La vie me fait peur, le vide l’envahit mais son licenciement est peut-être la plus belle chose qui pouvait lui arriver

Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon. C’est le nom du roman qui a valu à Jean-Paul Dubois le Goncourt. Mais finalement, ce titre universel et tellement bien vu aurait pu baptiser cet autre livre paru en 1994 et sur lequel le duo inédit Tronchet-Christian Durieux (l’un a signé Ça n’arrive qu’à moi, l’autre Les gens honnêtes, pour rester dans la valse des titres qui font écho à celui-ci) a jeté son dévolu : La vie me fait peur.

Résumé des Éditions Futuropolis pour La vie me fait peur de Didier Tronchet et Christian Durieux : Paul, la trentaine désinvolte, est face à sa femme Vivien. Elle vient de le licencier de sa propre entreprise et pourtant Paul ne se révolte pas. Comme si cet événement était l’aboutissement d’un long processus qui lui avait échappé. Paul se remémore alors son enfance, partagée entre l’insouciance d’un père inventeur, capricieux et séducteur, têtu et attendrissant et la rigueur morale de sa mère, ennemie du gaspillage, anticipant toujours le malheur de peur d’être surprise par lui. De cette époque, Paul a gardé l’impression que, dans la vie, tout n’est que dérision, fausse moustache et vanité. Jusqu’au jour où sa mère meurt dans un accident de voiture alors même que la dernière invention de son père connaît enfin le succès. Alors que son père sombre dans la dépression, Paul part, en laissant tout derrière lui… avec la sensation qu’il doit enfin exister par lui-même…

© Tronchet/Durieux chez Futuropolis

Face à des parents aux caractères si forts, si remarquables, dans leurs talents comme leurs défauts, on peut être tiraillé, être élevé mais avoir du mal à exister. C’est un peu ce qui est arrivé à Paul, n’arrivant pas à matérialiser les dons qu’il a forcément reçus de ses parents, fort discordants l’un de l’autre mais se complétant. Une maman en garde-fou, un papa promettant que chaque jour serait différent, exubérant.

© Tronchet/Durieux chez Futuropolis

L’enfance, là, c’était une madeleine, un festival, un bon bol d’air d’insouciance à chaque seconde qu’on voudrait suspendue. Sauf que le fracas d’une réalité qui peut être morbide a vite fait de rattraper les héros, de les bousculer dans un quotidien qui a soudain perdu sa magie pour gagner en implacable gravité. Retrouver l’odeur de l’enfance sera compliqué mais ça ne fait pas pour autant de vous un homme.

© Tronchet/Durieux chez Futuropolis
© Tronchet/Durieux chez Futuropolis

Avec ce personnage en déficit de charisme mais pas d’humanité, écrit par Jean-Paul Dubois (que je n’ai encore jamais lu, à mon grand regret), Didier Tronchet et Christian Durieux tâtonnent en beauté, entre le passé, le présent et l’esquisse du futur maintenant que tous les chemins sont envisageables, que Paul a tout perdu et plus rien à perdre. Car il a fait peu de choix dans sa vie, les autres en ont fait pour lui, mais ils se sont avérés déterminants.

© Tronchet/Durieux chez Futuropolis
© Tronchet/Durieux chez Futuropolis

Et pour l’apothéose, arriver au premier jour du reste de sa vie, les deux adaptateurs-créateurs – il y a tout le souffle, la poésie que peut apporter le Neuvième Art avec sincérité et humilité – réussissent un album très touchant, imbibé de Jean-Paul Dubois mais aussi de leur personnalité. Car il faut être plusieurs, parfois, pour ne plus avoir peur de la vie et en apprécier sa beauté, à travers la noirceur ou, même, le peu de couleurs. Elles sont là les secondes suspendues! Pour atteindre la réussite dans sa vie, il faut viser la liberté, douce et sage.

© Tronchet/Durieux chez Futuropolis

Et puis, il y a cette chanson de Kent qui m’est revenue à la lecture, la voici en guise de final.

À lire chez Futuropolis

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