Le royal fondement: sous le Soleil, une fistule et un vaudeville entre complots et médecine balbutiante

© Charlot/Hübsch chez Grand Angle

Voilà un bouquin de cul, mais pas celui de n’importe qui, celui de son altesse le Roi-Soleil. Sa face cachée, quoi, mais qu’il a bien fallu montrer le jour où une fistule s’est installée durablement, lui faisant horriblement mal. Et pendant que le monde tourne, mal, Louis XIV est coincé sur le pot, pendant que sa cohorte de médecins tourne autour sans trouver de solutions. Philippe Charlot et Éric Hubsch ont jeté leur dévolu sur cette histoire, pas forcément anecdotique, puisque son issue aurait pu être fatale au roi. Ça en débouche un coin.

Résumé du Royal fondement par Grand Angle : Ne tournons pas autour du pot, il sera ici question d’Histoire, d’Amour… et de bistouri recourbé à la royale. Nous sommes en 1686. Le Roi souffre… et pas de n’importe où. Une fistule, aussi vilaine que mal placée, le torture depuis des mois. L’opération, délicate, inédite, mortelle peut-être, est la dernière option qui s’offre à Louis le quatorzième. Une occasion rare d’approcher le Soleil, par sa face cachée, alors que, hurlant à la lune, les princes d’Europe montrent déjà les dents, prêts à déchiqueter le Royaume de France. Le jeune Geoffroy, lui, voit grand, très grand : barbier, en voilà un métier qui plaît aux dames. Il faut dire qu’elles ne se bousculent pas dans l’échoppe de son boucher de père. Ne serait-ce pas la faute de cette enseigne qui encadre la porte de la boutique ? Il est écrit : Chez l’imbécile heureux qui a vendu sa promise en morceaux. Et oui, dans la famille, on ne fait pas les choses à moitié, lorsqu’il s’agit d’amour.

© Charlot/Hübsch chez Grand Angle
© Charlot/Hübsch chez Grand Angle

L’homme providentiel était à l’extérieur des fastes (malgré ses ambitions) et était apprenti-barbier-autodidacte dans… la boucherie de son paternel. Ça reste une affaire de couteau. Ce jeune homme qui n’avait pas froid aux yeux répondait au nom de Geoffroy et c’est la livraison d’une tête de cochon qui allait changer son destin, avec un passage par la case cachot… alors qu’il est un héros: il a sauvé de la noyade l’intendant général. Et voilà notre héros amené au roi, pour autant que ce vieillard tout courbé en ait l’air, comme un ultime espoir de sauver le royal fondement. Curieuse idée de passer de la tête au cul, me direz-vous, si ce n’est qu’être barbier et encore plus boucher, ça requiert des compétences et des connaissances en termes d’anatomie, de médecine et de chirurgie.

© Charlot/Hübsch chez Grand Angle
© Charlot/Hübsch chez Grand Angle

Mais en attendant, qui sait, de soulager sa majesté, voilà Geoffroy envoyé auprès du chirurgien officiel du roi, qui ne voit pas ce nouveau venu d’un bon oeil, forcément. Mais, pour peu que Geoffroy laisse les jolies femmes de la cour là où elles sont, peut-être pourra-t-il faire en sorte que son cul soit bordé de nouilles jusqu’à la fin de ses jours. Il y a un coup à jouer… et d’autres, dans l’ombre. Car la nouvelle de l’arrivée de cet inconnu au chevet du roi fait des envieux et donne des idées aux ennemis du roi, même ceux inattendus, ravis de pouvoir utiliser ce candide comme un pion pour faire échec et mat à la monarchie. Geoffroy est tenu au secret mais tout se sait très vite.

© Charlot/Hübsch chez Grand Angle

Haut en couleur, cet album scénarisé par Philippe Charlot se vit comme une farce, une péripétie burlesque et inattendue, tout en n’oubliant pas de soulever un peu de la saleté de cette époque qui allait bientôt accoucher des lumières. Sous le vernis divin, il y a des dizaines, des centaines de malheureux, d’infréquentables, d’anonymes qui ont été sacrifiés pour les progrès de la médecine. Ça fait froid dans le dos, et c’est bien que sous le ton vaudevillesque cette sinistre réalité ait trouvé voix. Le dark, ça renforce le rire, en connaissance de cause.

© Charlot/Hübsch chez Grand Angle

Pour le reste, le dessinateur Éric Hübsch est à son affaire pour soigner aux petits oignons, et avec des personnages qu’on croirait sorti des bonnes comédies françaises passées cultes, ce récit fou, avec de la gouaille, des odeurs pas folichonnes et des amours pas si courtoises. Avec du suspense, des rebondissements et des gaffes. C’est délicieux.

À lire chez Grand Angle

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