
Que des fantômes apparaissent, épouvantant ceux qui les ont rudoyés de leur vivant, passe encore, mais qu’ils les assassinent? Pour peu qu’on soit terre-à-terre, comme doivent s’efforcer de l’être les fins limiers, il y a là un mystère bien réel à éclairer. Avec Le dossier Thanatos, Roger Seiter et Jean-Louis Thouard reforment la paire qui nous avait fait rêver et cauchemarder en se penchant sur les histoires extraordinaires d’Edgar Allan Poe. Et puisque le Londres des années 70… 1870, n’a pas le monopole des sordides affaires, direction Édimbourg.

Résumé de l’éditeur : En 1877, Arthur Conan Doyle suit les cours de médecine du professeur Joseph Bell à Edimbourg et travaille occasionnellement au Royal Infirmary Hospital. Attiré comme beaucoup de ses contemporains par le spiritisme, il se retrouve involontairement mêlé à une sinistre affaire de meurtres. En effet, la police enquête sur plusieurs morts suspectes qui pourraient bien être liées au mouvement spirite. Conan Doyle y voit l’opportunité d’une première contribution à une enquête policière.

Dix ans avant Jack l’Éventreur, un serial killer hante les rues et les salons écossais, ensanglantant moins les corps que les abandonnant raides, on ne sait pour quelle funeste raison. Cela ressemble à des morts naturelles mais quelque chose cloche qu’il incombera à l’inspecteur principal Clayton McRae et à son adjoint Davis Batt de porter à la lumière. Car, qu’est-ce qu’il fait noir, dans cette ville. Et, à l’abri des regards, c’est à la chandelle que certains tentent de convoquer l’au-delà. Se pourrait-il que ces inconscients aient libéré le mal désincarné? À l’inverse du démon qui hantera Whitechapel une décennie plus loin, ce sont bien des hommes, mûrs et riches, qui font l’objet de la foudre d’on ne sait quel revenant… ou vivant.

Dans le monde du Neuvième Art, Jean-Louis Thouard a publié avec parcimonie, mais quand il sort de son antre, quelle expérience que celle proposée par celui qui pourrait être vu comme un enlumineur de la pénombre. Avec son dessin qui crépite, hanté par tous les tourments de ses héros et leurs ennemis, avec un symbolisme toujours bien amené et ces couleurs que bien peu oseraient utiliser de bout en bout dans un album. Préparez vos lampes torches, ça vaut le détour.

Pour le reste, c’est dans une enquête singulière que les deux auteurs nous entraînent, poisseuse, à mi-chemin entre la normalité crasse et le surnaturel, avec des déviances dont les motivations sont pourtant compréhensibles. Mais n’en disons pas trop même si le scénario dévoile le pot-aux-roses beaucoup trop vite à mon goût et permet à la deuxième moitié de l’album d’être assez attendue. Quant à Sir Arthur Conan Doyle dont on nous dit qu’il sera un protagoniste de cette histoire, c’est vrai mais en troisième rideau, son aide à la résolution du mystère étant assez futile et artificielle. Je me demande même si sa présence, comme argument marketing ne déforce pas l’ensemble de cet album dont l’atmosphère et le mystère n’avaient pas forcément besoin du papa de Sherlock Holmes. Bref, ça pêche au niveau du déroulé de l’histoire, mais rien que pour l’esthétique fascinante développée par Thouard, ce Dossier Thanatos vaut plus qu’un coup d’oeil.

À lire aux Éditions Robinson.