Dans « Il n’est pire aveugle », John Boyne met à nouveau en lumière les travers de l’Irlande, sa très religieuse mère patrie

Odran, fils d’une ancienne hôtesse de l’air et d’un acteur raté voit sa vie totalement bouleversée lorsque, à peine sorti de l’adolescence, il est presque malgré lui dirigé vers la prêtrise. Cette vie au séminaire (6 ans tout de même) sera loin d’être une partie de plaisir pour le jeune homme tant les règles à suivre et le rythme imposé sont contraignants. Une vie qu’Odran supporte tant bien que mal, beaucoup mieux que Tom, son compagnon de chambrée, qui semble lui vouloir fuir ce milieu étriqué et austère.

Après avoir été ordonné prêtre à Rome et côtoyé le pape Paul VI et son successeur (rien que ça), le jeune Odran se tourne, une fois revenu en Irlande, vers l’enseignement de l’anglais et de l’histoire, mais après de longues années passées dans une école catholique qu’il affectionne beaucoup (surtout sa bibliothèque) un archevêque décide de l’envoyer dans une autre paroisse. La paroisse dans laquelle travaille désormais son ami Tom. Travaillait car celui-ci a apparemment disparu.

John Boyne

« C’est seulement à l’âge de quarante ans que j’ai éprouvé la honte d’être irlandais » Terrible entrée en matière, n’est-ce pas? La première phrase du nouveau roman de John Boyne, irlandais lui-même, n’a rien d’étonnant pourtant. Déjà dans son très beau « Les fureurs invisibles du coeur », l’auteur n’était pas spécialement tendre avec son pays natal, ultra catholique, rejetant tout autant les filles-mères que les homosexuels. L’Irlande en prenait vraiment pour son grade.

Dans « Il n’est pire aveugle  » John Boyne s’intéresse cette fois aux prêtres, à ceux-là mêmes qui, en Irlande, étaient considérés comme de véritables dieux (ah ce passage du train bondé dans lequel une femme enceinte et un vieillard veulent à tout prix céder leurs places au jeune curé) mais ça c’était avant, avant les affaires sordides de pédophilie qui éclatèrent en Irlande dans les années 80 (mais qui débutèrent réellement bien avant) et qui ont fait chuter de son piédestal ce clergé pourtant tant vénéré.

Même si il ne cherche en aucun cas à excuser les actes abominables commis par certains prêtres, Boyne nous rappelle toutefois que pas mal d’entre eux n’avaient pas du tout choisi cette voie, il n’était pas rare à l’époque en effet que le fils cadet de la famille soit dirigé automatiquement vers la prêtrise. Il souligne aussi à quel point la vie des prêtres irréprochables, eux, a été radicalement chamboulée suite à ces actes inadmissibles commis par leurs pairs. Actes trop souvent passés sous silence par les autorités ecclésiastiques pour qui la réputation de l’Eglise passait avant tout.

Jonglant entre passé et présent comme souvent dans ses romans (et ça peut être déstabilisant), Boyne se montre ici beaucoup moins cynique que dans « l’audacieux Mr Swift » (probablement le personnage le plus détestable croisé en littérature ces dernières années) et même si l’on sourit moins que d’habitude en lisant ce nouveau roman (le sujet ne s’y prête guère tant certains passages font froid dans le dos), Boyne nous prouve encore une fois que nous sommes en présence d’un auteur bien ancré dans son époque qui n’hésite pas à critiquer son pays d’origine et à le confronter aux fantômes d’un passé pas si lointain.

John Boyne, assurément un auteur à découvrir si ce n’est déjà fait.

Titre : Il n’est pire aveugle

Auteur : John Boyne

Genre : Drame

Éditeur : J-C Lattès

Nbr de pages : 380

Date de sortie : 07/04/2021

Prix : 22,90€

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