Faites péter les décolletés, virez de Space Jam le Putois Pépé, etc.: en 2021, est-il encore permis d’exprimer une pensée nuancée demandant temps et mesure ?

Le mouvement Me Too a libéré la parole des femmes, a permis de mettre sur le devant de la scène des situations presque normalisées dans certains milieux et qui laissaient toujours la femme à la place de la victime. C’est heureux, c’était nécessaire et du chemin reste encore à parcourir… Mais il faut aussi reconnaître que dans la suite de ce mouvement, comme une comète traîne derrière elle les débris de son noyau, il y a des positions, des décisions qui sont ridicules, voire dangereuses.

La place publique a mis sur le devant la parole des femmes victimes de viol, d’inceste, de pratiques douteuses dans le milieu professionnel et personnel, c’était primordial. Mais, force est de reconnaître que, depuis, il n’est plus permis d’exprimer une pensée divergente, une pensée nuancée, une pensée qui demande du temps et de la mesure. Il n’est plus audible, en 2021, de dire que les films des années 80, bourrés de machos, vous plaisent encore, que Pépé le Putois vous fait rire… Et pourtant c’est le cas.

À force de réviser la culture, de supprimer les scènes qui dérangent, les dessins animés qui ne collent plus à notre époque (et qui pourtant continuent à nous divertir), à force de modifier le titre des romans (n’est-ce pas Agatha), à force d’avertissements précédant les films cultes comme Autant en Emporte le vent, à force de retirer des catalogues et des distributions tout ce qui ne colle pas à l’image que l’on veut garder… On épure la culture, on nettoie le passé. Et je ne peux m’empêcher de penser que toutes les grandes dictatures ont mis en place ce procédé.

Des sites archéologiques rasés par les Tallibans, des bombardements ciblés sur le passé de grandes civilisations. Cela a toujours existé comme préalable à l’établissement d’un régime autocratique. Soyons vigilants. Acceptons le débat nuancé et argumenté. Il n’est pas acceptable, défendable et audible qu’une directrice d’école demande à ses élèves féminines de s’habiller correctement sans quoi elles ne devront pas s’étonner d’être agressées. Quel que soit le motif invoqué, rien n’excuse ni n’explique une agression sexiste, raciste… Mais il doit pouvoir être audible dans le débat public que l’école peut demander une tenue correcte à ses étudiants. Qu’on ne s’habille pas de la même façon pour aller à la plage, à l’opéra ou dans le lit de son amant. Il en est de même pour l’école qui reste, à mon sens, une institution à préserver. C’est aussi de l’éducation que d’apprendre cela à nos ados, à nos enfants.

Lorsqu’une jeune fille apprend à porter des chaussures à talons, elle est accompagnée. Par sa mère, par sa soeur, par sa tante, par ses copines parfois. Mais nous savons toutes à quel point, ces premiers jours, ces premières semaines, sont dangereuses pour nos chevilles. « Fais de petits pas », « regarde droit devant toi », « déplace ton centre de gravité », « assure ta stabilité »… Cela semble normal, c’est un apprentissage. Il en est de même pour la tenue vestimentaire ou le langage employé. Il y a un apprentissage à effectuer. Mais cette parole est tellement inaudible dans cette société post Me Too que les journalistes démolissent les intervenants modérés sur les chaînes publiques de télévision et radio.

Oui, Pépé le putois doit continuer à être visible (NDLR.: dans Space Jam 2, dont il a été viré, comme Kevin Spacey en son temps, parce que, soi-disant, il promouvrait la « culture du viol », ou ailleurs), les dix petits nègres resteront à jamais associés à ma découverte d’un huis-clos magistral et il n’est pas rétrograde, me semble-t-il, de demander à sa fille, à son fils de se vêtir un peu mieux qu’en soirée ou à la plage pour se rendre à l’école… Fin du coup de gueule, je pars me refaire l’intégrale de L’arme fatale, où l’on fume, où l’on boit, et où j’ai l’impression d’être libre !

D’autres pensées, coups de gueule, à découvrir sur la page Les mots de l’édito.

Dans le même registre, on a aussi vu passer ça :

NDLR.: Et ça, qui avance des arguments et des enjeux sous-latents peu entendus jusqu’ici mais ne convainc qu’à moitié en laissant finalement penser que si la scène dans laquelle Pépé le Putois oeuvrait était féministe par la rébellion qu’elle suscitait, la peur que sa première partie choque prouve que ces extrêmes féministes ont gagné dans le mauvais sens du terme, en empêchant un dialogue constructif et salvateur.

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