Tombée d’une autre planète sur une Terre pas très ouverte à la différence : Patricia Highsmith, autrice de comics anonyme devenue romancière best-seller sans concession

© Hannah Templer

Faut-il être lisse pour être inspirant? Dans Tombée d’une autre planète (d’après les aventures indécentes de Patricia Highsmith) et sa couverture qui fait très comics, Grace Ellis et Hannah Templer nous font découvrir l’autrice dont les écrits sont passés à la postérité, au cinéma y compris: Mr. Ripley, L’inconnu du Nord-Express. Mais aussi Carol, un texte abordant (son) l’homosexualité féminine que la romancière à succès, pourtant, eut toutes les peines du monde à faire publier sous son nom, ce pourquoi elle dût choisir un pseudonyme: Claire Morgan.

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© Ellis/Templer chez Calmann-Levy
© Ellis/Templer chez Calmann-Levy

Résumé de Tombée d’une autre planète par Calmann Levy Graphic : New York dans les années 1950. Patricia Highsmith écrit de mauvaise grâce des comics pour les incultes, avec pour seule compagnie, Spider, son chat siamois. Elle boit, elle fume, elle déteste les gens et la vie… Elle sait qu’elle peut mieux faire. Son cerveau bouillonne d’images du grand roman qu’elle pourrait et devrait écrire, et qui deviendra L’Inconnu du Nord-Express. Dans le même temps, Pat, qui vit très mal son homosexualité, essaie tant bien que mal de suivre une thérapie de conversion, laissant dans son sillage nombre de conquêtes sexuelles et de cœurs brisés. Toutefois, l’une de ces liaisons, et une rencontre fortuite dans un grand magasin, lui donneront l’idée de son roman chéri, Carol. Le récit d’un amour lesbien qui sera le premier dans son genre, car il offre aux protagonistes une fin heureuse.

© Ellis/Templer chez Calmann-Levy

Pas facile d’être une femme, d’être soi tout simplement. C’est encore vrai, aujourd’hui, alors que tant de progrès sont encore à faire, mais je ne vous dis pas dans années 50… Encore plus quand on appartient à ce que d’aucuns disent ‘minorités’ pour mieux les exclure du débat, les moquer, si pas pire. Dans un monde où l’homme, patriarche, viril, dicte sa loi, Patricia Highsmith est une sacrée personnalité, pas du genre à se laisser faire. Brute de décoffrage, ce à quoi ses employeurs, son entourage, sa psychologue, le monde d’avant ne sont pas préparés.

© Hannah Templer
© Ellis/Templer chez Calmann-Levy

Avant de devenir une best-seller – encore fallait-il que son agent arrive à vendre l’Inconnu du Nord-Express, oui, cela semble fou -, c’est dans l’ombre que Patricia Highsmith- a commencé sa carrière d’écrivaine, pour l’industrie des… comics. Soit Exciting Comics puis Timely Comics (l’ancêtre de Marvel) en secret, après une rencontre avec un Stan Lee, qui avait de la suite dans les idées… pas forcément celle à laquelle Patty pensait.

© Ellis/Templer chez Abram US
© Hannah Templer

Dans sa vie comme son métier, Patricia voulait exister pour ce qu’elle est, de manière détonante (comme les images qui lui viennent en tête quand elle écrit). Que ce soit dans des histoires pas toujours glorieuses (qu’on ne signe pas d’ailleurs) pour les illustrés ou ses romans plus personnels et musclés. Car on n’explore et n’explose pas ses talents en les refoulants.

Malgré tout, Patricia Highsmith, conditionnée par le monde qui l’entoure et désapprouve ses mœurs (de quel droit?), se fait suivre psychologiquement et va même dans des séances réservées aux homosexuels anonymes pour être remise sur le droit chemin. Mais en compagnie, comme elle le dit, de femmes qui ont les mêmes idées qu’elle, cela ne risque-t-il pas de faire feu d’artifice, et de libérer notre héroïne au-delà de la vie par procuration qu’elle fait mener à ses personnages littéraires. Mais, malheureusement, Pat peut faire des choix, forts, pour elle, mais pas contraindre les autres à briser leur coquille.

© Ellis/Templer chez Abram US
© Ellis/Templer chez Calmann-Levy

Mêlant, fusionnant parfois, les turpitudes professionnelles et personnelles, les deux autrices réalisent une biographie complètement BD, comics même, avec des codes pop, des idées très graphiques et poétiques pour faire se confondre la forme, le fond et la vie de l’artiste. C’est captivant. J’ai passé un bon moment à découvrir cette romancière qui m’était inconnue, je dois l’avouer, et qui est tellement insaisissable (quitte, dans d’autres registres, à créer la polémique) qu’elle insuffle le suspense et le rythme de cette histoire folle, édifiante et enrichissante. Un coup de coeur.

© Ellis/Templer chez Calmann-Levy

À lire chez Calmann Lévy Graphic.

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