

Savez-vous ce qu’est un Pizzly? Oh, vous pourriez aussi l’appeler Grolaire. Il s’agit du résultat de la reproduction naturelle et opportuniste entre un grizzly et un ours polaire. Le réchauffement climatique les y aurait-il aidés? Ce n’est pas improbable et de ce croisement jaillit une symbolique dont se sert Jérémie Moreau dans son nouvel album pour narrer le voyage initiatique, sans boussole et encore moins de GPS, d’une fratrie dans un pays jusque-là inconnu et d’ores et déjà menacé. Ces trois-là pourront-ils être les héritiers des Pizzlys?

Résumé des Éditions Delcourt pour Les Pizzlys de Jérémie Moreau : Sillonnant Paris jour et nuit au volant de sa BMW à crédit, Nathan enchaîne les courses Uber pour subvenir aux besoins de ses frères et soeurs. Faisant littéralement corps avec son GPS, Nathan plonge dans un vide assourdissant quand son portable tombe en panne. Suite à un accident, Annie, sa dernière cliente, lui propose de partir vivre en forêt avec Zoé et Etienne au fin fond de l’Alaska.

Voiture foutue, vie perdue. Nathan file du mauvais coton, il perd pied, connaissance même. Surmené, au bord du gouffre. Comme si le chagrin d’être orphelin n’avait pas suffi, le jeune homme a dû tirer une croix sur ses rêves pour permettre à Zoé et Étienne, sa soeur et son frère, de s’élever. Lui se rabaisse. Pour ramener de l’argent, puisqu’il est acquis que l’héritage ne suffira pas, Nathan est devenu taxi privé. Parfois les clients sont sympas, quelques fois, ça pue!


Mais le grand frère n’était pas préparé à cette rencontre : Annie qui vit ses dernières heures parisiennes puisqu’elle retourne dans ses contrées d’origines: l’Alaska. Sur la route de l’aéroport, le GPS est déjà en perdition, puis c’est le bang. Plus de moyen de locomotion et d’arrondir les fins de mois. Et, en quelque sorte, plus rien qui ne retienne la famille. Et tout en même temps. Parce qu’à l’heure de l’effondrement annoncé, peut-on encore changer de vie?


Fidèle à ses habitudes, par sa gestion de son dessin et des couleurs, du texte et de la contemplation, du réalisme et de l’onirisme, Jérémie Moreau ne cesse de bonifier. Par sa conscience du monde qui nous entoure, dans la sphère intime et le panoramique, dans ce goût pour ce qui est sensible et sensoriel. Si le décor est incarné, fascine autant qu’il peut faire peur, c’est par les personnages, leurs relations (ou non-relations, quand est-ce que Zoé se détachera de sa console?) et distensions, à l’heure et au lieu où on compte l’électricité, que Jérémie Moreau réussit à donner vie à tout ça. Et cette fin du monde nous laisse paf, tant elle est belle, monstrueusement belle. Comme sa couverture, magnifique, le laissait présager!


À lire aux Éditions Delcourt.