
Quelle santé! Après Stigma, un album-somme et inépuisable de 736 pages, pleines de fougue et d’envie, Quentin Rigaud revient, cette fois, avec une série, toujours chez l’éditeur qui lui a fait une confiance dingue, Casterman. Dans Mortesève, l’auteur nous entraîne dans un monde mystique, régulé tant par les croyances que par les éléments qui entourent les humains.- Jusqu’au dérèglement. Une autre quête. Mais au temps d’un oiseau invisible mais de mauvais augure.
Résumé de Hang et Orgue, premier tome de Mortesève, par Casterman : Dans un monde régulé par des créatures gigantesques et quasi divines, la découverte des propriétés de leur sang va faire basculer le fragile équilibre de la vie. Suite à la disparition soudaine de tous les habitants de son village, Avine part à la recherche de Hang, l’instrument responsable de la fertilité, pour comprendre ce qu’il s’est passé…
Quelques recherches de l’auteur avant d’aborder le dessin de cette fable:
Un ciel rose, mais pas bubble-gum ni forcément rassurant, des arbres immenses et, au milieu d’eux, une créature qu’on dirait à la fois préhistorique et futuriste. Où sommes-nous? Dans un autre monde imaginaire de Quentin Rigaud, qui n’a pas son pareil pour leur conférer une identité forte, une patte à la fois complexe et attirante, magnétique. Tout commence calmement, en famille et en forêt, à s’émerveiller de la magie de la nature, toujours au rendez-vous pour que personne ne manque de rien. Jusque-là et encore pour vingt ans, Avine peut dormir tranquille.

Mais, un jour, comme dans les histoires de super-héros, une convergence d’éléments et de hasards fait qu’une mystérieuse sève l’infecte. Désormais, elle voit des choses qu’elle est la seule à percevoir. Et, parallèlement, le Hang et ses gardiens, attendus pour la fête de l’instrument, lui font défaut. La déception n’est que de courte durée, le pire est encore à venir. Le sinistre Orgue, oiseau invisible, qui, sous son vol lugubre, assassine tout être vivant. Avine se retrouve seule dans son monde, en manque de clés et de repères, mais bientôt rejointe par un convive retardataire. Commence un périple, pour retrouver Hang, faire l’état des lieux du reste de ce vaste territoire et de ses peuples, plus ou moins hostiles.

Pour un premier tome, 152 planches, c’est du solide. Il se passe beaucoup de choses sous nos yeux dans cette amorce d’odyssée et ses décors, du village à l’état sauvage. Y compris celui auquel une population peut revenir pour sauver sa peau. Avec une image forte et courageuse, qui change durablement le cours de son histoire (et Quentin espère qu’elle sera longue), l’auteur réussit son twist et nous convainc un peu plus de le suivre dans son récit tout sauf banal et gentil. Même si la violence et les combats sont soft, les cicatrices et les questions qu’ils laissent ne s’effaceront pas de sitôt. Et les camps inconciliables?

Alors, comme dans Stigma, j’ai trouvé que dans certains petits moments, le dessin n’était pas tout à fait abouti et que certains enchaînements n’étaient pas toujours totalement compréhensibles, mais, d’un autre côté, cela participe à l’étrangeté accrocheuse de cette bande dessinée, à son dynamisme et son instinct. Quentin Rigaud a un style unique, à part et un supplément d’âme qui fait mouche. Même si on a l’impression que ce créateur d’univers à toujours quelques longueurs d’avance sur nous, qu’il baigne tellement dedans qu’il oublie parfois de nous en expliquer quelques règles, on lui fait confiance et la portée spirituelle et humaine de cet ouvrage finit de nous séduire dans un violent « CRAAAC » (ah la puissance de la BD, de son texte qui se fait dessin, par moments) qui nous rend impatient de voir, de lire, de vivre surtout, la suite.
À lire chez Casterman.





