
La libération sexuelle n’a pas d’âge. Et sur son vélo, même pas électrique, Michèle compte bien s’en éprendre, semant, tel un petit poucet, des fleurs et des sextoys. Sur la couverture folle de Plutôt jouir, Swann Meralli et Tiffanie Vande Ghinste font péter les tabous qu’une société se pensant plus jeune et moins démente, soi-disant avec toute sa tête, a engendrés. Et c’est parti pour une épopée.

Résumé de Plutôt Jouir par Albin Michel : « Vivre sans raffut et s’éteindre en silence » ? Michèle, 75 ans et beaucoup de poussières, ne veut plus l’accepter. Elle fugue de son EHPAD, direction Amsterdam car elle s’est choisie un objectif bien plus gai : jouir avant de mourir !

Michèle a atteint cet âge respectable qu’on ne dit pas. En fait, cela fait longtemps que de battre son coeur s’est arrêté (comme dirait Audiard Jr.), un banal et pourtant horrible fait divers. Sa vie n’a plus jamais été la même. Pourtant, il s’est réveillé, ce coeur, à la croisée des chemins, quand la famille de Michèle faisait le choix de la placer en maison de retraire, de la déposséder de ses murs et de ses souvenirs. Alors que Michèle, elle peut encore casser la baraque, et ce labyrinthe dépersonnalisé ne va pas le lui permettre. Alors, plutôt que de se faner comme les fleurs (artificielles) qu’on trouve ici, Michèle s’évade et part pour un road-trip complètement psychédélique, allant de rencontre en rencontre, retombant amoureuse à chaque coin de rue.

Pour tout vous dire, à la lecture des premières pages, j’ai eu un peu peur que les deux auteurs nous racontent la même histoire que celle réalisée par Séverine Vidal et Victor L. Pinel, Le Plongeon. Comme si quand on traite un tel sujet, on ne pouvait suivre qu’une voie. Je me suis senti ridicule. Car, évidemment, si le début est pareil, ce thème trop peu traité prend une tournure tout à fait différente sous l’inspiration du duo franco-belge Meralli-Vande Ghinste. Un feu d’artifice, abracadabrantesque, totalement enchanteur et déjanté. Qui fait un bien fou.

Car Michèle nous entraîne de surprise en surprise, au fil de personnages bien campés, et dont elle espère que certains seront bien montés. Ben quoi, pourquoi faudrait-il à tout prix une date de péremption sur votre cul? Alors, sur une bande-son irrésistible et des images pleines d’adrénaline et de douceur dévastatrice, d’une sororité sympathique en balade à un scandale politique, de l’EHPAD au quartier rouge d’Amsterdam, Michèle vit sa vie là où elle s’est arrêtée. Elle revit, contre l’avis de ses proches, et certainement de son docteur.

Une jolie folie que cet album inattendu, surréaliste et pourtant tellement salvateur. Pourvu que la vraie vie, celle qui croit en l’obsolescence programmée de chaque humanité (et le désir/besoin sexuel qui va avec) en prenne de la graine.

À lire chez Albin Michel.