En ces temps météorologiques où la grillade +++ s’accorde aussi avec des déluges qui rasent tout sur leur passage, pour tout dire ça ne sent pas bon. Alors que les signaux mêlés aux alertes n’ont fait que se répéter depuis des décennies et désormais d’année en année, l’Homme n’a cessé de s’enf(o)uir dans le déni et de surconsommer à tous les niveaux, sur toutes les ressources qu’on aurait dû pourtant préserver et mieux partager. Peut-être le Covid, comme d’autres épidémies, n’est qu’un climax, une autre limite opposée à nos systèmes politiques, économiques, sociaux, etc., en fin de vie. Dans le début d’une série jeunesse et tout public intitulée Happy End (malgré tout), Olivier Jouvray et Benjamin Jurdic n’inventent pas très loin leur fiction mais font tomber le chaos plus vite que prévu. Un Walking Dead sans zombies, avec juste des humains déboussolés dans des circonstances crédibles.
Casting :
Résumé de l’éditeur : Mollie est une jeune fille de 14 ans. La fin prochaine de notre civilisation, elle y croit dur comme fer et s’y prépare activement. Son entourage préfère ne pas y penser. Jusqu’au jour où la Grande Panne arrive. Il n’y a plus de pétrole. Le doute fait place à l’inquiétude, qui cède bientôt à la panique. Que faut-il faire ? Tout le monde se tourne vers Mollie. Avec son ami Oscar, un vieux châtelain qui partageait ses convictions, ils vont se regrouper et faire face à la situation en faisant preuve d’entraide et de confiance.


Survivaliste, le mot est lancé, voulant tout et rien dire mais nous laissant nous imaginer des brutes avec une barbe de vingt jours, surarmés et complotistes sur les bords. Hé hé, les auteurs vont prendre tout le monde de revers, leur héros survivaliste est ici une adolescente, Mollie, plutôt bien documentée et avertie sur ce qui pend au nez de l’humanité. Pas le temps de fantasmer ce monde d’action et, sorti de notre bulle de confort (là où nous pensions nous-mêmes être sortis de la cuisse de Jupiter), il sonne déjà à la porte de sa petite famille, entre tendresse et chamailleries entre frère et soeurs.

Voilà qu’il faut regrouper ceux qui avaient été expropriés (la maman en home/ehpad), trouver de quoi faire les courses (on ne dit pas ici si la denrée la plus rare est le pq, mais ça se pourrait) et se réfugier à la campagne, dans la propriété, bientôt déserté, de l’ami Oscar. Un ersatz de Champignac qui vit avec son père dans un château, et aurait préféré aux recherches champignonesques des reconstitutions, tout en armure et à cheval, d’un quotidien moyenâgeux. Là, ça fait survivaliste, mais c’est un peu du toc quand même.


Entre péripéties, quiproquo et autres saynètes prouvant que la survie de l’homme moderne n’est pas gagnée pour peu qu’il soit dépassé par les événements (et les « créatures » qu’il a nourries si longtemps et dont il est devenu dépendant), le duo d’auteurs a bien senti ses personnages, leurs alliances comme leurs coups de gueule. Dans un road-trip à plusieurs rythmes et selon plusieurs lignes de force, le groupe étant obligé de se séparer, les deux « J » explorent cette France ou cette Belgique, nos campagnes et nos villes, qui chavirent sous l’imprévu. Avec quelques images d’horreur (un contrôle policier plutôt musclé d’un bus rempli de ce qui semble être des migrants, ironie du sort quand on sait qu’au vu des dernières inondations, nos contrées comptent les premiers réfugiés climatiques de notre cru) mais surtout beaucoup d’humour et de comique de situation. Les auteurs ont réussi à bien doser les choses pour rendre leur histoire crédible, mettre leurs héros dans un laboratoire aux curseurs à peine poussés pour rendre la situation un peu invivable… jusqu’ici. C’est sûr, Jean-Christophe Chauzy avait fait beaucoup plus désespéré et moins tout public en initiant sa série Le reste du monde.
Recherches et projets de couverture :
Dans de beaux paysages qui eux ne vivent pas si mal les choses, avec de sacrés gueules (mais les apparences sont parfois trompeuses… enfin pas toujours) et une belle dynamique, Benjamin Jurdic signe un album à la hauteur de son talent, réussissant tant dans le comique que le dramatique, alors que Maud Buchwalder y marie bien ses couleurs. Le seul regret ? Que cet album, dont la dynamique chorale permet d’amener déjà plein de choses, se termine de manière un peu molle et sans enjeu, sur une interrogation et sans cliffhanger. Comme s’il y avait cette volonté de faire une série de one-shot avec une intrigue qui ne s’y prête pas. Mais, je pinaille, car je suis très emballé et j’attends le reste de ce road-trip dans le monde d’après qui condamnera peut-être le monde de demain, car sans espoir.


Série : Happy End
Tome : 1 – La grande panne
Scénario : Olivier Jouvray
Dessin : Benjamin Jurdic
Couleurs : Maud Buchwalder
Genre : Anticipation, Humour, Survival
Éditeur : Le Lombard
Nbre de pages : 64
Prix : 14,75€
Date de sortie : le 02/04/2021
Extraits :