Donne-moi ta main et je dirai… la mauvaise aventure. Sorti au coeur de l’été chez nos voisins français, le film d’horreur La main (ou Talk to Me en langue originale), réalisé par les jumeaux australiens Danny et Michael Philippou, est sorti pour la rentrée scolaire en Belgique. Maintenant que les gosses vont être pris par les devoirs, les parents en manque de sensations fortes et horrifiques vont pouvoir reprendre le chemin du cinéma pour autre chose qu’un film d’animation ou, à tout le moins, de famille. Avec l’inventif La Main, qui ne sent pas du tout la naphtaline, la question est posée au public: et vous, oserez-vous serrer de manière franche la main qu’on vous tend et embrasser la Mort et toutes ces âmes damnées?
Résumé du distributeur : Lorsqu’un groupe d’amis découvre comment conjurer les esprits à l’aide d’une mystérieuse main hantée, ils deviennent accros à ce nouveau frisson, et l’expérience fait le tour des réseaux sociaux. Une seule règle à respecter : ils ne doivent pas tenir la main plus de 90 secondes. Lorsque l’un d’entre eux l’enfreint, ils vont être rattrapés par les esprits, les obligeant à choisir : à qui se fier, aux morts ou aux vivants ?
Passé une scène d’introduction choc et inattendue qui va hanter la rétine et conditionner l’esprit du spectateur durant tout le reste du film (1h34, timing idéal), on entre dans la bande. Il y a Mia, Jade et Riley, qui ont recomposé une famille, à force de temps et de courage, qui risque d’être mise à rude épreuve par l’incursion du fantastique dans les murs de leurs maisons. C’est la hype du moment: leurs amis adulescents ont dégoté une étrange main, momifiée, qui aurait appartenu à une voyante, un medium… quelqu’un qui aurait eu facilité à faire communiquer les mondes du visible et de l’invisible, de la vie et de la mort. Alors, quand on a 20 ans, qu’on est en quête des grands frissons et du respect de ses potes, on a vite fait de tromper la vigilance des parents pour organiser chez l’un puis chez l’autre des soirées rituelles. Dans une ambiance décontractée, avec de l’alcool et cette main, donc, qui est le centre des intérêts. Il suffit de la serrer, fraternellement dirait-on en d’autres circonstances, et de dire la formule magique: « Parle-moi ». Des mots si facile face à un objet qui jusque-là est lambda mais parfois tellement compliqué à dire aux personnes qui nous sont proches, pour aborder des sujets graves, des secrets dont on se doute et qui nous minent.
« Parle moi! ». Et là, le corps de l’hôte est habité, bombardé. Les yeux se révulsent, la personne n’est plus maîtresse d’elle-même et peut se mettre à faire tout et n’importe quoi. En mode surpuissance ou dans l’avilissement. Mais joue-t-elle le jeu, la comédie ultra-réaliste ou y’a-t-il un phénomène paranormal et inquiétant derrière cela. Pour le savoir, n’ayez pas peur, approchez, tendez votre main et laissez vous aller. Pas plus de 90 secondes, montre en main, sinon personne, du monde extérieur, ne répondra plus de rien. Le monde intérieur et ses fantômes, par contre…
Tout se passait bien jusqu’à ce que ça dérape avec notre trio de héros bientôt englué dans un cauchemar malsain, dépassant l’entendement et mélangeant les mondes, troublant la vue, les émotions et les sensations. Prisonnier de soi-même et d’un drame personnel qui va nourrir et donner force aux démons.
Annoncé comme film d’horreur de l’été, La Main en impose dans les images qu’elle envoie, ses chorégraphies (une utilisation hallucinante d’un remix de « La Foule » d’Édith Piaf par Richard Carter) et sa manière de taper en rythme avant les premières dissonances, les cris et les pleurs. Les premières scènes de possessions sont terribles et les créatures qui, un jour, avaient formes humaines n’en sont que plus éprouvantes. Pourtant, malheureusement, on s’habitue au concept fou trouvé par les jumeaux prodiges et, en cours de métrage, on se met à prévoir les coups, à se dire ce qu’il va se passer cinq minutes plus tard. Et, en effet, c’est ce qu’il se passe.. Pourtant, les scènes sont violentes, nous envoient dans le fond de notre strapontin mais perdent de leur surprise. D’autant plus que, très vite, l’histoire se resserre autour de notre trio et de Mia, en particulier, descendant dans ses enfers et son malaise. Non sans pathos, ce qui parasite les effets. En fait, le film se montre parfois trop généreux, ce qui met au spectateur la puce à l’oreille.
Pourtant, Sophie Wilde est impressionnante, le casting est au diapason (Joe Bird est dément), mais en voulant amener trop de psychologie des personnages, les réalisateurs perdent un peu de notre intérêt. Cela dit, peu à peu, on se rend compte qu’il y a trop de monde à sauver, qu’il y aura forcément des dommages collatéraux et que tout ne rentrera pas dans l’ordre (même avec un traitement contre la dépression ou les envies suicidaires). Et les Philippou brothers, eux, ne tremblent pas, n’ayant pas peur d’aller au bout de leur histoire, sans être magnanimes. Ils réussissent leur sortie, avec une fin terrible, malicieuse autant qu’épouvantable, totalement imprévue. On est rescotché après le passage à vide. Quelques scènes mémorables ne font pas de La main un film marquant mais une honnête réalisation qui a les moyens et la puissance de ses ambitions. Le public a, en tout cas, mordu, et l’exploitation étant un succès, une suite est prévue pour 2025. Reste à voir si on prendra les mêmes pour recommencer ou si l’ensemble des personnages sera renouvelé. Ou si ce sera un mix. Je ne vous cache pas que j’ai un peu peur, le final de ce premier film étant tellement fort et insoluble, fatal, je n’aurais pas forcément été friand d’une suite. Mais si c’est pour approfondir un peu plus cet univers qui amène du sang neuf dans le monde de l’horreur, pourquoi pas? En tout cas, Danny et Michael se montrent sous leur meilleur visage et s’imposent dès leur premier film comme des valeurs sûres.
De Danny et Michael Philippou, avec Sophie Wilde, Alexandra Jensen, Joe Bird, Otis Dhanji, Miranda Otto, Zoe Terakes, Chris Alosio, Marcus Johnson, Alexandria Steffensen. Distribué en Belgique par O’Brother.