Après une trilogie sur un oligarque et aventurier russe répondant au doux nom de Koralovski, Philippe Gauckler quitte la Russie (non sans avoir tenté d’y inscrire son nouveau projet), tout en conservant neige et froid, pour installer sa nouvelle histoire au Québec… ou est-ce le Kebek ? Toujours est-il qu’il y a trouvé le peuple des étoiles, premier nom du projet, et qu’en creusant la terre et la neige à la découverte de l’impossible, il a retrouvé son identité graphique et son bleu. Rencontre palpitante avec cet auteur qui a longtemps rêvé d’adapter Barjavel et qui cherche la science-fiction dans les profondeurs terrestres plus que dans l’immensité spatiale. Avec quelques documents rares qui permettent de faire le making of de cet album original. Et de toute beauté.

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Bonjour Philippe, après l’Himalaya, la Russie, voilà que vous arrivez au Québec. Vous semblez aimer voyager, non ? Uniquement sur le papier ou également dans la « vie réelle » ?
Voyager, c’est se faire surprendre, tenter l’inconnu et la perte de repères. J’ai tenté de me rapprocher de cette définition du voyage, mais je ne peux échapper à ma condition de touriste. J’essaie donc de me projeter avec des histoires qui se situent dans des régions du monde à l’exotisme particulier ( En Russie, sur les contreforts de l’Himalaya, dans le nord du Québec). Je ne suis jamais allé en Russie, mais je me suis rendu au Bhoutan en 2006 et au Québec en 2016 (je n’avais pas encore décidé que le Québec serait le théâtre de l’action de « Kebek »). J’ai voyagé sous d’autres latitudes, mais il semble que je sois attiré par le froid…
C’est important, pour vous, à chaque nouvelle histoire de changer de décor ?
Avec ma petite série « Prince Lao » (4 épisodes), je souhaitais faire des repérages dans le sud de la Chine, sur les contreforts de l’Himalaya, voie d’accès au Tibet. Finalement, ce fut le Bhoutan. Il s’agit moins de découvrir un paysage (On peut trouver toute la documentation sous forme de récits et de reportages) que de s’imprégner de réel.

Pour « Koralovski », mini série en 3 épisodes, je ne suis pas allé en Russie, l’action du récit se déroulant plutôt en Allemagne que je connais mieux.
À l’origine, « Kebek » aurait du se passer en Yakoutie, en Sibérie orientale (république de Sakha), mais il n’est pas aisé de s’aventurer en Russie contemporaine sans devoir lutter contre les tonnes de clichés, j’ai donc décidé de transférer l’action de mon histoire dans le nord du Québec.
Je ne crois pas qu’il soit important de changer de décor pour chaque histoire, mais le thème, le motif finissent par me faire atterrir quelque part…
En tout cas, depuis Prince Lao, il y a souvent de la neige. Pourquoi ? Elle vous fascine ? Que permet-elle en BD ?
Je ne sais pas si ce sont des souvenirs d’enfance, réels ou littéraires, mais la neige évoque l’abri chaleureux, la perte de repères, toutes les variations de froid, le boréal… Les personnages sont emmitouflés, les corps ne sont pas exposés… Il y a sans doute une raison inconsciente qui m’échappe.

Kebek, comment est venu ce titre qu’on pourrait penser mal orthographié ? Y’a-t-il eu d’autres titres de travail ?
Après avoir déménagé l’histoire de Sibérie au Québec, le titre premier était « Le Peuple des Etoiles », ce qui sera probablement le sous-titre du tome 2. « Kebek » serait le premier nom de la province, mais l’orthographe et l’étymologies sont variables. Cette manière de l’orthographier nous donne un palindrome qui, graphiquement offre une bonne symétrie.
Parlons de cette couverture, n’est-ce pas un défi de faire quelque chose de si sombre ?
L’objet est dissimulé, il est à l’ombre, on ne distingue rien à première vue, c’est la définition du mystère… C’est un défi, ce visuel ressemble à une couverture de roman sombre, pas à un album de BD, seul le format confirme que c’est un album de BD.
Il faut amener la lumière d’une manière ou d’une autre ? Vous le faites avec des humains minuscules. Pas de héros. C’est osé, non ? Cette idée s’est imposée directement ou y’a-t-il eu d’autres recherches ?
J’avais réalisé plusieurs visuels pour l’illustration de couverture et l’éditeur a réalisé plusieurs maquettes. Le visuel choisi l’a été de manière consensuelle: c’est cette grosse boule qui constitue l’intrigue, les personnages principaux sont pour le moment secondaires. Il y a une part de mystère, on est sous Terre, mais on pourrait penser à un astre sombre, les petites lumières des lampes frontales pouvant faire penser à des étoiles…
Le choix du visuel de couverture est toujours délicat, concentrer l’intrigue ou l’évoquer, attirer l’attention, éveiller la curiosité?… C’est une mission difficile et un choix cornélien.
Dernier élément de cette couverture, le titre du tome : L’éternité. Tout un programme ? Vous y croyez à l’éternité ? Vous aimeriez vous l’approprier, être immortel ? Ou finalement, est-ce bien mieux d’être mortel ?
L’éternité est un thème récurrent, parfois obsessionnel, il est au coeur des recherches des entreprises de pointe de la Silicon Valley, il a donné lieu à des tonnes d’hypothèses et c’est le pilier de toute religion. L’immortalité est un fantasme très semblable, le monde rationnel se heurte à l’irrationnel de la disparition et de la mort. Comment contourner cette invraisemblance, cette fin programmée? L’univers va-t-il un jour nous dévoiler le secret de la vie éternelle?

Kebek, c’est votre premier album aux Édition Maghen. Un éditeur pas comme les autres, me suis-je laissé dire ? Ça change la donne, avec des exigences différentes d’autres éditeurs ?
Daniel Maghen est un passionné de BD, de dessin, d’oeuvres graphiques originales, il est intrigué par toutes les facettes de la « chose dessinée », de toutes les manières dont on extrait de soi une cohérence graphique significative. Il cherche à transmettre sa passion, parfois en se substituant au rôle de l’éditeur, lorsqu’un projet le convainc. Mais il ne s’improvise pas éditeur, il sait s’entourer, il offre à ses auteurs les moyens de s’exprimer puis de transmettre le produit de leur travail. L’auteur est encadré, soutenu et encouragé tout au long de la réalisation du projet. Lorsque le livre sort, il bénéficie d’une attention et d’un soin particulier, il est unique.
Un éditeur qui sort 10 livres en même temps ne pourra évidemment pas accorder la même attention à chacun d’entre eux, il y aura des sacrifiés. Chez Daniel Maghen, il n’y a pas de sacrifiés, il n’y a que des élus.
Puis, avoir 86 pages, c’est un luxe, non ? Ça permet de prendre ses aises ?
Un album de 80 planches couleur cartonné grand format est inhabituel, il est plutôt confortable pour le lecteur, pas forcement pour l’auteur qui doit produire un bel effort avant de voir le résultat édité de son travail. Mais au niveau narratif, cela permet de mieux se promener, cette distance permet aussi de ne pas être dans un récit linéaire: on peut faire des flashbacks, des digressions, on peut quitter brièvement l’itinéraire principal de l’histoire. Mais, pour soutenir le rythme, il faut essayer d’avoir une moyenne de 6 cases par page. Et puis 80 pages autorisent plus d’audace graphique.
Notamment dans trois double-pages magnifiques ! Juste des illustrations et de quoi ébahir le lecteur, faire une pause.
Ces doubles pages font partie du confort de lecture, elles constituent une aération, un surlignage aussi. Elles valorisent le récit et l’installent dans un mode narratif particulier, comme des chapitrages de récit d’aventures.
Comment est né ce projet ?
Il est né dans l’attente de la validation par les éditions du Lombard de la réalisation du tome 4 de « Koralovski », mon histoire d’oligarque russe, dans l’univers de l’énergie et du pétrole.
J’ai développé des idées en les combinant à un projet que j’avais abandonné à mes débuts.
Il s’agissait de l’adaptation du roman de René Barjavel « La Nuit des Temps », que j’avais commencée à mes débuts, 15 planches grand format, en couleur directe à la gouache. J’avais été les présenter à l’auteur, après avoir écrit à son éditeur. René Barjavel s’était montré enthousiaste, m’avait présenté à son éditeur, j’avais 20 ans, c’était formidable, mais avais-je les épaules pour soutenir un tel projet?… C’est Jean-Pierre Dionnet, patron de Metal Hurlant, à qui j’avais présenté ces pages qui m’a dit de commencer par des histoires courtes plutôt que par un récit long, j’étais débutant, mon style allait se former, mes dessins se transformer, je reviendrai sur le projet quand tout ça serait stabilisé…
« Kebek » est né de cette envie de retrouver « La Nuit des Temps », mais avec le recul qui me permettrait de m’en écarter plutôt que d’en faire une adaptation proprement dite. C’est ce qui m’avait gêné à l’époque, quand on m’avait dit que « La Nuit des Temps » avait été très inspiré par « La Sphère d’Or », roman de l’auteur australien Erle Cox, paru en 1925 en France.
C’est la raison pour laquelle j’ai nommé mon personnage principal Roy Lee Koks (R.L.Koks), en référence à l’auteur de « La Sphère d’Or ». « Kebek » est une interprétation/variation de « La Nuit des Temps », comme « La Nuit des Temps » est une interprétation/variation de « La Sphère d’Or ».
C’est, une nouvelle fois, une autre proposition graphique de votre part, non ? Avez-vous changé de méthode de travail ?
Comme aucune réponse ne venait du Lombard, j’ai commencé à réaliser le projet « Le Peuple des Etoiles » que j’ai proposé au Lombard. Mais, leur intérêt au début s’est mué en indifférence, je suis allé montrer les planches déjà réalisées à Daniel Maghen. Il a été très clair: ce projet l’intéressait, mais il fallait que je me rapproche de mon identité graphique, celle qu’il connaissait et que j’avais un peu délaissée malgré moi.


Ce moment-là a été une grande leçon, j’avais perdu mon style, j’avais perdu la manière de réaliser un dessin identifiable, il fallait que je la retrouve.
D’emblée, vous nous mettez dans le feu de l’action dans une scène où celui qu’on pense être le héros se prend une flèche tirée d’on ne sait où. Puis, c’est le flash-back qui en appelle un autre. Comment avez-vous mis en place cette structure temporelle ?
Il y a un art du récit que connaissent bien les feuilletonistes et les équipes d’auteurs de séries. Il s’agit de briser la linéarité d’une histoire, de la reconstruire et de la ré-emboiter autrement. C’est le principe du puzzle, reconstruire une image en se concentrant sur des morceaux de cette image. Le fait de raconter des événements qui se sont déroulés rend le récit plus fataliste, inéluctable, crée une tension dramatique plus intense que si ces événements se déroulaient au présent.


Tant qu’à parler de scénario, le scénariste que vous êtes pense-t-il au dessinateur que vous êtes aussi ? Et au coloriste ? Avec des envies qui donnent lieu à l’histoire ? Ou tentez-vous de faire abstraction de vos autres facettes pour mener l’histoire de la manière la plus indépendante possible ?
Les postes de coloriste, dessinateur, scénariste sont en général tenus par des personnes différentes, j’essaie de compartimenter mon travail mais je ne pourrais pas dire qui détient le plus d’influence, je passe juste trop de temps sur internet à la recherche d’infos et de docs, ce qui signifierait que c’est le scénariste qui pique du temps aux autres…
Kebek, c’est une histoire de science-fiction qui se passe au ras des pâquerettes… et même dans les entrailles de la Terre. Ces derniers temps, le monde de la BD pullule de récits qui repoussent l’espace, les étoiles… Vous vouliez en prendre le contre-pied ? Parler de l’inconnu en partant de ce qu’on pense être connu ?
Super question qui concerne précisément le point de vue que je compte développer dans le tome 2.
Pour moi, l’espace est hostile, il est incompatible avec la vie, dans le système solaire. Toute vie dans l’espace dépend des provisions que l’on a fait sur Terre, l’exploitation de l’espace n’est pas envisageable avec nos connaissances et nos moyens actuels.
Elon Musk et son projet Mars, c’est de la pure narrative, c’est un discours de commercial qui veut fourguer sa marchandise. La conquête spatiale est une entreprise extrêmement complexe, les paramètres de développement sont infinis, pour envisager un futur spatial, il faut s’affranchir d’un grand nombre de lois physiques. Là, en l’état, l’être humain est bloqué sur Terre.

Heureusement, l’imaginaire nous permet de nous évader, on invente des pistes, on spécule sur le peuplement des planètes, le raccourcissement des folles distances.
Dans « Kebek », je me suis engagé sur l’irruption d’un objet totalement inhabituel dans notre monde. Cela relève plutôt du fantastique. Je vais pousser vers une perspective science-fictive tout en restant assez proche de justifications physiquement réalistes. Je crois aussi que ce sont les rêves qui nous emportent, qui nous propulsent vers le futur, vers des solutions de vie future. Mais je ne vois pas quel rôle l’espace peut jouer là-dedans.
Il y a aussi cet autre tension entre les pouvoirs magiques qu’on prête aux extra-terrestres et ceux, rituels et archaïques, des chamanes, non ?
« Le Peuple des Etoiles », c’est le nom donné par les peuples autochtones-premières nations aux visiteurs de l’espace. On y croit ou on n’y croit pas, de même que le pouvoir des chamanes de traverser d’autres dimensions, de créer d’autres états de réalité. Je crois aux rêves, je crois que nous avons du mal à ressentir d’autres niveaux de réalités… On accepte Star Wars, pas les états de conscience d’un chamane en transe.
On a un très curieux rapport à la chose irrationnelle, qu’on assimile à la magie et à l’imaginaire.
Je me suis posé pas mal de questions après la lecture du livre du docteur Mack « Passeport pour le Cosmos », ce psychiatre de Harvard qui s’est intéressé aux témoignages de personnes abductées (« enlevées » par des « visiteurs »).
Et tant qu’à parler d’Indiens, en lisant cette BD comment ne pas penser à ce qui est arrivé cet été en Amazonie. Sauf que dans votre album, c’est bien l’industrialisation galopante qui met en péril un peuple ?
Sans le vouloir, je me retrouve avec pas mal de sujets d’inquiétude très contemporains: le rapport à la nature et à ceux qui l’habitent, l’exploitation abusive des ressources naturelles (l’extractivisme), l’homme augmenté, l’intelligence artificielle, les changements climatiques… Ce qui se passe au Québec et dans certaines provinces du nord du Canada, relève de l’exploitation sauvage du sous-sol, assortie d’une pollution qui contamine l’environnement proche et plus lointain (pipeline).
S’il y a un péril amazonien, il y a aussi un péril canadien…



Ces Indiens Cris, vous pouvez nous en parler ? Vous en avez rencontré ?
Je me suis d’abord intéressé au peuple natif Yakute et j’ai trouvé des similitudes avec le peuple autochtone Nation Cri. Les Indiens Cri sont issus du peuple Yakoute, dans un mouvement de population qui est parti de Sibérie vers l’Alaska et les territoires du nord canadien. Il y a 70 000 ans, le détroit de Béring était franchissable sur la glace.
Lorsque j’étais au Québec, j’ai parlé avec quelques personnes issues de la minorité native et je dois dire que leur situation n’est pas fameuse, mais je ne peux pas prendre une orientation trop militante, je resterai factuel et descriptif.
Comment vous êtes-vous documenté ? Cela a-t-il pris une grosse place dans votre travail ?
La collecte de doc est une préoccupation permanente, internet est un flux continu, il faut juste établir des bornes, sinon la quête du détail est obsédante. Je collecte des images, des articles, je lis des livres, écoute des podcasts, des interview sur tous les sujets, dans tous les domaines. Je constate que les informations sont une matière première très malléable et que sur certains sujets, il faut contourner, vérifier, remettre en cause, bref, faire une sorte de travail passionnant mais dévoreur de temps.
En parlant d’enquête, vous avez surpris bien des lecteurs en intégrant Tintin dans votre histoire, sous le nom de Mike Leblanc ? Pourquoi lui ? En tant que reporter, il est un peu balourd, au début, non ?
Je me suis procuré un album « Tintin et le Québec », qui est entre autres, un reportage photo de la visite de Hergé au Québec et de sa promesse de faire venir Tintin au Québec. Je n’ai pas pu m’empêcher de faire ce clin d’oeil; le personnage lui-même, à peine vieilli peut apparaître un peu balourd, comme vous dîtes, mais je ne vois pas comment son côté boy-scout aurait pu évoluer.
Tintin, c’est l’une de vos séries de chevet ? Vous auriez aimé pouvoir le reprendre, lui offrir une aventure ? Mais ne risquez-vous rien face à Moulinsart ?
Je crois que je serais capable de reprendre Tintin, d’en faire une aventure crédible, avec le même état d’esprit, mais je ne suis pas sûr de l’opportunité du profil de ce type de personnage. Ce serait sans doute à destination d’un public adulte, âgé, nostalgique, un peu comme Blake et Mortimer continue de séduire les nostalgiques de leurs aventures.
En tout cas, je peux comprendre la guerre d’image que mènent les éditions Moulinsart pour préserver l’identité de leurs personnages fétiches (la galerie de personnages autour de Tintin).
Il faudra sans doute attendre que le personnage tombe dans le domaine public avant de proposer une nouvelle aventure, s’il n’a pas été oublié.
L’une de vos premières bandes dessinées s’intitulait Blue. Du bleu, il y en a ici. C’est la couleur, l’ambiance dominante de cet album. Pourquoi ? Qu’y trouvez-vous dans cette couleur, que signifie-t-elle ?
Le bleu, c’est le ciel, l’océan, l’infini, une couleur de grande dimension. Je n’avais pas dans mes premières planches une telle présence de bleu, il y avait d’autres tonalités et d’autres couleurs que l’on voit sur des chantiers miniers. Mais c’est en tenant compte des observations de Daniel Maghen que je me suis recentré sur ce qui pouvait caractériser une manière de faire identifiable. Je suis retourné à ma doc et là, surprise, j’ai vu que certains engins de chantier étaient blancs ou bleus, que la tenue des mineurs pouvait être bleue… Tout en gardant une approche réaliste je pouvais restreindre ma palette de couleurs et les faire tournoyer autour d’une gamme de bleu.
L’autre sous-titre du tome 2 pourrait être « Un Monde Bleu »…


En parlant de couleurs, vous refaites des couleurs depuis longtemps. Depuis votre première partie de carrière, si je ne m’abuse ?
Sur « Convoi », « Prince Lao », « Koralovski », j’ai d’abord réalisé les planches au trait, en noir et blanc, puis une mise en couleurs sur bleu. J’avais confié la colorisation à Thierry Démarez (sur le tome 3 de Convoi), puis à Ngam Ngo pour « Prince Lao », et à Scarlett Smulkowski pour « Koralovski ». Pour « Kebek », afin de retrouver mon identité, je suis revenu à une mise en couleurs directe, sur le noir et blanc. Il n’y a pas d’étape intermédiaire, la planche originale superpose le crayonné, le trait noir et blanc et la couleur.
Je ne vais plus dissocier les étapes, je resterai attaché désormais à cette procédure. Comme si je reprenais mon savoir-faire d’origine là où je l’avais laissé après « Blue »…
D’ailleurs, qu’avez-vous fait durant ces onze ans sans faire de BD ? Pourquoi et comment y êtes-vous revenu ?
Peu à peu, je me suis laissé envahir par mon travail en publicité, réaliser des roughs et des story-boards en flot continu… C’était beaucoup plus gratifiant sur le moment, avoir l’impression de participer à un travail collectif urgent… J’ai fait ça à plein temps pendant 11 ans (1994-2005), en temps partagé pendant presque 20 ans (1988-1994/ 2005-2018).


Avec le recul, ce temps occupé par le dessin de commande ne laisse pas grand-chose en terme d’identité graphique: la manière de faire impose un style dépersonnalisé pour pouvoir traiter toutes les situations. En acceptant beaucoup de travaux, je me suis trop adapté à la demande et je n’ai pas assez adapté la demande à mon style. « Kebek » m’aide à réparer tout ça.
Quelle est la suite ? Que peut-on attendre du deuxième (et dernier?) album ? Avez-vous d’autres projets ?
Le tome 2 de « Kebek » me demande pas mal de temps, mais je lis, j’explore et prends des notes, les recherches que j’ai faites pour « Kebek », m’ont ouvert un certain nombre de champs exploratoires…
Et Koralovski ?
Pour l’instant, l’éditeur n’envisage pas de quatrième album. J’ai écrit le début de l’histoire, ce n’est plus la même ambiance que dans les 3 premiers. Il y a un peu de « Mission Impossible »…
Merci Philippe de rendre possible l’impossible dans ce superbe projet qu’est Kebek. Bonne continuation.
Tome : 1 – L’éternité
Scénario, dessin et couleurs : Philippe Gauckler
Éditeur : Daniel Maghen
Nbre de pages : 84
Prix : 19€
Date de sortie : le 22/08/2019
Extraits :
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