1972 Des ombres sur la glace : je m’en irai survivre et sûrement périr dans le paradis blanc, une survie infernale de 2 mois dans la Cordillère des Andes qui ne fait pas de vous des anges

Près de septante jours en huis clos dans le vaste enfer blanc, poussant dans les plus grands retranchements, dénuements frigorifiants : c’est ce que nous proposent Frédéric Bertocchini, Thierry Diette et Pascal Nino aux Éditions Tartamudo dans 1972, des ombres sur la glace (dont un premier tome, sous le titre La cordillère des âmes, n’avait jamais eu de suite il y a dix ans chez un autre éditeur), qui retrace le crash de l’avion et la survie d’une équipe de rugby à XV, les Old Christians, dans la dantesque cordillère des Andes. Une souffrance peut-être d’autant plus intolérable que l’espoir de la survie et d’un sauvetage providentiel s’amenuise de jour en jour, de semaine en semaine, dans le silence blanc.

© Bertocchini/Diette/Nino chez Tartamudo

Résumé des Éditions Tartamudo pour 1972, des ombres sur la glace : En 1972, la Cordillère des Andes fut le cadre d’un effroyable fait divers. Un funeste vendredi 13 du mois d’octobre, un avion qui transportait une équipe de rugby se crasha dans un lieu inaccessible, au coeur des montagnes. Pendant de longs jours, les survivants allaient devoir résister au froid, à la faim, à la soif et au désespoir de se voir abandonnés. Pour survivre, ils finiront par se nourrir de chair prélevée sur les corps gelés des morts… Rien, dans cette incroyable aventure à la limite de l’humain, ne leur sera épargné : ni l’absence de médicaments et de matériel de survie, ni la mort de leurs proches, ni le blizzard, ni même une avalanche… Et pourtant, ce sont bien eux, les héros malheureux, qui raconteront un jour au monde entier leur invraisemblable épopée.

« Le , un Fairchild FH-227 de la Force aérienne uruguayenne quitte l’aéroport international de Carrasco à Montevideo en Uruguay pour rejoindre Santiago au Chili. À son bord se trouvent principalement des joueurs de rugby à XV de l’équipe des Old Christians de Montevideo qui doivent disputer un match au Chili, ainsi que des parents et des amis des joueurs. », voilà les premières lignes de la page Wikipédia consacrée à ce tragique fait divers. On imagine ô combien l’ambiance doit être bonne à bord, la communion festive et criarde avant le match. Sauf qu’un premier retard se produit. « L’avion se pose pour une nuit à Mendoza en Argentine à cause des conditions climatiques difficiles. » Un simple contretemps puisque l’avion redécolle et commence sa traversée de la cordillère des Andes. Sauf qu’il amorce trop rapidement sa descente, heurte violemment un des innombrables sommets de cette interminable montagne. L’avion se coupe en deux et se fracasse dans ce décor somptueux et désolant à la fois. Le match prévu ne se jouera pas, celui qui attend les rescapés sera bien plus décisif.

© Bertocchini/Diette/Nino chez Tartamudo

Sur les 45 passagers et membres d’équipage, 17 meurent lors du crash ou dans les 24 heures après l’écrasement. Ce ne seront pas les derniers car les deux mois suivants seront sans pitié. Avec plusieurs deuils à faire, celui des morts dont la sépulture sera créée avec les moyens du bord, la glace environnante, mais aussi peu à peu de son humanité sous les réflexes de survie, bestiaux. Car oui, les survivants seront obligés, pour trouver l’énergie de tenir un peu plus longtemps, de manger la chair des cadavres, il est vrai surgelés.

© Bertocchini/Diette/Nino chez Tartamudo

Après s’être résignés à ne devoir compter que sur eux-mêmes, et avoir entendu dans un des derniers bruissements de la radio que les secours abandonnaient les recherches, Nando, Roberto et les autres vont, sans relâche mais parfois avec démotivation, tenter de s’extraire de leur moitié d’appareil perdue ils ne savent où sur la carte. Avec deux échappatoires : retrouver, telle une aiguille dans une botte de foin, la queue de l’avion qui leur fournirait un contingent supplémentaire, bien que maigre au vu des conditions extrêmes, de vêtements, de nourriture et, qui sait, de batteries pour donner un regain de vie à la radio. Ou alors s’échapper de cette mâchoire dont les pics sont autant de dents incisives sous une couche de neige face à laquelle on ne risque pas de s’émerveiller. Encore plus vu ce qu’elle pousse à faire, l’inimaginable, l’innommable. Mais puisque les morts n’auront plus l’usage de leurs corps…

© Bertocchini/Diette/Nino chez Tartamudo

Pour tout dire et que cet album soit au sommet, il m’a manqué un peu de variété dans les plans et les champs proposés, quelques idées de mise en scène, même si la manière de procéder, sans fioriture, des auteurs, permet aussi de ne pas s’égarer et de rester focus, avec les personnages. D’une avalanche un peu plus mortifère à un soleil aveuglant si on a le malheur de perdre ses lunettes, en passant par des doutes et des moments d’abandon, et de nombreuses tentatives d’échappées avortées ou condamnées, cette aventure (in)humaine se révèle captivante tant tout reste incertain jusqu’à la fin. Avec un laboratoire en temps réel testant les limites du collectif et de l’individualisme. Sur le scénario de Frédéric Bertocchini, Thierry Diette au dessin et Pascal Nino aux couleurs réussissent à faire peser l’atmosphère, contenue dans les gammes et oppressante. Plus réaliste que les couleurs, le trait de Thierry Diette se révèle émacié, exprimant l’urgence au temps long sur les visages et les corps des héros, mêlant pudeur (ce que plus personne n’a dans ce groupe resserré, confiné) et intimisme.

© Bertocchini/Diette/Nino chez Tartamudo

À lire chez Tartamudo.

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