
Interro surprise ! Qui a marché sur la Lune ? Les nazis évidemment. Avec les bolcheviques, les Amerloques et des robots en chasse-patate. Voilà une odyssée de l’espace, hyper-poilante et chargée d’adrénaline qui révèle le style singulier, qui claque, de Laurent Zimny. Webster & Jones, délicieusement vintage, complètement déjanté sans rien sacrifier du suspense.

Résumé de Webster & Jones – Agents du 102 : 1956, quelque part au-dessus de la forêt amazonienne. Un petit avion de reconnaissance survole l’épaisse végétation et semble avoir trouvé ce qu’il était venu chercher quand, soudainement, le voilà abattu… À son bord, deux inspecteurs américains prenaient des clichés d’une importance capitale. Trois mois plus tard, après des recherches infructueuses, les États-Unis dépêchent sur place un commando plutôt étonnant pour enquêter sur cette étrange disparition. Le capitaine Wallace Webster, qui préfère « casser du bolchévique » à l’art subtil de la stratégie militaire, et Betty Jones, agente de liaison du département de la défense, se voient obligés de collaborer. Tandis qu’il crapahute au coeur de cette jungle hostile, le duo découvre la carcasse de l’avion et les cadavres des agents de reconnaissance. Et à deux pas de là… une base secrète abandonnée qui a visiblement servi au lancement d’engins spatiaux avant d’être la cible d’une attaque ennemie. Soudain, un robot géant et absolument futuriste, frappé d’une immense croix gammée, prend Webster et Jones en chasse. Il ne fait aucun doute : les nazis n’ont pas encore dit leur dernier mot et sont partis… à la conquête de l’espace!

À force de voir passer des albums dans les rayons, d’organiser des festivals BD, de rencontrer les auteurs et de se pencher émerveillé sur leurs originaux, de pousser des jeunes artistes, de publier des fanzines, etc, ça donne encore plus d’idées. Quand on est libraire et organisateur d’événements BD, il n’est donc pas improbable que la plume vous titille, vous démange et que vous rêviez de vos propres histoires. C’est ce qui est arrivé à Mr Tony Atomik Larivière de la librairie Atomik Strip, située à Andenne (en Belgique, dans la province de Namur). Véritable passionné, toujours de bon conseil, cet ancien pharmacien aime convier dans sa boutique ou le festival international qu’il organise avec des pointures fidèles toujours au rendez-vous. Pour ces événements, Mr. Atomik réalise souvent des sérigraphies et des publications exclusives, à petits tirages, avec des noms connus ou des auteurs encore très peu connus mais gagnant à l’être. Parmi ceux-ci, un certain Laurent Zimny, dit BigZim, architecte qui, dès 2015, a voulu donner vie à sa passion pour la bande dessinée et les dessins très pop, revisitant de manière très personnelle, simplifiée et singulière des grands héros populaires par exemple. Avec un dessin vectoriel et des couleurs explosives imparables. Héroïques, ce qui ne pouvait que séduire le libraire andennais, par l’intermédiaire du génial Mauricet. Laurent Zimny a fait son tout premier salon « ever » à Andenne et lui et Tony se sont très bien entendu. À tel point que les deux se sont retrouvés il y a quelques années autour d’un projet mystérieux: Webster & Jones. Dont nous tenons désormais la totalité du récit dans les mains, avec l’intervention d’un troisième homme, le scénariste Jean-Marc Lainé.
Mais, cette idée est bien plus ancienne encore que la parution d’un premier fascicule, il y a quelques années, par Zimny-Larivière-Lainé. Tony nous en explique la genèse: « La base du récit à été imaginée par moi-même et proposée dans un premier temps à Nicolas Kartinka (Nicolas Moraës, dessinateur de Sidney & Howell chez Soleil, et aussi dessinateur des deux couvertures des réédition de Celestin Spéculoos chez Vents d’ouest)… Après avoir réalisé quelques planches, Nicolas est retourné à ses premières amours, à savoir la photographie, et le script que j’avais confié à Jean-Marc Lainé pour le développer à été proposé à Laurent Zimny, bien des années plus tard. » Il peut être sinueux le chemin qui mène à la publication d’un album.
Quelques extraits du travail de Nicolas Moraës:


Seize premières planches étaient parues en auto-édition, il y a quatre ans. En cette rentrée 2023, voilà donc enfin l’album dans les rayons, à Andenne comme ailleurs. Soit 102 planches de pur bonheur, d’un délire inarrêtable. Une histoire à laquelle même Tom Cruise ou Steven Spielberg n’aurait pas pensé. Qui part dans tous les sens et ose tout, en commençant par prendre un héros bas de front, sexiste et lourdingue, fruit d’une époque vintage, révolue (mais pas forcément résolue) mais dans laquelle on replonge avec appétit tant les auteurs sont généreux et tant il n’y a aucun doute sur leurs intentions: faire rire et divertir, de la Terre à la Lune mais pas forcément dans la veine vernienne. Avec une héroïne incendiaire qui ne se prive pas de remettre la fusée au milieu du village. Décollage immédiat.

Car Laurent Zimny impose sa patte atomique et fait imploser cet univers qu’on a tellement vu et revu, en BD mais aussi sur les écrans. Avec ses partis pris graphique mais aussi colorimétrique détonants (on en prend plein la vue), le dessinateur ne laisse aucun répit à notre rétine, ça bouge dans tous les coins et surtout, ça vit. S’ils sont bien dans le style Zimny, simples et caricaturaux, les personnages ont des trognes immédiates, une vraie identité qui sert complètement le cocktail endiablé et imprévisible des auteurs. Encore plus quand des robots titanesques et en apparence imbattables s’en mêlent.

Je dois avouer que je déteste ce genre de s-f à tendance bataille navale de l’espace, avec des lasers pointés dans toutes les directions. Pourtant, ici, j’étais en confiance et la question n’a même pas dû se poser. Bien sûr que j’allais suivre les auteurs, à la vitesse de leur lumière, décalée, dans ce space-opera bourré d’humour, de références et d’un conflit international et -sidéral (accents en prime) dérangé. Sur le ring de la voie lactée et des étoiles, Zimny et Lainé ont réussi leur mission, nous surprendre à tout moment et proposer un récit space complètement réinventé et interrogeant l’héroïsme primaire et la fidélité à la nation. Puis le ton Zimny, je le redis, c’est sacrément quelque chose!
À lire chez Dargaud.