Paf le chien et Page Blanche, de l’impro sur les planches sans rien de téléphoné

La nuit, c’est connu, tous les chats sont gris. Et Bruxelles n’y déroge pas. Pourtant, de ce côté-là de Bruxelles, à Etterbeek, la page était blanche et tout restait à écrire sur les planches. Car, oui, dans la chaleur du petit estaminet L’arrière-scène, c’était bien de théâtre qu’il s’agissait. Mais pas d’un théâtre mûri et appris au mot près, que du contraire. Du théâtre improvisé par quatre comédiens de la bien-nommée troupe… Page Blanche et pouvant vous emmener n’importe où.

© Alexis Seny
Patrick Spadrille et Marie-Pierre Thomas © Alexis Seny

Mais puisqu’il faut bien un début de fil rouge avant de se jeter (avec on l’imagine, quand même, quelques filets de secours et quelques idées tout-terrain sauf que, après coup, information prise auprès de la troupe, elle clame « haut et fort : RIEN n’est préparé dans Page Blanche. Tout notre travail consiste à développer et améliorer notre capacité à créer dans l’instant ». Ce qui témoigne de l’exploit réalisé vendredi et tous les autres soirs) dans le vide, c’est au public qu’est revenu la parole pour déterminer le lieu à partir duquel l’oeuvre éphémère allait s’émanciper. De la cinquantaine de personnes présentes (une salle plus pleine que ça, tu meurs), les propositions vont bon train. Et c’est la niche du chien qui obtient les faveurs du quatuor. Que dis-je : du quintet, car, dans l’ombre, un autre compagnon de route s’occupe d’improviser le son et les lumières. Tout est en place, ou plutôt rien n’est en place, et commence alors l’exercice fou de tenir en haleine le public pendant 1h15. L’ombre se fait mais pas le temps pour les comédiens d’échanger, et tout se rallume aussi vite.

Peggy Green © Alexis Seny
Peggy Green © Alexis Seny

Et hop, rien n’a bougé sur scène, mais on imagine déjà bien notre couple de héros (le doux et nostalgique Patrick Spadrille, aussi directeur artistique de la troupe, et le tonnerre Marie-Pierre Thomas) accroupi devant la niche, tentant d’alpaguer leur nouveau petit habitant. Jusqu’ici, il s’appelle « le chien », mais ça ne va pas durer. Ce n’est d’ailleurs pas Madame qui va le baptiser : elle, de chien, elle n’en voulait pas, pas plus que d’un gosse notez, alors Monsieur n’a qu’à trouver. Et lui croit qu’il faut laisser venir le prénom à soi, dans la douceur et sans rien forcer, de manière intuitive. Bonne idée ? Pas sûr. Toujours est-il que le chien s’appellera… « Poutre ». Et comme c’est un « chien-apan » fugueur et sans rappel, tout le quartier va bientôt connaître le nom un peu suggestif de ce chien. Boh, après tout, certains appellent bien leur chat, Fisty !

Ron Wisnia et Patrick Spadrille © Alexis Seny
Ron Wisnia et Patrick Spadrille © Alexis Seny

Et ce chien turbulent, que Madame ne veut pas laisser rentrer à l’intérieur, peine perdue, va vite faire le lien avec une gamine totalement speedée (l’exaltée Peggy Green qui joue aussi la collègue) mais aussi et surtout un malvoyant du quartier… qui n’est autre qu’un acteur bien connu : le « Bob Morane » de France 3 (Ron Wisnia, charismatique). La gloire est passée et après la mort de son amoureuse d’actrice, la « BéBel » gueule a regardé briller le soleil trop longtemps, ce qui a « officiellement » et romantiquement détérioré sa vue. Mais, mine de rien, cet acteur qui n’est plus que l’ombre du fantasme télévisuel, va être la pièce maîtresse de cette comédie vaudevillesque.

Ron Wisnia et Marie-Pierre Thomas © Alexis Seny
Ron Wisnia et Marie-Pierre Thomas © Alexis Seny

C’est vrai, on a tendance à voir l’improvisation comme un exercice au court terme, un sketch, quelques minutes… Ainsi, c’était la première fois que j’assistais à une pièce d’improvisation, au long terme s’entend. Et cette troupe énergique et inventive a tout pour faire apprécier l’exercice, cultivant l’art du moment et de nous renvoyer à nos propres vies. Mais aussi, quand on regarde leur site et leur page Facebook, de varier les plaisirs, plongeant tour à tour dans le polar ou le suspense. Ici, malgré quelques longueurs qu’on pardonne forcément volontiers, tout est dans l’art de rebondir, de faire croire à la spontanéité la plus totale tout en s’émouvant, criant, pestant comme on le fait au théâtre. Et à ce supplément de réel, Olivier Prémel (également comédien de cette troupe dont l’effectif sur scène varie en fonction des soirs) apporte l’ambiance et dessine les espaces que la vie des comédiens vient habiter. À tel point qu’on en a oublié que la scène, pour seuls décors, ne possédait que quatre chaises. Fortiche.

Marie-Pierre Thomas, Patrick Spadrille, Peggy Green et Ron Wisnia © Alexis Seny
Marie-Pierre Thomas, Patrick Spadrille, Peggy Green et Ron Wisnia © Alexis Seny

La troupe Page Blanche sera en scène pour les trois dernières fois, avec forcément des histoires totalement différentes, les jeudi 23, vendredi 24 et samedi 25 février à l’Arrière-scène (32 rue de Chambéry à 1040 Bruxelles (Etterbeek)). Ne tardez pas à réserver, les places partent vite !

Vous pouvez retrouver Page Blanche sur Facebook et sur son site internet.

Quelques teasers pour vous donner encore plus envie :

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