Irena Sendlerowa, jusqu’il y a quelques semaines, personne (ou presque), dans nos contrées francophones ne connaissait son nom pourtant témoin d’une des plus courageuses opérations de survie du ghetto de Varsovie. Irena, un destin hors-norme pour une petite dame qui a force de courage et d’une équipe sans faille, a sauvé 2500 enfants du ventre du diable. Jean-David Morvan, Séverine Tréfouël, le dessinateur David Evrard et le coloriste Walter ne sont pas passés à côté de cette femme incroyable et la ramènent à notre souvenir de manière enfantine et universelle dans une trilogie. Nous avons rencontré les deux scénaristes et le dessinateur pour une interview. Longue mais surtout foisonnante et passionnante!

Jean-David, Séverine, cela fait un petit moment que vous travaillez ensemble (notamment sur Ocelot, Cartier-Bresson ou McCurry). Vous vous êtes trouvés ? Avec une sensibilité féminine apportée par Séverine ?
Jean-David : Séverine, c’est ma… libraire à Bédérama à Reims. J’y passais souvent, on discutait et on a commencé à travailler ensemble. Son travail est différent sur chaque album, et plutôt que de chercher à chaque fois des dénominations pour ce qu’elle faisait, elle est ma co-scénariste.
Séverine : Quand j’ai commencé à travailler en tant que libraire chez Bédérama à Reims, je me suis vite aperçue que Jean-David était un très bon client de la librairie. C’est comme cela qu’on s’est connu et qu’on a vite sympathisé, en discutant au magasin quand il venait… Un jour j’ai eu envie d’écrire, il m’a donné l’élan de commencer et il a lu le résultat. Quelques jours après, il m’a proposé de participer sur un scénario, au début juste par curiosité, pour voir ce que ça donnait en échangeant des idées sur un concept à lui. Connaissant très bien sa production, j’ai vite compris ce qu’il aimait ou pas dans une histoire. Ça à très vite fonctionné et on a été très vite été productif. On a donc essayé pour de vrai et on a monté des projets ensemble qui ont été signés. Quant à une quelconque sensibilité féminine, je ne pense pas car je ne fais pas de différence, Irena aurait pu être un homme, c’était tout aussi admirable et je me serais investie de la même façon.
Jean-David : Après, la sensibilité féminine, je pense qu’elle vient de… moi. (Rires) Ce n’est pas la première fois, regardez Nävis, j’ai ça en moi.

Séverine, à la base, vous êtes libraire BD. Saviez-vous qu’un jour vous deviendriez autrice de BD ?
Séverine : Oui je travaille en parallèle chez Bédérama, une librairie spécialisée BD Mangas et Comics depuis une dizaine d’années déjà. Je ne savais pas vraiment que j’aurais un jour l’opportunité d’écrire des BD, mais c’est une bonne chose d’en être arrivée là.
Si mes études n’ont rien eu à voir avec la BD, j’ai pour autant toujours été attirée dans ce domaine, comme une passion de longue date. J’en lis depuis l’enfance (Derib et Job, Crisse) et j’en ai acheté dès que j’avais un peu d’argent. Aujourd’hui mes séries préférées, en restant dans le franco Belge, et il y en a déjà bien trop pour toutes les citer, sont De Cape et de Crocs de Jean-Luc Masbou et Alain Ayroles, Garulfo aussi, Zorn et Dirna de Jean-David Morvan et de Bruno Bessadi, Sambre de Balac et Yslaire… Enfant et ado, je voulais surtout apprendre à dessiner, et si possible comme Crisse à l’époque! L’envie d’écrire est venue bien plus tard.
Après avoir fini mes études, on m’a proposé un job de libraire spécialisée BD que j’ai accepté sans trop d’hésitation, abandonnant totalement la carrière plus sage, mais bien plus ennuyante aussi, dans laquelle je me destinais. Aujourd’hui, mon job de libraire me sécurise financièrement, même s’il me prend beaucoup de temps que je ne peux pas donner dans le scénario. J’ai la chance d’avoir une double activité qui me donne une bonne visibilité sur le marché, la demande et les habitudes des lecteurs et aussi qui me donne accès facilement à de nombreux albums, ce qui est un atout pour mon activité de scénariste.

Comment écrivez-vous à quatre mains ? Qui pense à quoi ?
Séverine : Ça dépend des projets. Souvent on part d’un concept de Jean-David, puis on en parle ensemble et on se questionne, l’échange engendre souvent de nouvelles idées ou une piste à prendre dans une histoire, on développe des personnages, on cherche des dialogues… Ensuite on essaie de résumer tout ça dans un chemin de fer ou un gros texte. Pour l’écriture des pages, soit j’écris avant et Jean-David reprend et corrige si besoin, soit il écrit et je donne mon avis à la fin de la scène et change, s’il trouve mes remarques pertinentes. Il n’y a pas de compétition entre nous, surtout de la confiance et une volonté de profiter au mieux d’être deux pour aller chercher le meilleur pour le résultat final.
Pour Irena, on a discuté du récit ensemble avant l’écriture, Jean-David se sentait très bien dans l’écriture des pages d’Irena, il l’a donc spontanément pris en main. Je suis intervenue principalement dans le gros travail préparatoire des recherches, pour sélectionner les passages historiques dans les livres qui nous intéressaient pour notre récit. J’ai réalisé un document les regroupant sur une base chronologique et des fiches de personnages. Irena se basant sur la vraie histoire d’Irena Sendlerowa et afin d’être le plus respectueux de cette grande dame et de son entourage, il faut être très attentif à la crédibilité des éléments racontés. On ne peut pas tout inventer et rester libre comme dans d’autres histoires.

Cela fait quelques années que votre nom est apparu sur les couvertures d’albums BD, toujours associé à celui de Jean-David Morvan. Vous y croyiez ?
Séverine : Oui ! Et puis c’est marqué sur les albums quand j’ai un doute … Plus sérieusement j’ai toujours du mal à dire que je suis scénariste mais, de façon générale, ce n’est pas tant le fait de voir mon nom à côté de celui de Jean-David qui me fait drôle. Au début, je le connaissais seulement comme le grand scénariste Morvan, l’auteur de Sillage et de nombreux autres albums que je lisais. Aujourd’hui, je le considère surtout comme un très bon ami, il fait partie de mes proches. Je suis consciente que j’ai de la chance d’avoir commencé avec lui et je respecte beaucoup sa carrière. J’espère faire aussi bien si on me permet de continuer.
Quant à vous David, à la lecture de cet album, je me suis demandé : « Mais qui est ce dessinateur que je ne connais pas et dont le trait est calqué sur celui du dessinateur de Max et Bouzouki. La page bibliographique est arrivée et je me suis rendu compte qu’E411 (bien belch’), c’était vous ! Vous en avez eu marre de ce pseudonyme ? Ou est-ce parce que cette histoire nécessitait de ne pas se cacher derrière lui ? En est-ce fini d’E411 ?
David Evrard : Pour être précis, mes premières BD Max et Bouzouki, je les signais déjà sous mon vrai nom. Ce n’est qu’en rentrant au journal de Spirou que j’ai pris ce curieux pseudo autoroutier. J’habite pas loin de la E411, dans le village de Bousval. Étant plus jeune, j’étais fan des Innommables de Yann & Conrad. Maintenant, je suis plus sensible aux dessins de Quentin Blake, Tony Ross ou Sempé.

Pour ce nouveau projet, dont le ton est nettement différent de ce que j’avais fait jusque-là, je me suis dit que c’était le moment de mettre E411 au garage. Ou plutôt en veilleuse, car je n’en ai pas encore fini avec lui.
Cela faisait longtemps que vous cherchiez un projet comme celui-là ? Surtout vous, David, on vous connaît dans le registre de l’humour et de la sensibilisation, vous sentiez-vous enfermé dans ces registres ?
David Evrard : Je ne renie pas du tout ma période humoristique. Mais en effet, ça faisait un petit temps que je voulais expérimenter en parallèle un dessin plus graphique, quelque chose qui soit plus proche de l’illustration. Et pour ce faire, je cherchais un scénario au ton différent.

Comment êtes-vous arrivé dans cette aventure ? Un genre dans lequel on ne vous avait jamais vu jusqu’ici, si ?
David Evrard : Comme je vous le disais, j’avais envie d’essayer un autre style. Et comme je le fais de temps en temps, j’ai contacté mon vieux pote Jean-David pour savoir s’il n’avait pas un projet pour moi, un projet qui puisse se faire rencontrer nos deux univers, si différents au premier abord. Il m’a proposé le projet « Irena», pour lequel il cherchait justement un dessinateur.
Jean-David Morvan : Il y a longtemps que je voulais consacrer une histoire aux ghettos. Mais je ne savais pas quoi. Puis, Irena est arrivée et j’avais mon angle d’attaque. Elle est arrivée un peu par hasard, lorsque mon premier éditeur, Jean-Claude Camano, a partagé un article relatif à cette femme formidable sur Facebook. Cette histoire du sauvetage de milliers d’enfants du ghetto de Varsovie était tellement surréaliste que J’avais l’impression que c’était un hoax. Motivé, j’ai gratté et cherché pour me rendre compte que l’histoire de cette résistante sans arme et sans gunfight était vraie. J’ai voulu y consacrer un récit et Jean-Claude m’a tout de suite suivi dans les pas de cette femme qui a considéré que comme en temps de guerre, on peut mourir à tout moment, a décidé d’être utile. Et qui, au terme d’une organisation incroyable, a sauvé 2500 vies.
Parce qu’il faut bien se rendre compte que c’est un coup de force et de courage, soutenu par un réseau d’une cinquantaine de personnes. C’était toute une organisation qui ne s’arrêtait pas à la sortie de ces enfants mais à leur trouver un endroit où les faire vivre, leur prévoir une nouvelle identité tout en conservant leur ancienne, car Irena avait le pressentiment que ce serait utile quand la guerre serait terminée.
J’imagine que vous connaissiez Jean-David Morvan et Séverine Tréfouël, ne fût-ce que par leurs précédentes parutions ? Comment s’est déroulée cette collaboration ?
David Evrard : Je connais Jean-David depuis 25 ans, nous étions ensemble à l’école de BD St Luc à Bruxelles. Je ne connaissais pas encore Séverine, mais notre collaboration s’est tout de suite très bien passée tous les 3 (et même à 4, avec le coloriste Walter). Je n’hésite pas à recommencer certaines séquences quand JD et Séverine estiment que cela est nécessaire pour la narration. De mon côté, je ne me prive pas non plus pour les houspiller pour parfois modifier certains points du scénario. Un vrai travail d’équipe, très enrichissant artistiquement et humainement ! On s’entend très bien !

Jean-David Morvan : David est arrivé très vite dans l’aventure. Nous avons passé nos premiers mois à Saint-Luc à Bruxelles, on s’est barrés ensemble. C’est dire si on se connaît depuis longtemps. Il était même question de réaliser notre premier projet BD ensemble. Bon, ça ne s’est pas fait et il a fallu attendre 25 ans pour travailler ensemble.
Son dessin est un peu Spirou. Mais comme il travaille avec Walter, ça donne des couleurs qui sortent un peu plus de l’ordinaire, ça gratouille un peu, quoi ! Et il se trouve que David m’a écrit au moment où nous commencions Irena. Je lui ai dit : viens avec nous. C’était l’occasion de montrer une autre facette de son dessin, ce fut dur à certains moments, bien sûr.
Séverine : Jean-David dès le départ recherchait un dessin léger et poétique pour Irena, et non un style réaliste qui aurait alourdi et plombé le récit. David avait un style parfait pour ce que nous voulions. Comme tout bon dessinateur, nous recherchions quelqu’un capable de faire passer des émotions en dessin et David est excellent dans ce domaine ! Il est très juste et d’une efficacité redoutable en fait, il suffit de regarder la scène du biscuit et de Nethanel, difficile de rester insensible. David peut passer de la joie à la tristesse très vite, il sait rajouter des petits détails instinctivement pour amplifier des ambiances, son trait est dynamique, il a beaucoup de talent. Et en plus il accepte très facilement les éventuelles corrections, il est parfait ! Et c’est très agréable de travailler avec lui et d’ailleurs on espère recommencer après Irena.

Séverine, que vous a apportée Jean-David ?
Séverine : Il m’a énormément apporté, je n’y connaissais rien dans le scénario sauf que je lisais beaucoup de BD. J’ai appris tous les aspects techniques du scénario avec lui, la méthode et les outils que je ne soupçonnais pas du tout avant qu’il ne m’en parle. Chercher un concept, le nourrir en recherches de toutes formes, comment se poser des questions constructives, monter un dossier, écrire un chemin de fer, découper un scénario en pages… On apprend des choses nouvelles tout le temps dans ce métier et on s’enrichit beaucoup intellectuellement et personnellement, Jean-David m’a ouvert les portes de tout ça.
Et que lui avez-vous apporté ?
Séverine : J’espère un gain de temps et des bonnes idées en plus pour avancer le mieux possible quand on commence un projet ensemble, du dynamisme aussi, je crois. Mais c’est plus à lui qu’il faut le demander.
Jean-David : Dans le cas d’Irena, Séverine a amené le chien, Shepsi, qui a vraiment existé. David a craqué et le voulait absolument. Moi, je n’ai pas trop le côté animal domestique, la preuve : j’oubliais tout le temps Spip dans Spirou et Fantasio. Et j’ai oublié… Shepsi quand j’ai écrit le deuxième tome. Il m’a fallu une semaine pour l’écrire, j’avais tout en tête, malaxé, tout est sorti d’un coup, sauf le chien. Du coup, j’ai dit à Séverine et David de le mettre en scène eux-mêmes.

Séverine : La vraie Shepsi a toujours été la chienne d’Antoni son ami, le chauffeur de l’ambulance. Ce n’était pas la chienne de Nethanel, mais c’était bien de lui donner plus de place dans l’histoire. Elle était dressée pour aboyer lorsqu’on lui appuyait sur la patte, pour cacher les pleurs des enfants durant les contrôles des nazis aux entrées et sorties du ghetto. Je me suis très vite attachée pour cette chienne en la découvrant et encore plus sous les traits de David.
David Evrard : L’idée de représenter ce chiot attachant dans la BD revient à Séverine. Il participe aussi à mettre un peu de légèreté dans cette histoire. De plus, le faire grandir dans le tome 2 donne au lecteur une indication sur le temps qui passe.

Depuis combien de temps est-elle entrée dans votre vie d’auteur ? Un projet de longue haleine ?
Séverine : On travaille sur Irena depuis environ 2 ans et demi. Jean-David m’en a parlé après avoir lu un article sur internet sur elle, nous ne la connaissions pas et le sujet nous a tout de suite touchés. On a décidé de creuser sa vie, de se documenter sur elle, et c’est devenu très vite une évidence d’en parler, pour essayer de la faire plus connaître en France. En Pologne c’est une vraie héroïne, elle est célèbre, elle mérite que tout le monde connaisse son nom et ce qu’elle a fait. Pour moi c’est un exemple à suivre et à garder en tête.
David Evrard : Oui, ça fait un petit temps qu’on a démarré ce projet « Irena ». J’ai reçu les premières pages de scénario de Jean-David fin 2014. En plus d’un nouveau style graphique à créer, ce type de récit dramatique nécessitait un découpage et des cadrages radicalement différents de ce que j’avais fait jusqu’à présent dans mes autres BD (plutôt classiques façon école de Marcinelle, style « scène de théâtre »), il a donc fallu une certaine période de test et de rodage point de vue dessin. Mais je disposais d’excellents coachs en la personne de Jean-David et Séverine! Après différents essais au niveau des couleurs par Walter, le projet a été présenté à Jean-Claude Camano qui a été enthousiaste dès le départ. L’aventure Irena pouvait donc démarrer.

Jean-David, depuis quelques années, ne vous êtes-vous pas rapproché du réel et de l’aspect documentaire?
Jean-David : J’ai toujours parlé de la réalité dans mes BD. Mon premier album était un western réaliste, Sillage parle des systèmes politiques, de la démocratie. J’envisage la science-fiction comme une manière de parler du réel dans un paquet cadeau. Regardez SpyGames qui, sous le couvert d’une histoire d’espion, s’intéressait à la géopolitique de ces dernières décennies. Même Ravage, adaptation d’un roman des années 40 questionnant notre confort électrique contemporain. Que se passerait-il si, demain, tout déconnait ? J’étais au Japon au moment de Fukushima, j’ai été dans les villages irradiés. J’ai souvent fait des BD sur le cas de conscience, ça m’obsède, je veux faire réfléchir. J’ai toujours la même chose à dire mais je conjugue mon propos de manières différentes.
Aujourd’hui, sans doute que je suis plus direct. Mais ce n’est que le déclic d’une envie de ne jamais faire la même chose. Le degré ultime de cette envie de parler du réel, ce fut Guerres civiles avec Sylvain Ricard et Christophe Gaultier. C’était métaphorique, nous nous mettions en scène, nous étions les héros… quoique pas vraiment.

Irena, c’est une héroïne méconnue, si pas inconnue du grand public. C’était le cas pour vous aussi ?
David Evrard : Oui, je n’avais jamais entendu parler de cette assistante sociale polonaise nommée Irena Sendlerowa. Mais le destin incroyable de cette femme qu’on comparait souvent à celui d’Oskar Schindler m’a d’emblée fasciné.
Jean-David : Elle n’est pas tellement oubliée. Mais elle était polonaise, son histoire n’est pas arrivée en France. Il y a plein de personnalités de cette trempe qu’on ne connaît pas. Mais ils ne connaissent sans doute pas Jean Moulin en Pologne.
En plus, il y a une deuxième raison à cet « oubli ». À la libération, ce sont les soviétiques qui ont libéré la Pologne. Et les Juifs n’étaient ni aimés par les Allemands, ni par les Russes. Irena n’avait pas bonne presse et était très mal vue.

J’imagine, du coup, que vous avez dû pas mal vous documenter, qu’est-ce qui vous a mis sur la piste d’Irena et du ghetto de Varsovie.
Séverine : Oui mais pas seulement sur le ghetto, j’ai regardé beaucoup de documentaires sur la seconde guerre mondiale dans son ensemble, pour bien comprendre le contexte historique. Écrire une histoire, c’est maîtriser ce qui se passe avant, pendant et après. J’ai aussi lu plusieurs livres sur Irena bien sûr, comme « La mère des enfants de l’Holocauste » d’Anna Mieszkowska, « La vie en bocal » de Jack Mayer, « Des papiers pour mémoire » d’Isabelle Wlodarczyk et aussi vu des documentaires sur elle, disponibles sur internet. Des films aussi, le Pianiste, La liste de Shindler, le fils de Saul, Inglorious Basterds…tout cela pour se conditionner surtout.
Jean-David : Avec Séverine, on a trituré une documentation trilingue en français, anglais et polonais. On en a fait des résumés. Je suis en train d’écrire le troisième, à présent, sur la fuite des Juifs. J’ai voulu vraiment m’accaparer le personnage, me mettre dans sa peau.
David Evrard : J’ai dû faire pas mal de recherches. La documentation sur le ghetto de Varsovie ne manque pas. Souvent des photos très dures. Côté décors et bâtiments pour la Varsovie de 1940, il a fallu investiguer également. En tout cas, je n’avais jamais dû autant travailler les décors que pour cette BD.
Ce n’est pas la première fois que ce lieu qui fait froid dans le dos est traité, faut-il dès lors faire abstraction des images vues dans les films etc. pour éviter les clichés ?
David Evrard : Pour ma part, je me suis vraiment imprégné des films sur le sujet, Au nom de tous les miens sur la vie de Martin Gray (mort dernièrement) et Le Pianiste de Polanski, entre autres. M’en imprégner pour ensuite les mettre de côté et en conserver surtout l’ambiance et les émotions pour les ressortir en dessin. Pareil pour les photos et les reportages difficilement soutenables sur la Shoah par balles perpétrée par les Einsatzgruppen, les unités mobiles SS d’extermination.
Jean-David : Les clichés, en BD, on peut en jouer, les détourner. Je n’ai pas envie de raconter des histoires déjà lues et je veux me retrouver là où personne ne m’attend, y compris moi. Comme cette phrase du Looking for Eric de Ken Loach avec Éric Cantona : « Si tu veux surprendre ton adversaire, surprends-toi« . J’utilise souvent le pot commun, comme en science-fiction, mais j’essaie d’y trouver mon originalité. Et même avec un dessin décalé par rapport à ce qu’il est habituel de voir, d’avoir de l’émotion.
Séverine : Nous nous sommes principalement servis de documentaires filmés d’époque et de livres, beaucoup de photographies, pour David et Walter, notre coloriste, mais aussi pour nous, nous immerger dans une époque qu’on n’a pas connue mais qu’on se doit de maîtriser un minimum pour rester crédibles pendant l’écriture des pages… Et, oui, il faut toujours être prudent avec les autres supports : les films, par exemple, sont déjà des interprétations d’auteurs, il faut bien sûr éviter de faire la même chose.

Jean-David : Concernant les couleurs, j’avais une idée précise du rendu que je voulais. Il y a un an et demi, je me suis rendu au Mémorial de la Shoah et une exposition photographique sur le ghetto y prenait place sur base des clichés réalisés par Hugo Jaeger, le photographe personnel d’Hitler – un super-photographe qui a choisi le mauvais camp. Il faut dire que les Allemands ont beaucoup documenté leurs camps. De cette expo, j’avais gardé le catalogue. David et Walter s’en sont inspirés.
Le tome 2 est très réjouissant jusqu’à ce que…
Jean-David : Oui, c’est l’envolée, Erina fait sortir plein d’enfants, tout va bien. Mais ça va se gâter.

Au-delà de ça, j’ai l’impression qu’il y a eu un gros travail d’adaptation au jeune public ? Avec des images qui lui parlent et l’emballent, plus loin que le ghetto, avec des histoires de princesse et de chevalier (dans le deuxième tome), d’un monde invisible par-delà les barrières infranchissables… Comment avez-vous fait ?
David Evrard : Traiter de ce sujet dans une BD tout public était la volonté de départ de Jean-David. Je crois que c’est d’ailleurs pour ça qu’il a confié le dessin de ce projet à un dessinateur catalogué plutôt jeunesse comme moi. L’idée étant d’ « adoucir » un tant soit peu le sujet avec ce type de dessin, d’insuffler de ce fait un peu d’espoir et de poésie dans l’enfer du ghetto, notamment avec la présence fréquente des rêves féeriques des enfants et les esprits des personnes disparues rendus visibles pour le lecteur.
Séverine : Oui, on voulait qu’Irena puisse être lu par les plus jeunes, ce qui cadre le rendu final : on ne peut pas tout montrer de manière directe, on doit garder de la distance avec la violence de la guerre. Ce fut une bonne chose car cela nous a obligés à ne pas jouer systématiquement sur celle-ci pour faire passer des émotions, sans non plus l’évincer ou l’oublier dans l’histoire car elle reste présente dans notre album. De mon point de vue, cette distance laisse bien la place à notre héroïne, le but étant de retenir Irena et ses actions à la fin de la lecture, et non de rester sur les horreurs du ghetto.
Quant à la dimension des contes, c’est une volonté de marquer la différence entre les réactions d’adulte et les enfants face à la guerre. On voulait garder le côté rêveur des enfants, l’innocence, même face à ce qu’il y a de plus dur, la mort, la cruauté, l’inhumanité de cette sale période … Ce n’est finalement qu’une interprétation à laquelle on a envie de croire, espérer que ces enfants pouvaient encore rêver et rester positifs, on ne le saura jamais vraiment. J’espère que ce parti pris donne un de l’air aux lecteurs.

Jean-David : Je voulais que ce soit lisible par tous. Un peu comme le film Le Fils de Saul que j’ai moyennement aimé. Mais en filmant derrière la tête du personnage principal, le réalisateur Laszlo Nemes parvenait à éviter le frontal même si au final je trouve cela… irregardable. Nous, nous voulions que l’histoire puisse être lue, aussi horrible et pleine d’espoir soit-elle.
Était-ce un travail de justesse pour ne pas dénaturer l’histoire mais la rendre acceptable (aussi inacceptable soit-elle) ? Il y a eu des difficultés ?
David Evrard : Oui, on ne traite pas un tel sujet à la légère. On était parfois sur le fil du rasoir avec certaines séquences. On a tenté des choses « audacieuses » avec la façon « rêvée » dont les enfants vivent certaines situations. Mais les nombreuses critiques positives qui nous sont parvenues semblent nous donner raison sur ces choix narratifs.
Séverine : Concernant le scénario, je pense que le plus dur était de résumer toutes les informations recueillies en seulement 72 pages par tomes, bien sélectionner les plus pertinentes et les intégrer à l’histoire. Mais aussi bien respecter les dates, et les faits historiques et essayer de ne rien oublier. Jean-David a choisi une narration non chronologique, il faut donc bien veiller aux changements des années dans le récit. Concernant le dessin, David est plus amené à répondre, mais oui il y en a eu aussi, on a dû recommencer certaines scènes.
Et notamment, dans le tome 2, il y a notamment une scène d’exécution…
Jean-David : Sur une case montrant la Shoah par balle, on s’est pas mal arraché les cheveux avec David. C’était frontal, et dès le storyboard, on a tout de suite compris qu’on ne pouvait pas publier ça de cette manière. Ça aurait été choquant pour tous. C’est une case où un nazi tire une balle dans la tête d’une dame à genoux. Du coup, on a cherché longtemps la bonne manière de montrer ça. En mettant la « caméra » au niveau des pieds… On a recommencé cette case au moins 25 fois.
La réussite de l’entreprise périlleuse d’Irena ne tiendrait-elle d’ailleurs pas autant à son courage qu’à un peu de chance ? Mais le courage ne force-t-il pas la chance, aussi ?
Séverine : C’est un exemple de courage, on ne peut pas le remettre en doute. Je ne pense pas qu’elle comptait sur la chance quand elle agissait. Elle en a eu beaucoup, certes, mais si elle réussissait si souvent, c’était surtout dû à sa volonté et à la préparation de ses actions en amont, avec Zegota, l’organisation de résistance dont elle faisait partie.
Quelles sont les libertés que vous avez prises avec cette histoire ?
David Evrard : Nous l’annonçons dès le départ en page 2 du 1er album : à propos de la vie d’Irena, nous avons été confrontés à plusieurs livres qui parfois se contredisaient sur tel ou tel élément. Le parti pris a été donc de faire, non pas une biographie, mais une fiction inspirée de faits réels pour rendre au mieux l’esprit de son combat.

Jean-David : Il me manquait la première fois où Irena est passée à l’acte. Je me suis mis dans la peau de cette dame, essayant de comprendre le pourquoi, ce qui me lancerait dans cette terrible et risquée entreprise. Le premier a dû être une grande décision. Puis, le choix de l’équipe n’était pas anodin, certains auraient pu la trahir.
Les libertés sont inévitables. Tous les livres se contredisent sur certains points et nous ne voulions pas prendre parti, nous préférions inventer plutôt que de choisir, tout en essayant d’être le plus proche de ce qu’on avait en dur et certifié.
On voit ainsi Irena endormir les enfants à coups de vodka, véridique ?
Jean-David Morvan : Vrai ou pas, je ne sais pas. Il est répandu que des médicaments, et notamment de la ventoline, étaient utilisés. Ce n’est pas crédible, tout le monde n’avait pas ça chez lui et en grandes quantités. Alors, on a choisi la vodka.
Séverine : De ce que j’ai lu, le plus souvent, Irena utilisait du Luminal, un médicament barbiturique pour traiter certaines formes de convulsions et les troubles du sommeil, mais elle n’en avait pas toujours avec elle. La vodka le remplaçait lorsque c’était le cas.

D’autre part, si certaines planches sont volubiles, d’autres sont quasiment « muettes » en termes de dialogues, tout doit passer par le dessin. N’est-ce pas à double-tranchant ? Sur quoi misez-vous ?
David Evrard : Çà, c’est une volonté des scénaristes. Je les rejoins sur le fait que s’il y a moyen de faire comprendre le récit et ses émotions sans l’aide de texte, c’est parfois plus fort. De plus, ces séquences muettes permettent d’alterner avec d’autres séquences classiques, ces variations sont un plus pour le récit je pense. Il faut juste être vigilant à ce que le message y soit bien clair. D’où l’importance de la relecture et du coaching de mes chers scénaristes.
Séverine : David est un excellent dessinateur, il sait faire passer les messages et les émotions même sans dialogue, il a un excellent sens de la narration et de très bons choix de cadrage. Et puis Jean-David sait très bien décrire les choses dans les pages pour que David puisse être le plus efficace possible dans cet exercice. Nous restons très présents dans toutes les étapes de la production et nous essayons d’accompagner David le mieux possible. Surtout Jean-David qui est expert dans l’étape très importante des storyboards. Un vrai travail d’équipe !

Plus loin, vous n’êtes pas limité au format classique, vous avez 72 planches. Ça joue ? Ça permet d’être moins serré, j’imagine et de réaliser des double-planches ?
David Evrard : Oui, ce récit de presque 200 pages permet de prendre le temps d’installer les choses. De faire comprendre quel a été le cheminement d’Irena pour en arriver à son apostolat. Et, vous avez raison, de permettre au lecteur de se poser de temps en temps sur ces double-pages qui, outre le fait qu’elles amènent de la variété à l’instar des pages muettes, sont également propices à la contemplation de petits détails. On m’a même dit que ces double-pages avaient un petit côté « Où est Charlie ».
J’imagine que les deux premiers albums ont été réalisés l’un à la suite de l’autre pour une parution quasi-simultanée. Néanmoins, avez-vous senti une différence de ton entre les deux ? Ce deuxième album est plus engagé mais aussi plus dur ?
David Evrard : Clairement, il y a une différence entre les deux premiers tomes. Le premier nous explique comment Irena s’est engagée dans son combat, quel a été l’acte déclencheur pour sa mission de « sauveuse d’enfants ». Le deuxième tome est rythmé par toutes les évasions incroyables d’enfants. Mais après ce début plutôt « euphorique », grâce à ces évasions réussies, s’ensuit un crescendo vers une fin d’album assez dure, qu’on essaye de contrebalancer par des flashbacks tendres de la jeunesse d’Irena.
Séverine : Ces flashbacks permettent de montrer son enfance, sa jeunesse et ce qui l’a construit pour en arriver à ce choix de sauver des enfants et ne pas hésiter à risquer sa vie pour cela. Son père l’a beaucoup influencé dans ses choix, il était important de le présenter et d’en parler par exemple.
Puis, l’argent va également jouer un rôle. Certains Allemands vont d’ailleurs le préférer à leur idéologie, permettant le salut d’Irena. Vous permettant aussi de ne pas verser dans le manichéisme.
Jean-David : C’est évident. On ne pouvait pas tous les montrer sous le visage du nazisme ou comme des idéologues. Certains n’avaient absolument rien contre les Juifs. Il faut rendre vie aux gens derrière l’uniforme qu’ils portent. Mais c’est le cas pour tout. Durant la Première Guerre Mondiale, il y avait de tout sur le front, des soldats mais aussi des voleurs, des gays…

Puis, je pense que ça nous relie à ce qu’il se passe aujourd’hui en France. Sitôt que quelques policiers sont impliqués dans un passage à tabac ou des violences quelles qu’elles soient, on a tôt fait de faire le raccourci et nos médias parlent de « La Police ».
À Yad Vashem, au mémorial, les noms de toutes les victimes juives de la Seconde Guerre Mondiale sont cités, un à un, par boucle, inlassablement. Une boucle doit, sans doute, prendre plusieurs mois mais il me semble important de rendre l’unicité et l’importance des hommes et femmes qui ont péri, derrière le chiffre global des victimes.
La BD n’a eu de cesse, ces dernières années, de s’inviter dans le champ du réel, dans l’Histoire ou le reportage. Pourquoi, selon vous ? Que permet-elle de différent d’un film ou d’un livre sans image ?
Séverine : Côté lecteur, c’est toujours intéressant d’apprendre en s’amusant, en tout cas moi ça me plait d’apprendre des choses en lisant une BD. Côté auteur c’est toujours bien et motivant de participer à transmettre l’Histoire à un maximum de personnes à travers le temps. La BD est un support ludique qui peut attirer les plus jeunes comme les adultes, ce serait dommage de la limiter à seulement des histoires inventées.
David Evrard : La BD permet, à mon avis, de rendre plus accessible l’Histoire à un plus grand nombre. Lire un livre sans image sur un sujet comme celui-ci n’est pas ce qu’il y a de plus aisé pour un enfant (encore faut-il s’entendre sur ce qu’on appelle un enfant). Quant à la différence avec un film, il me semble que la BD convient très bien à un enfant car elle lui laisse davantage le temps de digérer les informations. Un film ou un documentaire imposent un rythme, ce que n’impose pas une BD : on peut faire des arrêts sur image, faire des retours en arrière… J’ajoute enfin que, tout en guidant le lecteur, elle laisse peut-être aussi davantage de place à l’imagination qu’un film ou un documentaire.

Ces derniers temps, avec La guerre des Lulus ou Les enfants de la résistance, la BD a réaffirmé son intérêt de faire parvenir l’Histoire et ses tragédies aux enfants. Les a-t-on oubliés pendant tout un temps ?
David Evrard : Je ne pense pas qu’on les ait oubliés, mais le contexte sociétal était peut-être différent. Avant, la BD pour enfants était presque essentiellement considérée comme un loisir récréatif qui n’avait pas spécialement pour vocation de faire passer un message. Aujourd’hui, le contexte est très différent. En matière de loisirs récréatifs, les enfants ont désormais un choix considérable et exponentiel, entre autres avec l’avènement des nouveaux médias. Les enfants qui lisent des BD sont de moins en moins nombreux. Face à cette évolution, la BD doit peut-être repenser et redéfinir son rôle. Pour subsister, se refaire une place auprès de ce jeune public, elle doit peut-être proposer aussi des récits réels porteurs de messages. En ce sens, elle peut être un moyen formidable de susciter l’intérêt des enfants pour l’Histoire.
Je pense aussi que les enfants d’aujourd’hui sont, bien plus qu’auparavant, plongés constamment au cœur de l’actu avec tout ce qu’elle a d’anxiogène. Tout comme nous, ils vivent l’immédiateté de l’info et sont au courant très tôt de tout ce qui se passe autour d’eux, très souvent d’ailleurs sans en comprendre les tenants et les aboutissants. Et sans que nous, les adultes, ne prenions le temps de les accompagner dans le traitement de toutes ces informations. À cet égard, la BD est peut-être aussi un moyen de parler de sujets encore toujours très actuels, d’en discuter avec eux et de susciter le débat. Car cette BD demande certainement un accompagnement pour les plus jeunes. Sans doute même l’urgence de le faire par ce canal n’a-t-elle jamais été aussi présente qu’en ces temps particulièrement durs et troublés.
Jean-David : Pour moi, la BD a carrément oublié les enfants, pendant tout un temps, les encourageant à lire des mangas. Ça s’est marqué par des programmes éditoriaux à destination des enfants pas excitants et même un peu gnangnans. Moi, à douze ans, je regardais le dernier film d’horreur flippant et je lisais les Innommables. Les enfants, on peut leur raconter beaucoup de choses mais donnons leur à lire, seulement. Et la BD qui, auparavant, possédait une réputation de littérature pour enfants, s’est retrouvée avec des trentenaires-quadragénaires qui n’avaient pas fait la liaison du manga vers la BD.

Séverine : Je crois on a trop cherché à protéger les enfants en les cloisonnant à des histoires trop souvent « rose bonbon » sauf que le monde dans lequel nous évoluons est loin d’être un conte de fée. Je trouve il est mieux de les préparer à la réalité du monde en les accompagnant et en leur expliquant que de chercher à les isoler de tout cela, la réalité les rattrapera un jour ou l’autre de toute façon. Youth United avait déjà cet esprit, nous voulions déjà avec Jean-David parler d’actualité aux jeunes et défendre les droits de l’enfant.
Irena connaît un destin assez fou, non ? Notamment au Festival d’Angoulême ?
David Evrard : Le bilan d’Angoulême est très positif pour Irena, principalement par les retours des personnes rencontrées en dédicace. Beaucoup d’entre elles étaient venues après en avoir entendu parler via une connaissance, ou recommandé par un libraire, après avoir lu tel article ou encore en avoir entendu parler à la radio. Vraisemblablement, Irena touche le cœur des gens. Ça nous fait plaisir car elle le mérite.

Jean-David : J’ai fait un paquet d’albums, je pense ne jamais avoir autant reçu de coups de cœur de libraires, de lecteurs ou de journalistes. Ça fait drôle. Maintenant, j’ai plus de répondant quand on me dit que c’est de la merde. (Rires) En plus, il y avait ce pari de s’insérer dans la collection Tchô! L’aventure. Mais je pense que le public n’est pas encore le coeur des fans de BD, de par le dessin jeunesse. Mais les gens touchés en parlent. On va revenir doucement vers le coeur après avoir tourné autour.
Quels sont vos projets ? Ce triptyque vous donne-t-il envie d’explorer d’autres facettes de votre talent, d’autres univers et genres ?
David Evrard : Mon premier objectif est de m’attaquer au tome 3 d’Irena. Il y sera, entre autres, question de la période communiste, moins connue, qu’a subie Irena après le départ des nazis. Pour le reste, depuis qu’on a commencé l’aventure Irena, Jean-David et Séverine ont pensé à de nombreux autres projets, parfois des histoires vraies. Ce sera encore des sujets durs, la constante sera qu’on y côtoiera encore des enfants aux prises avec la misère et la brutalité des hommes, le challenge sera encore une fois d’y insuffler de l’espoir et du rêve. Les décors changeront, nous aimerions pour tel projet parler de l’émigration irlandaise vers les Etats Unis et pour un autre, nous voguerons jusque Valparaiso.

Jean-David : Dans l’immédiat, finir le scénario du troisième Irena, la suite de Sillage et le deuxième tome de Ravage. Et bien d’autres.
Séverine : En effet, clôre Irena dont la sortie est prévue en janvier 2018. Je travaille aussi en parallèle sur la collection Magnum Photos / Aire Libre chez Dupuis, nous devons, avec Jean-David, finaliser le 4ème tome de la collection qui doit sortir en 2017 et préparer les suivants. Dans ce quatrième opus, nous allons parler du photographe Abbas et de Mohammed Ali. Abbas était présent lors du championnat du monde des poids lourd à Kinshasa le 30 octobre 1974, il a pu immortaliser le combat, The Rumble in the Jungle, qui opposait Ali contre George Foreman. Je travaille aussi sur des nouvelles séries, certaines encore à l’étape de dossier. Quant à me retrouver seule au scénario, l’avenir le dira. Tout est possible, suffit d’au moins essayer !
75 ans plus tard, quels enseignements tirez-vous du destin d’Irena Sendlerowa ? À la lumière des événements actuels, perpétuer son histoire a son rôle à jouer ?
David Evrard : Mon élan premier, en me lançant dans ce récit, était l’envie de raconter la vie d’Iréna, de montrer comment le destin de cette petite femme ordinaire a un jour basculé vers quelque chose d’extraordinaire. Que du haut de son 1,56 m, elle ait tenu tête à l’idéologie exterminatrice nazie ! Je serais ravi qu’à travers cette BD, les lecteurs actuels soient touchés par Irena, qu’elle représente pour eux un exemple d’humanité en ces périodes troubles.
Jean-David : Nous sommes des enfants par rapport à elle. Elle nous apprend qu’il faut essayer. Je ne suis pas Maître Yoda mais je pense qu’une maxime comme « Essaye et tu verras » s’applique bien à l’enseignement d’Irena. Sans doute n’y a-t-il qu’un pour cent de personnes qui atteignent le Rêve Américain mais ce n’est pas pour ça que le destin des 99 autres pour cent est inintéressant. Que du contraire.

Séverine : J’admire beaucoup la vraie Irena et je retiens surtout une phrase d’elle : « On m’a éduquée dans l’idée qu’il faut sauver quelqu’un qui se noie, sans tenir compte de sa religion ou de sa nationalité« … Voilà, j’aimerais que nos lecteurs retiennent ce message aussi, on a tous une petite Irena qui sommeille en nous, il suffira de savoir la réveiller en cas de besoin.
Merci à tous les trois pour ces réponses qui sont autant d’éclairages et vivement la suite.
Titre : Irena
Tome : 1 – Le Ghetto
Scénario : Jean-David Morvan et Séverine Tréfouël
Dessin : David Evrard
Couleurs : Walter
Genre : Drame, Histoire, Biographie
Éditeur : Glénat
Collection : Tchô! L’aventure
Nbre de pages : 72
Prix : 14,95€
Date de sortie : le 04/01/2017
Extraits :
Tome 2, Les justes, à paraître le 22 mars 2017, quelques extraits :
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