Ernest et Célestine croise Le loup en slip dans leur envie de liberté et d’ode à la rencontre et aux arts, bien plus nourrisants que les peurs

C’est pas parce qu’il y a de moins en moins de neige sur les pistes de ski (ah, si la déliquescence de ce symbole touristique pouvait enfin nous faire rebrousser chemin sur cette terre qu’on a rendue malade…), qu’on ne peut pas partir en vacances. Et c’est ce que s’est dit le loup en slip, un matin comme les autres, auquel il a décidé de donner une autre intonation. Cette odyssée, Ernest et Célestine, eux, y ont été contraints par un bris de violon qui les engage sur le chemin de la défense de la musique, des arts et de la liberté. Tout un programme pour tous les enfants, petits et grands.

© Lupano/Itoïz chez Dargaud

Mais commençons avec Le loup en Slip.

Résumé de l’éditeur : Dans la forêt, on le sait, le train-train du quotidien t’emmène rarement bien loin. Mais il suffit d’un petit pas de côté, d’une petite musique entraînante, d’une barque qui glisse au fil de l’eau et hop ! On s’arrache ! C’est parti pour l’ailleurs ! Pour la première fois de sa vie, le Loup en slip quitte le giron douillet de sa forêt natale et découvre d’autres façons de vivre. Un drôle de train l’arrache à son train-train, il part pour le lointain ! Les pays inconnus, les gens pas comme lui ! C’est l’aventure !

© Lupano/Itoïz chez Dargaud
© Lupano/Itoïz chez Dargaud

Ce n’est qu’un au revoir les écureuils durs en affaires, la chouette qui tricote, les blaireaux policiers ou encore la mésange qui démange. Ce n’est pas la direction du coeur de la forêt que prend aujourd’hui le loup en slip mais plutôt celui d’un ailleurs, de l’ouverture. Alors qu’il se mettait en route pour enfin acheter des clous, voilà qu’il sort du passage clouté, prend la clé des champs, attiré par une mélodie. Il y a peut-être un ailleurs, en effet, mais encore faut-il oser, ne pas avoir peur. Qui sait s’il n’y a pas au bout de la piste improvisée, en barque puis en train, bondé, un coup de foudre, une ville troglodyte, des idoles qui lui rappellent quelque chose!

© Lupano/Itoïz chez Dargaud
© Lupano/Itoïz chez Dargaud

En osant sortir le loup en slip de son décor habituel, Wilfrid Lupano et Mayana Itoïz déplacent l’aventure du côté de la rencontre et des sentiments, des choix à faire ou à se laisser faire. Et du don de soi, comme ça, par plaisir d’être utile. Il est peut-être un peu moins poilant cet album mais très touchant, dans ses couleurs et son grand coeur. C’est beau, c’est chaud, ce sont des vacances utiles.

© Lupano/Itoïz chez Dargaud

A lire chez Dargaud.

… Utiles comme celles d’Ernest et Célestine dans un pays qui a sombré.

Résumé de l’éditeur : Bim badaboum, le violon d’Ernest est tout cassé ! Pour le réparer, une seule solution s’offre à Ernest et Célestine : partir en Charabie à la rencontre d’Octavius le luthier. Mais à leur arrivée au pays des ours, ils découvrent avec stupeur que la musique y est désormais interdite. Pour Ernest et Célestine, c’est impensable ! Armés de leur courage et de leur ingéniosité, les deux amis lutteront contre cette injustice, jusqu’à ce que la joie revienne enfin en Charabie.

Ernest et Célestine, les héros de Gabrielle Vincent, avaient marqué les esprits cinéphiles et bon enfant avec un premier long-métrage sorti en 2012, avec la voix de Lambert Wilson en ours si bien mal léché, les revoilà en piste dix ans après (dans un film et donc le livre qui en est adapté et dont nous vous parlons ici) et démunis: le Stradivariours d’Ernest a volé en éclat et, une fois l’émotion passée, il n’y a qu’une solution: retourner dans le royaume des ours, la Charabie, qu’Ernest a laissé derrière lui depuis longtemps. Et il semblerait que les tensions qu’il peut y avoir entre la souris Célestine et lui ne soient rien à côté de celles qu’il a essuyées avec sa famille et notamment son père!  Qui n’a manifestement pas bonifié en l’absence d’Ernest.

D’ailleurs, quand Ernest… et Célestine (grrrrr, Ernest lui avait pourtant dit qu’il ne l’embarquerait pas) en Charabie, c’est une drôle d’ambiance qui les cueille. Standardisée, à carreau. Et le concert de piano sur la place tient en une note, répétée à l’envi et… jusqu’à plus envie. Quelque chose cloche ! Ici, c’est Orwell, Ours not well même. Les comportements sont cadrés dans cette cité troglodyte (encore une), toute en hauteur, et interdiction de déroger aux règles, jouer plusieurs notes différentes par exemple, sous peine de finir au trou. Ça ne tourne plus rond. Mais un justicier pacifique, tout petit, virevoltant sur les toits, avec son masque qui lui garantit l’anonymat et son sax qui le rend hors-la-loi. Mifasol. Un peu seul mais pas vaincu par la morosité du puissant qui a adopté le régime de la terreur. Ernest et Célestine auront vite fait de faire résistance.

Sortant quelques mois après des temps durs pour la culture et les arts du spectacle, ce film et ce livre constituent d’excellents divertissements, dès le plus jeune âge mais avec une portée plus large et une envie d’en découdre avec les décisions politiquement injustes et faisant des dommages collatéraux. Transformant le retour aux origines d’Ernest en une envie d’avenir libre et émancipant, les réalisateurs Julien Chheng et Jean-Christophe Roge et les scénaristes Guillaume Mautalent, Sébastien Oursel et Jean Regnaud (ici adaptés par Alexandra Garibal) s’allient des dessins traditionnels, classiques et doux, expressifs et percutants. En fanfare, en fait, n’en déplaise à ceux qui préfèrent le fracas du silence. Quelle (belle) aventure qui n’a pas moins de sens sur papier, tant les dessins du cinéma cultivent le savoir-faire du média sur lequel ils sont nés.

A lire chez Casterman.

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