Il laid-tait une fois I hate fairyland de Skottie Young: conte corrosif et nécrosé

Il était une fois… Des princesses, des créatures féériques, des licornes, une simple idée de bonheur, quoi. STOP STOP STOP ! Non mais ça ne va pas la tête ? On a passé l’âge des arcs-en-ciel et on a compris depuis longtemps que le monde d’aujourd’hui n’était fait que d’un savant mélange de nuances plus claires et plus sombres. Raison de plus pour Skottie Young qui, dans toute son irrévérence, a barbouillé le rose bonbon de noir et de rouge sang dans sa version toute personnelle des contes de notre enfance. On en a le palpitant tellement c’est savoureux.

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© Skottie Young chez Image Comics

Résumé de l’éditeur : Gertrude, petite fille au tempérament de feu, se retrouve subitement aspirée par sa moquette de la chambre, prisonnière du monde magique de Fairyland. Trente longues années de captivité et de bain de sang durant lesquelles sa seule motivation a été de rentrer chez elle. Bienvenue au royaume de la reine Cloudia, des hommes-champignon, des faunes zombies et des haches géantes. Bienvenue à Fairyland.

© Skottie Young chez Urban Comics

« En r’tard, en r’tard, J’ai rendez-vous quelque part, Je n’ai pas le temps de dire au revoir, Je suis en r’tard, en r’tard. » N’en déplaise au lapin blanc d’Alice au pays des Merveilles (Alice qui a dû se suicider à la lecture de ce comic book on ne peut plus sanglant), on a trouvé beaucoup plus en retard que lui. Et ne vous fiez pas à la petite robe rose tout enfantine de Gertrude, les années ont passé et ce qui ne devait être qu’une balade de santé, ou un rite de passage au pays des bonbons édulcorés et des nounours et arbres gentiment animés, est devenue un exil de vingt-sept années dans les contrées d’une gentillesse exaspérante et des sucreries jusqu’à plus faim.

© Skottie Young chez Image Comics

Vingt-sept ans que Gertrude est piégée là, avec pour seul ami, un Jiminy Cricket outrancier et semblant être passé par toutes les drogues. Ils sont loin ses parents, son lit, sa routine humaine. Et, au-delà de son apparence de (sale) gamine, Gertrude a grandi, l’âme viciée par les idées noires. Si elle n’a pas trouvé la clé vers son monde en étant mignonne, le ton s’est durci, et l’anti-héroïne n’hésite plus à se servir de la hache et autres éléments habituellement proscrits dans le territoire des fées. Alors, forcément, ça ne plaît pas à tout le monde. Et la Reine Cloudia en a plus que marre de cette invitée (et le Grand Livre dit qu’elle ne peut pas l’éclater comme elle le voudrait) qui sème le chaos partout où elle passe… Bref, ça va barder et il n’y aura aucun cadeau.

© Skottie Young chez Image Comics

Le monde de la BD franco-belge possède son Midam et ses jeux vidéos déjantés. Pas d’inquiétude pour autant en outre-Atlantique car le monde du comics n’est pas en reste avec un auteur comme Skottie Young, notamment. Après s’être frotté à Rocket Raccoon, Little Marvel et, surtout, au Magicien d’Oz, l’enfant (plus que jamais) terrible a décidé de mettre toute sa finesse (hum hum) et son sens de la répartie inébranlable au service d’un conte défait dont la poésie (car oui il y en a, hostile et barbare) n’a d’égal que l’atrocité jouissive dans un mélange de sang, de rate et de cerveau mais aussi une esthétique totalement gagnée à sa cause. Comme cette Lune taillée en quartier suite à sa rencontre avec Gertrude, cet ersatz de Jabba le Hutt en mode Slug plus que Thug Life, ces faunes devenus zombies (ce qui nous vaudra un dialogue délicieux, pas le seul loin s’en faut, qui remet en cause le principe même des morts-vivants : « Ils pourraient revivre en tant que morts-vivants-… vivants, non ? ») et toutes ces étoiles assassinées…

© Skottie Young chez Image Comics

I hate fairyland, c’est la fin de l’innocence, lettrée en toutes lettres par Jean-François Beaulieu, corrosive, nécrosée, tripante en diable. À rythme effréné mais avec la force de frappe d’un bulldozer, Skottie Young a métamorphosé les premiers mots des contes : « Il laid-tait une fois », et ça change tout. Ils vécurent bourrés et tuèrent les illusions de beaucoup d’enfants.

© Skottie Young chez Urban Comics

Série : I hate fairyland

Tome : 1 – Le vert de ses cheveux (#1-#5)

Scénario, dessin et couleurs : Skottie Young (Facebook)

Traduction : Julien Di Giacomo

Genre : Parodie, Conte de fée, Horreur

Éditeur : Urban Comics

Collection : Urban Indies

Nbre de pages : 136

Prix : 10 € (jusqu’au 30 juin)

Date de sortie : le 03/02/2017

Extraits :