de France tome 2© Gloris/Calderon

Les histoires et les vies se croisent dans cet album, il y a des ellipses. Ça n’a pas dû être si facile de l’écrire. Même en ayant tous les éléments en main.

C’est vrai. J’ai écrit cet album en trois fois. Par chapitres. J’ai tout séquencé. J’ai fait des pauses dans mon découpage. Et j’ai envoyé les trois parties au fur et à mesure à Malo Kerfriden. Parfois, quand bien même vous avez décidé de votre histoire, le livre vous emmène ailleurs.

Ainsi, j’ai été ramenée au cas de Philippe Maurice. Je ne pouvais pas ne pas en parler. Condamné à mort pour le meurtre de deux policiers puis gracié, il est devenu un grand historien médiéviste. Ça me permet d’aborder la question de « rédemption » puisque cet homme malgré ce qu’il a fait a apporté des bienfaits, des choses positives. C’est important, dans un livre dur, de rester positif, de garder à l’esprit la pulsion de vie, un côté humain.

© Gloris Bardiaux-Vaïente /Kerfriden chez Glénat

Même si, dans le cas de Robert Badinter, son combat va l’empêcher de se venger de l’assassin de son père.

Oui, en faisant abolir la peine de mort, il sauve la vie de l’assassin de son père : Klaus Barbie. Nous en parlons via des flashbacks. Et si on a aménagé la mise en scène pour faire intervenir le Boucher de Lyon – en vrai, il n’était pas dans l’appartement que nous montrons dans le premier interlude -, c’est bien lui qui a fait déporter Simon Badinter.

Badinter a suivi de près, des années plus tard, le procès Barbie, il le voulait exemplaire. Et c’est en consultant les archives qu’il s’est rendu compte de ce qu’avait fait cet Allemand à son père.

© Gloris Bardiaux-Vaïente /Kerfriden chez Glénat

Vous faites donc intervenir Philippe Maurice, Patrick Henry et Roger Bontemps. Pourquoi ces affaires ?

Ce sont les plus marquants dans le combat de Robert Badinter. Bontemps, c’était son client, il le défendra jusqu’au bout. Ce sera un traumatisme, il écrira l’Exécution juste après, livre dans lequel il prend fait et cause contre la peine de mort.

Patrick Henry, lui, il n’y avait aucun doute. Il ne pouvait pas être gracié. Badinter le savait coupable, pas humainement défendable. Le faire aurait été un échec programmé. Défendre n’est pas aimer, il faut bien faire la différence, et Robert Badinter s’est demandé comment défendre. Sans jouer de sensibilité. Il a donc fait le procès de la peine de mort. Il a été virulent, a créé le choc et a mis le jury en position de responsabilité totale d’une condamnation à mort. Il les convaincra de ne pas condamner Henry à mort.

© Gloris Bardiaux-Vaïente /Kerfriden chez Glénat

Après quoi, il y en a eu d’autres que Patrick Henry et Badinter a récidivé jusqu’à sentir qu’il commençait à agacer les jurys populaires.

Le dernier condamné à mort sera exécuté en 1977 (Hamida Djandoubi) mais l’abolition n’aura lieu qu’en 1981. Entretemps, un jeu sordide prendra place entre condamnations à mort et grâces systématiques. C’était important de l’abolir ?

Oui, il y a une différence entre neutraliser la peine de mort et la supprimer définitivement. Jusque-là, la société avait évolué, depuis pas mal de temps la mise à mort ne se faisait plus en public mais en prison. Après 1977, les procès d’assise et leurs verdicts jouent la provocation, condamnant systématiquement à mort et laissant le choix de gracier à un seul homme, le président. Un principe anti-républicain et extrêmement dangereux intellectuellement et dans les faits. Les cours ne prennent ainsi plus la responsabilité d’envoyer à l’échafaud. Du point de vue populaire, si le président décide de gracier, il ne respecte donc pas la volonté et la justice rendue par le peuple. C’est très malsain. Il fallait abolir rapidement.

© Gloris Bardiaux-Vaïente /Kerfriden chez Glénat

Ce n’était pas la première fois que ça se passait de la sorte. Déjà en 1908, Armand Fallières graciait systématiquement tout le monde. La peine de mort avait failli être abolie avant que l’affaire Soleilland, coupable et condamné du viol et du meurtre d’une fillette de onze ans ne remise tout rêve d’abolition.

Robert Badinter, l’avez-vous rencontré ?

Il y a longtemps pour mon mémoire. Ici, je lui ai envoyé notre album, je n’ai pas eu de réponse. En tout cas, je ne voulais pas l’inclure à la création de ce livre, je ne voulais pas de ce poids. Je l’admire mais je savais que l’inclure au processus pouvait être contraignant. L’important, c’était de dire ce que moi, je perçois de son combat.

© Gloris Bardiaux-Vaïente /Rica chez Eidola

C’est mieux ainsi, il faut que les héritiers s’approprient les combats des précurseurs, je trouve. Vous disiez défendre les bourreaux, tout à l’heure. Pourquoi ?

Dans l’histoire de France et européenne, ils appartenaient à des familles maudites. Certains se sont suicidés, ils ne pouvaient plus supporter la douleur de leur tâche. Dans leurs carnets noirs, après une exécution, certains indiquaient aller se coucher et ne plus sortir de leur lit avant deux jours. Mettre à mort, ce n’est pas anodin, même si l’État valide derrière.

Les Sanson et l’amateur de souffrances, publié également il y a quelques jours chez Glénat © Patrick Mallet/ Boris Beuzelin chez Glénat

Aux USA, ils procèdent par injection létale, ce sont des gardiens de prison qui sont à l’oeuvre, un bouton à pousser. C’est peut-être moins impressionnant mais les dommages sont là.

Comme l’objet dont nous parlions en début d’interview, les bourreaux ne peuvent pas caractériser l’horreur de la peine capitale.

Le bourreau est un bouc-émissaire, payé par un gouvernement rétentionniste et donc mandaté en quelque sorte par le citoyen. Le bourreau est le dernier maillon. Cette fonction était exercée par quelques familles qui se mariaient entre eux et perpétuaient ce qui peut être vue comme une malédiction condamnant de père en fils à exercer ce métier de mort, sans autre choix possible. Même si on Quant au peuple, conscient du rôle social de ces bourreaux, il les mettait de côté, les jugeait infréquentables, ne frayait pas avec.

Les Sanson et l’amateur de souffrances, publié également il y a quelques jours chez Glénat © Patrick Mallet/ Boris Beuzelin chez Glénat

Chez Glénat, également, une autre BD vient de sortir inaugurant une série sur les Sanson, famille intimement liés aux exécutions. On en reparle, finalement, de la peine de mort ?

Je n’ai pas encore lu cet album. On en a toujours parlé. La question de la mort et, forcément, de la vie est présente, prégnante dans beaucoup d’oeuvres. La peine de mort est récurrente. Ce qui importe, ce sont le biais et le sens que l’auteur apporte. La Guillotine et L’Abolition – Le combat de Robert Badinter sont des albums politiques.

Justement, La Guillotine était en fait un documentaire paru il y a quelques années dans La Revue Dessinée, le fait de sortir L’Abolition vous a donné envie de le republier en album ?

On avait déjà essayé de le publier avec Rica, sans succès. Du coup, on a retenté le coup avec Eidola, une maison d’édition que je connaissais et où Delphine Rieu fait un travail formidable. Ça s’est fait très rapidement, il y a eu peu de rajouts. La couverture, forcément, et puis j’ai retravaillé les textes. Je n’écris plus de la même façon cinq ans plus tard. C’est un exercice très intéressant. Certaines phrases, je n’avais plus envie de les écrire, elles ne disaient plus ce que je pensais. Bon, ce sont des retouches de-ci de là, des tournures. Je ne dois avoir modifié que 15 ou 20% de l’ensemble. Puis, la place des bulles, je ne devais pas y toucher, je ne pouvais pas demander à Rica de modifier son dessin, je devais respecter cette contrainte.

© Gloris Bardiaux-Vaïente /Rica chez Eidola

Comment avez-vous trouvé Rica et Malo Kerfriden pour vous accompagner dans ces aventures ?

Ce sont des sujets particuliers que tout le monde ne peut pas dessiner. Je les connaissais tous les deux. Rica, depuis quelques années, j’aimais son graphisme, cette harmonie entre le cru et le dur, il les mariait très bien. On a donc fait ce documentaire sur la guillotine dans les pages de la Revue Dessinée. Une fois le numéro paru, on est passé à autre chose mais des lecteurs continuaient de nous en parler. Il faut croire que ce récit avait marqué les gens, il était opportun de lui donner une nouvelle vie, une identité d’album. Là où un magazine a une durée de vie limitée, l’album permettait de rallonger son espérance de vie.

© Gloris Bardiaux-Vaïente /Rica chez Eidola

Quant à Malo. Je ne pense jamais à un dessinateur avant d’écrire un projet. Je veux écrire les choses comme je les vois, pas pour quelqu’un. Quand Glénat s’est montré très intéressé par le projet, je l’ai contacté. Je savais qu’il était abolitionniste, qu’il aimait faire de la BD politique. Et, en effet.

© Gloris Bardiaux-Vaïente /Kerfriden chez Glénat

Vous avez été enseignante, non ? Vous utilisiez la BD lors de vos cours ?

Oui, c’est vrai, en CM2 (l’équivalent de notre cinquième primaire, en Belgique). J’ai intégré la BD dans la mesure. La BD, c’est une lecture particulière, pas toujours évidente et allant parfois à l’opposé de ce qu’implique le naturel. J’avais notamment travaillé dans Spirou autour de strips historiques.

© Gloris Bardiaux-Vaïente /Del Rincon pour Journal de Spirou

Du coup, vous qui êtes historiennes pourquoi faire des documentaires en BD ?

Ma thèse, Histoire de l’abolition de la peine de mort dans les six pays fondateurs de l’Union européenne, elle est disponible sur Internet en archives ouvertes. Si cinquante personnes au monde la lisent, je serai contente. La BD me permettait de toucher un plus large public, le tout sans vulgariser ! À peu de chose près, cet album de quarante pages qu’est La Guillotine, c’est un chapitre de ma thèse.

© Gloris Bardiaux-Vaïente /Rica chez Eidola

Quant à L’Abolition, il y a peut-être 5% de ce que nous racontons qui est inventé, arrangé pour rendre fluide et compréhensible la BD. Comme cette apparition de Klaus Barbie dont nous parlions tout à l’heure. Les notions historiques, intellectuelles, elles y sont, sans en avoir l’air. La BD séduit, il y a un apriori fun tout en permettant d’aller plus loin dans des sujets sérieux.

Finalement, nos médias n’ont-ils pas un rôle à jouer à l’heure où certains aiment flatter le populisme, notamment en rebondissant sur chaque acte anodin que peut poser un criminel dans son quotidien carcéral (exemple avec ce titre absolument véridique : Marc Dutroux s’amuse sur le verglas et plaisante avec les autres détenus dans la cour de la prison de Nivelles: la vidéo exclusive!), et déchargeant des torrents de haine et les appels à la mort en commentaires, dans les forums ?

© Gloris Bardiaux-Vaïente /Kerfriden chez Glénat

La responsabilité, tout un chacun l’a. Les médias aussi, ils doivent pouvoir écrire des articles, dénoncer et ne pas aller dans le sens du populisme. Il y a une responsabilisation qui doit s’opérer. Encore plus face à une peine capitale dont le spectre resurgit souvent dans certains discours politiques et populistes.

Puis, il y a l’effet de foule, de masse qui joue aussi.

Dans une foule, réelle ou virtuelle, rien ne fait plus peur, il est très difficile de dire non, on se laisse aller. Ça dégénère très vite.

C’est Milgram. Après ces deux albums, pourrait-il y en avoir un troisième, abordant la peine de mort au-delà de nos frontières, non ?

Au-delà de la question de la peine de mort, je me suis rendu compte que je parlais toujours de justice. Comme des pièces de puzzle que j’ajoute à chaque album. Je questionne la justice et ce qu’elle n’est pas. Elle n’est pas la peine de mort, par exemple. Puis j’aime toucher aux mythes. En abordant Cléopâtre dans Les reines de sang, je voulais qu’il y ait une scène où elle rendrait justice. Ça avait aussi à voir avec mon rapport au féminisme, mon autre combat. Je voulais montrer comment en -50 une femme rendait justice. Ces mécanismes disent beaucoup de nous, de notre évolution.

© Gloris/Gloris/Mouclier chez Delcourt

Plus j’en saurai sur ces mécanismes, moins ils m’effrayeront. L’expertise me permet d’affiner mon militantisme.

Quelle est la suite, alors ?

D’autres projets mais je ne peux rien en dire.

Des coups de coeur, alors ?

L’une d’elles d’Una aux Éditions Ça et là, Moi ce que j’aime c’est les monstres d’Emil Ferris chez Monsieur Toussaint Louverture, puis Speak d’Emily Carroll chez Rue de Sèvres aussi.

Merci beaucoup Marie, merci pour votre combat et à bientôt !

© Gloris Bardiaux-Vaïente /Kerfriden chez Glénat

Titre : L’abolition – Le combat de Robert Badinter

Récit complet

Scénario : Marie Bardiaux-Vaïente

Dessin et couleurs : Malo Kerfriden

Genre : Documentaire, Drame, Histoire

Éditeur : Glénat

Nbre de pages : 128

Prix : 17,50€

Date de sortie : le 27/02/2019

Titre : La guillotine

Récit complet

Scénario : Marie Bardiaux-Vaïente

Dessin et couleurs : Rica

Genre : Documentaire, Histoire

Éditeur : Eidola

Nbre de pages : 48

Prix : 15€

Date de sortie : le 21/02/2018

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