Festival BD de Dieppe : l’affiche « décolletée » de Jim réhabilitée après la censure et 48h d’emballement médiatique

Il y en a eu du ramdam et des dramas dans tous les sens et pour tous les goûts (mauvais, surtout) autour de l’affiche du prochain festival BD de Dieppe dessinée par Jim, en faisant appel à sa si belle héroïne, Marie d’Une nuit à Rome. Nous avons été parmi les premiers à allumer la mèche (et nous avons été repris – pure folie inattendue – par Europe 1, France 3 Régions, BFMTV, 7 sur 7, Le courrier picard ou encore Paris-Normandie) sur cette triste affaire de censure: l’héroïne apparaissant vêtue un peu trop légèrement et dans une pose que certains trouvent lascive, la mairie avait demandé à Jim de refaire les seins de son personnage culte… en mettant des bouquins devant et en augmentant le volume de ses bretelles.

Le décolleté apparent sur la première version de l’affiche, si léger, si normal quand on voit les tenues que portent les femmes à cette saison (et sans doute aussi sur la côte normande de Dieppe) posait problème. Je vous laisse lire, si l’envie vous prend mon premier article d’opinion. Toujours est-il que, si ce n’est une sortie (qui nous avait laissés dubitatifs) dans la presse de l’adjointe au maire de Dieppe, avant de vite refermer la porte à tout autre commentaire; ce jeudi soir, plus de 48 heures après la naissance de la polémique, le maire communiste de Dieppe, Nicolas Langlois, hyperactif des réseaux, a pris la parole pour annihiler la correction qui avait été demandée. L’affiche de Jim sera l’officielle. Et beaucoup d’observateurs de pousser un ouf de soulagement.

© Jim

Voilà, stricto sensu, le message du maire en commun avec Jean-Pierre Surest, président de l’Association normande de la bande dessinée.

« L’affiche originale, créée par l’artiste Jim, sera maintenue. Et la 21ème édition du Festival de bande dessinée de Dieppe, les 22 et 23 juillet prochains sur le front de mer, sera belle. Mon communiqué commun avec Jean-Pierre Surest, président de l’Association normande de la Bande dessinée (ANBD). Après ces journées où se sont accumulés les propos sortis de leur contexte et les raccourcis simplificateurs, prenez le temps de le lire jusqu’au bout. Sereinement.

Aujourd’hui, passé l’emballement médiatique, il est temps pour nous d’affirmer qu’à Dieppe, il n’a jamais été question – et il ne sera jamais question ! – de censure des artistes ou de remise en cause de la liberté de création. Tous les artistes sont chez eux à Dieppe. Elles et ils peuvent y présenter toutes leurs créations. Ce sera le cas à l’occasion du festival de bande dessinée les 22 et 23 juillet prochains.

L’affiche du festival sera donc présentée dans sa version originale, créée par l’artiste Jim. Mais nous devons plus que jamais, collectivement, nous interroger sur la place de l’image de la femme dans l’espace public, sur le choix systématique d’une image de femme pour présenter un événement ou un produit. Les femmes doivent prendre toute la place qu’elles veulent dans notre société. Elles ne doivent en aucun cas être cantonnées au rôle et à l’image que certains veulent leur imposer depuis trop longtemps. C’est un enjeu de société et un enjeu d’égalité. Même s’il fait grincer certaines dents, le débat mérite d’être ouvert. Et d’être le plus apaisé possible. »

© Jim

Vous permettez que je commente?

Mouais, autant de temps pour sortir ce communiqué très consensuel et pour dire à quel point à Dieppe, ils sont les gentils et nous les méchants qui déformons le propos? Si ce n’est pas de la censure, pourquoi ne pas avoir tout de suite circonstancié avec force ce choix de rhabiller la dame ? Pourquoi avoir fait volte-face dans la coulisse, avoir supprimé la première affiche, pour remettre celle revue et corrigée, sans rien dire, de manière cachée et pernicieuse? Si on veut amener le débat et l’enjeu de société, ce n’est pas comme ça qu’on fait. Ça sent le rétropédalage à plein nez tout en cherchant les formules qui vont vous permettre de vous tirer de l’embûche plus beau plus fort. Saluons tout de même le courage de faire machine arrière.

Alors tant mieux si ce débat voit le jour, qu’il permet de mettre plus de variété dans les affiches des festivals BD de la France entière, et de la Belgique, et d’ailleurs, où c’est vrai on abuse de jolies femmes, quand on n’abuse pas des héros, des vrais, toujours les dix/vingt mêmes à toutes les sauces.

Mais, franchement, « interroger sur la place de l’image de la femme dans l’espace public, sur le choix systématique d’une image de femme pour présenter un événement ou un produit », cela se réduit-il à cacher un bout de poitrine? À rhabiller la femme.

Enfin, chouette, l’affiche originelle va donc être placardée sur les réseaux et sur les murs de Normandie, mais j’espère que le premier tirage avait été conservé et qu’il pourra être réutilisé… et que la deuxième version n’avait pas déjà été imprimée. Parce que sinon, quel désastre, s’il faut un troisième tirage pour enfin faire la promo de ce festival qui réunira une quarantaine d’artistes de tous bords.

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