Pixies from the sixties, fées des sixties, c’est pas tout rose le passage du monde de la magie à celui, dur, des humains… et vice-versa

© Maroh/Macaione chez Les Humanoïdes associés

Tout le monde veut du rêve, de la magie, mais dès qu’une richesse (comme la différence) est découverte sur notre Terre, elle va de pair avec des convoitises et des comportements borderlines, criminels. C’est comme ça depuis que le monde est monde, il y a toujours des gens pour piller le Wakanda, ou pour couper la queue des sirènes ou les cornes de licorne, pour vouloir faire une soupe de Schtroumpf… Et les fées ne sont pas en reste… Pas facile d’être un(e) fée dans le monde de l’Homme et vice-versa. Dans le Swinging United Kingdom, tout n’est pas rose.

© Gihef/Lachenal/Zanon chez Les Humanoïdes associés

Résumé du tome « L’ange de Manchester » de Fées des Sixties par Les Humanoïdes Associés : Dans le Royaume Uni des années 60, tandis que le pays fait sa révolution dans le Swinging London, l’existence des fées est révélée au grand jour. Attirée par les lumières des sixties, la fée Anann quitte sa forêt pour poursuivre son rêve de devenir chanteuse. Derrière l’apparat de la ville, elle va découvrir la brutalité et la dangerosité du monde des humains. Heureusement, elle rencontre Stella, une humaine qui la prend sous son aile et dont elle va rapidement tomber amoureuse. Quand Stella disparaît dans d’étranges conditions, Anann se lance à sa recherche et se confronte aux aspects les plus sombres de la société humaine.

Résumé du tome « Les disparitions d’Imbolc » de Fées des Sixties par Les Humanoïdes Associés : Lorsqu’elle arrive à Londres pour enquêter sur des disparitions étranges, Ailith n’hésite pas à accepter l’aide de son ami d’enfance, Eliott, policier clairement anti-fées et les accusant de tous les problèmes majeurs à Londres. Lorsque l’enquête qui lui est confiée la mène au cœur de la forêt, elle va faire la rencontre la plus troublante qui soit et découvrir auprès d’elle, une blessure enfouie.

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Il y a le Paris des merveilles (de Pierre Pevel, désormais adapté par Étienne Willem en BD) et, dans le choc des mondes, le Royaume-Uni des féeries. Dans cette nouvelle série anthologique plus qu’à suivre – quatre tomes indépendants sont prévus pour le moment -, Gihef et Christian Lachenal développent le concept d’une cohabitation plus ou moins heureuse entre les fées et les humains dans les prémisses des hippies qui n’empêchent pas l’intolérance. Les deux auteurs ont développé les grandes lignes et confié leur bébé BD à différentes équipes d’auteurs : Jul Maroh (Le bleu est une couleur chaude, soit La vie d’Adèle au cinéma) et Giulio Macaione (Les disparitions d’Imbolc); Gihef, Christian Lachenal et Alberto Zanon (L’ange de Manchester); Anne Geslin et Loreto Areca (Tombée du ciel) ainsi que Maria Riccio et Harry Bozino (Freak Circus).

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Les deux premiers sont donc sortis. Et moi, comme il n’y a pas de numéro de tome sur le dos des albums, j’ai commencé mon incursion dans cette aventure avec l’album des deux instigateurs, L’ange de Manchester… qui commence dans une forêt d’Écosse à l’abri des regards pudibonds, dans la folie hippie qui a le coeur à la fête mais pas forcément à la préservation de l’environnement. Un premier contact ambivalent avec les humains pour les quelques fées qui traînaient leurs guêtres dans les parages. Mais un flash dans la tête d’Anann, enivrée d’un « (I can’t get no) Satisfaction » qui lui donne un supplément d’ailes et l’écarte définitivement des chants spirituels de ses pairs. Elle veut devenir une star de la chanson chez les bipèdes! C’est comme ça qu’elle s’envole pour Manchester.

© Gihef/Lachenal/Zanon chez Les Humanoïdes associés
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Il y a du rock dans l’air mais aussi de l’électricité, car mieux vaut ici cacher qu’on est une (ou un) fée. Le monde qui prétend à l’évolution des moeurs n’est pourtant pas prêt à accepter ses créatures qui ressemblent comme deux gouttes d’eaux aux humains si ce n’est qu’elles sont ailées. Puis, il y a les malades (au féminin comme au masculin) qui s’en prennent de toute façon à tout le monde : des disparitions pour le moins inquiétantes défraient la chronique et la naïve Anann va vraiment se rendre compte de la face sombre de la vie dont elle rêve.

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Moins féerique que dramatique, cet album nous entraîne avec une galerie de personnages entre les castes et dans une enquête qui joue sur plusieurs plans. On suit les pérégrinations d’un détective faussement brut de décoffrage, l’enquête d’Anann et sa seule alliée mais aussi le plan machiavélique des méchants de cette histoire. Loin de nous dire tout, ce procédé narratif extradiégétique est bien mené, créant la tension et nous prenant au jeu de savoir qui arrivera à ses fins avant les autres.

© Gihef/Lachenal/Zanon chez Les Humanoïdes associés
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Et indemnes? Car dans cet univers pop et bubble gum en apparence, les auteurs nous désarçonnent avec un propos adulte, libertaire et gay friendly mais aussi en n’ayant pas peur de faire du mal à leur personnage. Résolument tout n’est pas bien qui finit bien, et Alberto Zanon se révèle être le dessinateur idéal pour capter cette ère de changement, musicale, pour passer des réjouissances à la résistance à la douleur. Avec un excellent rapport texte-image- et une gestion des plans et des angles qui conceptualise vraiment cette ville en 3D.

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Dans le deuxième album que j’ai lu, Les disparitions d’Imbolc de Jul Maroh et Giulio Macaione, le dessin prend encore plus de place, faisant le voyage et les sensations, pour ouvrir cette autre page de la vie des fées et des humains. Qui inverse le rapport de force. Cette fois, c’est avec Ailith Blackwood, aspirante journaliste, que nous nous aventurons dans ce Londres où les fées font désormais partie de la ville, avec le droit d’être qui ils/elles sont. De quoi générer chez certains le sentiment que sous des apparences sympas et euphoriques, les fées manipulent la société, révélant de nouveaux démons et se mettant dans leur poche politiciens et bourgeois. Après l’acceptation, le vivre-ensemble, vient la haine qui met tout le monde dans le même panier.

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Et Miss Ailith Blackwood n’est pas là pour aller dans l’autre sens: des fées ont tué ses parents et elle est bien décidée à se servir de sa casquette de journaliste pour faire la lumière sur cette sordide affaire, ce scandale. Et cela passera par un mythe: un homme serait retenu prisonnier depuis de nombreuses années dans l’autre monde, parallèle. Mais là encore, il y a des choses, des attractions qu’on ne contrôle pas, et des influences dont on ignore qu’elles sont néfastes depuis longtemps.

© Maroh/Macaione chez Les Humanoïdes associés
© Maroh/Macaione chez Les Humanoïdes associés

Sous des couleurs un peu fades, je trouve, Jul Maroh et Giulio Macaione signent une autre histoire sans concession, engagée et illustrant bien les dérapages de notre pays des merveilles et n’hésitant pas à créer l’irréparable pour que les héros ne soient pas tout de suite heureux à la fin. Même si le twist final met un peu de baume au coeur et à la douleur. Beaucoup de choses se passent dans cet album, bien fourni et avec pas mal de rebondissements qui ne sont pas gratuits. Pour le moment, ces dé-contes de fées des sixties se révèlent efficaces, troublants et sensés pour raisonner le monde sans magie dans lequel on vit trop souvent. Je ne m’attendais pas à ça du tout, les fées entrent dans la modernité, à contre-clichés.

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À lire chez Les Humanoïdes Associés.

À suivre :

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