Lors de la sortie du tome 1 de Kebek, projet de science-fiction aérien et pourtant profondément terrestre, Philippe Gauckler nous avait raconté son envie, qui l’a poursuivi durant quelques décennies, d’adapter La nuit des temps. Dans le bleu de la glace mais aussi de l’eau dont la force est réaffirmée, l’ancien de Métal Hurlant déjoue les pronostics et livre une histoire bien à lui dans laquelle Barjavel mais aussi quelques autres penseurs ont été digérés et reviennent entre rêve et réalité futuriste.

Résumé de l’éditeur : Roy, gravement brûlé, guérit de ses blessures à une vitesse que les médecins ne peuvent expliquer. La découverte de la femme à l’intérieur du sarcophage a enflammé les réseaux sociaux et le monde entier suit cette découverte humaine et scientifique. Qui est-elle, d’où vient-elle et surtout de quelle époque ? Les fresques murales découvertes à proximité de la sphère dateraient de 400.000 ans, bien avant homo-sapiens. Et pourtant la sphère semble issue d’une technologie encore inaccessible à la science actuelle… « Elle » est vivante, et va bientôt pouvoir répondre à ces questions. Les pressentiments de Roy s’avèrent exacts : « Elle » communiquait déjà avec lui quand elle était prisonnière du sarcophage, et à la seconde où elle se dégage de son cocon protecteur, ils entrent en communication télépathique.

C’est avec une découverte qui pouvait bouleverser l’humanité que le premier album de Kebek se refermait, un trésor apparemment vivant et dont on ne sait s’il faut se méfier ou y adhérer qui dormait dans les entrailles de la terre. De la glace. Dès les premières planches de ce second et dernier opus (2X88 planches quand même!), l’auteur nous fait faire un grand bond en avant, avant de négocier plusieurs retours en arrière pour comprendre comment des siècles et des neiges sont passés avant que ces intra-terrestres soient redécouverts, avec quelques-uns de leurs secrets. Grâce à l’aide de cet ancien joueur de hockey qu’est Roy « Kebek » Koks, qui semble avoir une connexion avec cette Hibernatus (qui ne laisse personne de glace, y compris les agences de renseignements et militaires), contact est lié et l’aventure de science-fiction peut retentir de plus belle. Science-fiction intérieure et psychologique avant tout.

Mêlant les genres, passant d’une fuite à toute vitesse et sur des plates-bandes glissantes à des situations d’espionnage et d’autres de pure romance impossible, sans oublier quelques séquences mutantes et freaks, Philippe Gauckler brouille les pistes pour réaliser sans doute l’oeuvre qui lui est la plus fidèle à ce jour, peut-être trop riche mais bien ancrée dans des thématiques universelles et contemporaines, dans une odeur de fin de monde mais aussi d’un éternel recommencement où le meilleur triomphera sur le pire.

Ici, tout s’entrecroise, sans lever le voile sur tous les mystères mais dans un bain graphique somptueux. Faisant sienne toutes les incarnations de l’eau (liquide, gaz, solide et même une quatrième qu’il a inventé), Philippe Gauckler donne de sa personne dans chaque planche et des double-planches somptueuses, luxueuses. Si je suis resté sur ma faim du point de vue de cette histoire touffue, un peu dans le flou, je ne lâcherai pas cette histoire de sitôt et reprendrai à tête reposée les deux tomes pour en percer quelques secrets supplémentaires. Je crois que c’est le genre d’album dont le plaisir graphique ne peut qu’inciter à en avoir plusieurs lectures.

Série : Kebek
Tome : 2 – Adamante
Scénario, dessin et couleurs : Philippe Gauckler
Éditeur : Daniel Maghen
Nbre de pages : 86
Prix : 19€
Date de sortie : le 29/04/2021
Extraits :