Flic à la PJ, t.2 : de La Réunion au Paris de tous les extrêmes criminels, Ludovic Armoët fait un tour passionnant dans les carrousels TVA, avec leurs dommages collatéraux

© Armoët/Corbeyran/Malisan chez Delcourt

Après un go fast, le (vrai) flic Armoët continue de livrer ses mémoires graphiques à l’aune d’un carrousel fiscal. Changement total d’univers pour s’intéresser à une matière barbante ? Vraiment? Humainement passionnante en tout cas, dans une enquête pleine de nuances, avec peu d’action, mais des rebondissements et questionnements marquants. 

Résumé du tome 2 de Flic à la PJ par les éditions Delcourt : Quand il était enfant, petit Réunionnais, Ludovic n’avait qu’une idée : devenir inspecteur de police en métropole… Aujourd’hui retraité de la fonction publique, il nous confie dans chaque album l’évolution du rêve de ce petit garçon et nous fait vivre l’une des enquêtes qui l’a particulièrement marqué durant sa carrière, souvent du fait de la personnalité des bandits qu’il cherchait à attraper… Hiver 2001, Ludovic a quitté les stups et débarque à la brigade financière du SRPJ de Versailles, antenne d’Évry. En dépit de son inexpérience en la matière, son nouveau patron lui confie une affaire compliquée de fraude fiscale au sein d’une entreprise de semi-conducteurs. Ludovic prend la chose comme un défi et s’embarque dans une enquête alambiquée au cours de laquelle il nouera peu à peu des liens très particuliers avec le personnage-clé de cette affaire.

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Des albums contemporains policiers purs et durs, voulu réalistes voire documentaires, de terrain, on en trouve quand même pas mal dans les rayons des librairies. Pas toujours avec des couvertures follement alléchantes ni avec un contenu original et élevant le débat. Parfois, il faut le dire, sous les sponsors de l’armée ou de la police nationale, on découvre des récits promotionnels, avec des héros des vrais, devant plaire aux partenaires parfois plus que réellement pensés pour des amateurs de BD. Avec Flic à la PJ, depuis deux tomes, on est vraiment face à un autre cas de figure, avec de la mesure, des exemples et des contre-exemples, des erreurs et des victoires toujours teintées de modestie et de part des choses.

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Forcément, je ne le connais que par cette nouvelle série BD, mais à la lire, dans un monde fait de clivage et de haine face à l’uniforme, d’excès observés aussi de ce côté-là du pouvoir, Ludovic Armoët est un humain qui vaut la peine d’être connu. Et ça tombe bien, en se servant de son passé (Ludovic n’est plus policier aujourd’hui), Corbeyran et Luca Malisan font des allers-retours, de la magnifique île de La Réunion (et son paradoxal manque d’horizon pour notre héros, mais magnifiée par le dessinateur dans des paysages à couper le souffle) à la métropole. Pour arriver là où il est arrivé, Ludovic n’avait pas un chemin tout tracé. Et c’est peut-être aussi pour ça qu’il n’a pas crainte du changement et des défis.

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Et c’est est un, pour lequel Ludovic n’est même pas qualifié, de détricoter une arnaque à l’international, autour de petites puces et des microprocesseurs dont les stocks sont falsifiés pour ensuite arnaquer la TVA et toucher le pactole. Pour tenter de faire la lumière sur cette affaire, notre limier peut compter sur une tonne de dossiers, sur quelques amis plus calés dans ce domaine et sur Sacha Kassar, le directeur – et donc le coupable idéal, le prévenu en tout cas – de la société aujourd’hui dans le viseur de la justice. Il prétend être de bonne foi, d’être aussi victime que les autres, des agissements d’un neveu qui l’a remplacé à une sale époque. Mais Ludovic peut-il lui faire confiance? Doit-il lutter contre la relation qui se tisse autour de bonnes tables et de discussions dépassant le cadre professionnel pour devenir amicales, de fils à père de substitution? Il y a un humain sous l’uniforme. Intègre, dans le cas de Ludovic.

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Et comme ce n’est pas un crack, l’enquêteur va utiliser tous les moyens possibles et imaginables, quitte à requérir les yeux et les oreilles d’un de ses amis de longue date. Ludovic se lance corps et âme, y met son coeur et ses tripes, sans protection. Mais attention au retour de flamme, aux dégâts collatéraux. Professionnels et personnels, ou mixant les deux. Face à une thématique qui pourrait en rebuter plus d’un, les auteurs ont fait intelligible et pourtant remarquablement précis. En tant que lecteur, on en apprend donc beaucoup sur la manière dont est menée l’enquête (et qui doit beaucoup, on le sait, à la personnalité de celui qui la porte) mais aussi sur les balbutiements de la miniaturisation de nos appareils informatiques. On sent qu’on est sur le territoire réel, sans fausse pudeur, et ça ajoute au récit passionnant que nous vivons là. Si la couverture est un peu clichée, avec pourtant un effet Inception (avec cet univers urbain qui semble se redresser à 90°c, se renverser sur le personnage principal?), Luca Malisan réussit à mettre en scène et donner de l’impulsion, du rythme à un récit qui doit prendre son temps, approfondir les rencontres et beaucoup discuter entre les protagonistes. Tout en s’offrant une balade dans Paris plutôt agréable jusqu’au drame.

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Flic à la PJ continue d’être sans concession, avec un héros qui fait son examen de conscience et de confiance sans s’épargner, le tout sur des cas d’école passionnants.

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À lire chez Delcourt.

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