D’ombre et de lumière. Si ça, ce n’est pas un titre de saison, qui résume tellement ces derniers mois ! Au coeur d’une exposition prolongée jusqu’au 28 février au musée BELvue, l’immortel Didier Comès nous prend dans sa toile quelque part entre ses chères Ardennes et son imaginaire surréaliste, maniant magie et psychologie. Auprès d’un bon feu de bois, alors que le brouillard hante nos journées et fait croire à de drôles de formes, de monstres, l’heure est plus que jamais à lire et redécouvrir Didier Comès. Ça tombe bien, déroulant le tapis rouge à l’exposition, les Éditions Casterman viennent de publier en trois intégrales tous les récits complets de cet auteur singulier, habité. L’occasion après un voyage dans l’espace de nous perdre, ou nous retrouver, près de chez nous, dans le combat du blanc et du noir, dans le mélange des hommes, des animaux et des êtres mystiques. De l’épanouissement au malaise, et vice-versa, le travail de cet autre maître ardennais brille par sa pureté, son intensité. Rétrospective.


Ergün l’errant dans Le Dieu vivant et Le Maître des ténèbres
Regroupées dans un album classique, ces deux histoires de science-fiction naviguent bien loin des aspirations qui seront bientôt celles de Didier Comès, plus près de chez nous. Car avec ce héros balafré, aux cheveux d’une éclatante blancheur, le jeune auteur explore l’immense espace, à perte de vue et pourtant équipé de planètes et d’écosystèmes variés. Vu le potentiel spatial, Comès aurait sans doute pu en faire des dizaines. Sauf que ces travaux de jeunesse ne mettaient pas en scènes de simples aventures. Il y a déjà dans les pas e ce héros badass une grandeur d’âme et de symbolisme, une quête de sujets viscéraux. Machine à cauchemar, visqueux (quand le guerrier doit affronter un gastéropode géant, minotaure parmi les étoiles) ou squelettiques (préfaçant pourquoi pas le travail que ferait par exemple l’incroyable Éric Liberge dans Monsieur Mardi Gras Descendres), sans oublier d’emmener dans la navette l’Ankou et des chevaliers teutons, et de subir des influences metal. Hard rock.

Dans un Moyen-Âge à des années-lumière de chez nous (et pourtant…), hommes et femmes s’affrontent dans un combat délétère; dans une première guerre intersidérale, les escadrons de la mort sèment la terreur. Et, au milieu, Ergün, un personnage quasi-anonyme, dont on ne sait rien sinon les cicatrices, qui doit combattre pour trouver l’issue des délires psychédéliques qui apportent toujours la soif de sang, d’os et de faire des différences. Les bases sont là, dans des couleurs osées, violacées, Comès met son sceau et sa patte dans un space-opera intime et organique. Il ne reviendra jamais à cette saga, mais Benoit Peeters et Patrick Deubelbeiss en feront deux nouvelles aventures, désavouées par le scénariste (on l’apprend dans l’album accompagnant l’exposition) mais plutôt bien cotés par ceux qui l’ont lu.

Les romans noir et blanc
Laissons la couleur de côté pour nous plonger dans l’incroyable lutte du noir et blanc, s’opposant, se reniflant et s’admirant, dans le reste de l’oeuvre de Comès. Oh, certains récits furent bien colorisés mais c’est dans le tranchant et l’alchimie de ces deux non-couleurs que l’oeuvre du natif de Sourbrodt prend tout son sens, sa magie, sa puissance créatrice autant que dévastatrice. Je dois admettre ne pas être un fervent lecteur des récits n&b, pourtant la méthode Comès est d’une telle clarté que j’en ai été subjugué, au fil des 880 pages réunies par Casterman dans deux recueils retraçant les périodes allant de 1976 à 1984 puis de 1987 à 2006. Soit l’intégralité des récits au long cours publiés dans le mythique magazine À Suivre.

Dans cette machine à remonter le temps graphique, au fil de planches intactes, c’est tout le monde, les quêtes mais aussi les espoirs et les inquiétudes de leur créateur, que ces neuf récits creusent toujours de plus belle: entre la guerre et les fleurs, la nature et l’empreinte qu’y laisse l’homme, la mort et l’immortalité des mythes, la beauté de la différence et les drames qu’amènent ceux qui la voient comme une ennemie, une gifle.

Comès tendance freak, authentique, bercé par ses paysages et son humanité. Un chasseur des Ardennes toujours prêts à piéger, à faire souffrir ses héros, mais jamais autant que les mauvais. C’est fou la cohérence de cette oeuvre unique dans le paysage franco-belge. Une cohérence de bout en bout, dans la désolation de la guerre. Ainsi, c’est l’ombre du corbeau qui plane sur le front de Meuse en 1915 et sur la solitude d’un survivant en perte de repères et sujets aux illusions qui voient les avions voler et bombarder bas En perte de repères, le héros (mais est-ce vraiment en être un que de survivre à l’innommable ?) trouve une oasis à laquelle mène un joueur de pipeau.
Mais sous la protection de la chouette, la communauté angélique qui semble habiter ce manoir, comme cette poupée aussi naïve qu’effrayante (autre obsession) perdu au beau milieu d’un champ de bataille n’a-t-elle pas elle aussi ses démons ? Les grandes étendues de noir ne poignent pas encore à l’horizon mais le malaise entre réalité et fiction est déjà bien présent, comme cette envie de se servir du langage séquentiel pour faire mieux que le cinéma, en jouant avec ses fondus, par exemple. Surprenant et bientôt institué comme marque de fabrique d’un as qui repousse les murs des cases et de son art pour servir au mieux sa virtuosité, son audace et la puissance de ce qu’il raconte.
La preuve, 25 ans plus tard, avec Dix de der, ultime album de Comès, qui referme ainsi ces deux pavés. Dix de Der, c’est aussi la guerre, 1945 dans les Ardennes, le froid et surtout le noir d’encre dont sont prisonniers quelques Américains. Le feu d’artifice au-dessus de leurs têtes est de mauvais augure et annonce la débandade face à un ennemi qui joue son va-tout, surarmé, n’en déplaise au petit sapin qui aurait tant aimé une trêve à son pied comme à sa cime.
Pour deux corbeaux (le sacristain et le curé, damnés) et trois larrons (Jésus, un fantôme et une tête de mort, âmes errantes), joueurs impénitents de belote, la scène qui se joue serait bien futile… s’il n’y avait pas un « bleu », un jeune homme qui n’a rien demandé mais auquel ce peloton d’exécutés dans cette lutte démesurée, foudroyante et fourvoyante, va s’attacher. L’as de pique sur son casque serait-il un signe, l’envoyé du Diable pour former deux paires de beloteurs jusqu’à la fin des temps ? Dans la neige qui tombe et se disperse dans les cases durant une bonne partie de ces 54 planches, Comès ne met pas la gomme et livre son dernier combat, cinglant et à sens unique, mais prenant le temps de développer la futilité de la vie après la mort mais aussi avant, la place de l’humanisme et de la religion dans ce bourbier enneigé sans oublier le don de soi jusqu’au sacrifice. Entre les figures obsédantes du chat et du squelette, Comès fait à nouveau son cinéma pour marquer la rétine de moments forts, dans un travelling qui se joue comme un ascenseur vers l’échafaud glacé. Au sommet de son Art, l’auteur se retire sur des images prémonitoires, théâtralisant l’ultime souffle d’un immense artiste.

Mais entre ces deux faits d’armes, il y a une carrière, sept autres albums jouant les symphonies perturbées, cherchant quelle pourrait être la normalité dans des mondes faits d’extrêmes, où les émotions sont à fleur de peau mais ne sortent pas les violons. Le plus souvent, c’est dans sa belle Ardenne, ou des paysages l’évoquant, que Comès choisit les méandres plutôt que les rapides et leurs gueules cassées sur les rochers d’une vie cruelle et rude. Pas question de mettre en avant les héros, les beaux, les vrais, les durs; c’est du côté des bossus, des nains, des sorcières que l’auteur se place. Des insignifiants, qu’on peut manipuler, faire passer pour des boucs émissaires. Enfant d’À Suivre, tous les récits de l’Ardennais ont des charnières, des thèmes récurrents qui n’enfoncent pourtant jamais les mêmes portes. Un tout. Comment ne pas penser à Silence. Au tournant des années 70 et 80, Didier Comès est sacré par l’Alfred du meilleur album à Angoulême pour son deuxième récit publié en album. Un succès inattendu et précoce qui occultera peut-être les opus suivants de l’auteur. Pourtant, rien n’en est à jeter.
Silence, c’est son nom. Muet, illettré, passionné de serpents dans ce décor rural, fermier. Comme Didier en prendra l’habitude, de plus en plus étendue, c’est par une planche contemplative que s’ouvre cet album. Contemplatif bientôt horrifique au fur et à mesure que l’humanité autour de Silence sombre. Entre la cruauté réaliste et banale et les sortilèges abominables mais visant à protéger les bannis, recalés de la société, il y a match, redoutable. Silence incarne un passé trouble et honteux, notamment pour son père qui abuse de ce fils malléables, mais au fur et à mesure que cet éternel gamin s’éveille à d’autres horizons, se révèle, la barbarie passée revient de plus belle, de plus laide. Hanté par la guerre au loin, Comès entraîne Silence au bout de lui-même à la rencontre de personnages cocasses, dans un noir de plus en plus prononcé (des taches des vaches à un ciel bouché, bientôt enneigé) qui souligne les villages anguleux de son peuple. Les laids sont parfois ceux qui prêtent le plus de leur temps et de leur coeur.

Qu’importe les sains d’esprits fournis de mauvaises intentions si l’on peut être sauf d’esprit. Avec son chapeau de bouffon, charmeur de serpent, Silence méritait bien un triptyque à son nom, il a marqué durablement l’histoire de la BD, entre songes et cauchemars, onirisme trash et drames des temps qui courent et poussent à l’égoïsme crasse.
Entendant le loup, le renard et la Belette, dans une Ardenne aux airs bretons, Comès est ensuite reparti dans l’élaboration d’un nouveau récit toujours plus ésotérique. Même si, pour des citadins comme Gérald et Anne, la conscience des entités magiques en ces campagnes reculées peut conférer au ridicule. Ils viennent de débarquer et Gérald, producteur de TV a bien des projets pour, selon les standards de son média, se foutre de la gueule du monde des bouseux. Gérald, il a une forte conscience de lui, il ne se prend pas pour du purin. Anne, elle, est beaucoup plus réservée, ouverte aux choses que ce nouveau monde peut lui apporter. Les longilignes héros vont ainsi être face à des voisins difformes et des êtres à tête d’animaux, shamaniques.
En huit chapitres et un épilogue, Comès bâtit un univers riche de ses oppositions et de la vérité que d’aucuns croient à voir et qu’il faut imposer, quel qu’en soit le prix. Ceux qui promettent la lumière, le salut éternel de nos âmes, n’en masquent-ils pas parfois les ténèbres. Opposant les rites anciens, les dieux d’avant-avant-hier et la conscience minérale de l’homme parmi les éléments de la nature, lié aux règnes végétal et animal, Comès livre un manifeste (comme l’a fait, chez le même éditeur, 35 ans plus tard, un Miguelanxo Prado), cherche le bien-être et les dieux sereins qui sont en chacun de nous pour nous amener à accomplir une humanité, dégagée des vaudous et des pulsions qui amènent à commettre l’irréparable. Une oeuvre sensitive, à la gloire de l’éphémère et de l’éternel, des jolies choses simples de la vie et de l’écoute de notre écosystème. Un appel à la vigilance et à être humble quelles que soient nos croyances.
Bien plus que le combat du mal et du bien, Comès explore toutes leurs facettes, infinies. Il les mêle, les associe ou les dissocie, pour toujours livrer des récits différents mais inspirants. Dans Eva, son histoire suivante, finies les étendues forestières et les plaines pour le moment, place à un huis clos dans un manoir suffisamment grand que pour aménager divers espaces et ambiances, sans jamais se départir du glauque, et de la porte ouverte à un noir et blanc toujours plus oppressant, inquiétant et vivifiant. Aux portes de sa perte, voilà Neige (encore une autre incarnation de celle qui aime amener du blanc dans les récits de ce monsieur Météo) qui frappe. Voiture en panne, besoin d’un abri, la voilà qui trouve Yves. Bon chic, bon genre, il vit ici avec sa soeur, en chaise roulante depuis un effroyable accident.
Privée de ses jambes mais pas de son aura et de sa possessivité sur son frère, Eva est en général peu portée sur l’hébergement d’une femme en ses lieux. C’est du moins la version que donne Yves alors que sa discrète soeur est une ombre. Incapable de se réaliser sans elle, Yves n’a comme refuge que son atelier, là où il fabrique des marionnettes automatisées, plus vraies et inquiétantes que nature. Dans cet album explorant la psychologie des êtres humains sans que rien ne vienne interférer, Comès brille à ne jamais se répéter en ces murs laissant peu de place, malgré leurs énigmes, à la réinvention continuelle de l’espace pour ne pas lasser son lecteur. Avec trois personnages et une armée de choses, l’auteur livre son histoire la plus ancrée, la plus contemporaine, et fait appel à de nombreuses références (issues du monde des arts, tous azimuts) dans un schéma hitchcockien, diablement goupillé jusque dans les moindres détails, puisque c’est là que la Bête se terre.
Le monde d’Éva est accessible, tangible, dans une autre exposition, à la Maison Autrique jusqu’au 2 mai prochain
Dans L’Arbre-coeur, Comès poursuit sur sa lancée mais se reconnecte à la nature tout en explorant sa négation: la guerre, encore elle, qui rase tout sur son passage. Celle dont on ne revient pas… intact. Oh, pour Ambre, ex-photo-reporter, les choses auraient pu plus mal tourner, elle est entière, en un seul bloc, du moins en apparence. Car son esprit est disloqué. La terreur des champs de bataille afghans l’a ramenée à ses amis d’hier, quand elle était enfant et qu’elle s’entourait d’un bébé, d’un nain mafieux, d’un vieux cavalier… Tous enlacés, enracinés grâce à l’arbre coeur. Autour duquel, une partie de paintball va déclencher l’engrenage infernal.
Entre le grenier et le pas de la porte où s’invite le vaste monde devenu fou, Ambre oscille entre les merveilles de ses souvenirs et les cauchemars éveillés qu’elle vit. Plus rien ne compte sauf sa famille à protéger. Commence alors une guerre psychologique et bientôt physique. Mais, même surarmés, les hommes de l’extérieur qui en ferait une proie facile, peuvent-ils lutter contre Ambre. Dans cette histoire, le noir est à son paroxysme, envahissant les visages pour lorgner vers le spectacle malsain dont quelques rapaces sont les spectateurs. Dans la neige, le sang est noir et l’auteur explore les méandres des lésions de la violence, à la mitrailleuse ou à la tronçonneuse.
Iris, voilà un titre fascinant pour une nouvelle oeuvre mystique entre le royaume des êtres humains et celui des figures fantastiques. En l’occurrence, cet homme-cerf qui semble tout connaître d’Iris et qui semble avoir de grands projets pour elle. Iris, c’est cette jeune fille insouciante malgré son regard incisif, félin. Comme son compagnon à quatre pattes, protecteur mais aussi aventurier, nommé Grisou.

Mais chez Comès, il n’y a jamais de contes de fées, que des contes défaits. Et c’est comme ça qu’on les préfère. Ainsi, Iris est convoitée par un jeune homme de sa génération, terre à terre et délétère, jaloux. Au triangle amoureux, rajoutons une mère qui pense connaître la créature des bois et veut à tout prix en préserver sa progéniture. Voilà un drame qui a le brâme de Roméo et Juliette, contre-nature. Comès renforce son amour des animaux, des chats, des observateurs inquiets du monde depuis leur branche, mais s’égare peut-être un peu dans la redite et des sortilèges déjà utilisés. Voilà le ventre mou de son oeuvre, pas mauvais mais supplanté par ses autres phares.

Dans ce monde graphique où les simples mortels sont souvent mis face à des magiciens (quel que soit le côté de la Force pour lequel ils exercent), ces derniers sont aussi mis à rude épreuve. Et c’est encore plus le cas dans cet album auquel va ma préférence. La maison où rêvent les arbres commence comme dans le fameux Délivrance de John Boorman, à couteaux tirés dans une vallée magnifique. Une barque nonchalante s’aventure sur un étang qui se prolonge en rivière voyageant comme au centre de la Terre. De la forêt. Il paraît qu’une vieille ermite a mis là des épouvantails pour effrayer les visiteurs qui tenteraient le diable, mais les crocodiles et ptérodactyles qui apparaissent ce jour-là ne sont pas de son ressort.
L’écosystème qu’elle préservait jusque-là est en train de basculer. Et la présence de sa petite-fille n’y changera rien, orpheline et encore vierge de toute noirceur si humaine et de l’envie irrépressible de saccager la merveille qui nous entoure, qui nous fait respirer. Le poumon de notre planète. Avant-gardiste, Comès tire les leçons d’une écologie qui n’a pas porté ses fruits, que les terriens ont été trop peu nombreux à embrasser. Alors, il embrase la nuit et après avoir prêté des rêves aux arbres, il plante en eux le germe du cauchemar, de la rébellion. Qu’adviendrait-il de nous, de notre confort, si un jour tout ce qui est né d’arbre disparaissait ? Sans concession, avec des partis pris graphiques et symboliques violents, l’auteur tutoie les cimes, inventif et toujours aussi multi-médias mais sur papier. Il termine son récit sur une séquence puissante, imparable, poussant la réflexion plus loin que le mot fin qu’il a eu la présence d’esprit de ne pas inscrire.

Avant-dernier conte de cette oeuvre folle, Les larmes des hommes-tigres nous emmène en balade dans une époque sans âge mais pleine de neige. C’est le voyage le plus lointain de Comès depuis Ergün, aux pays des Indiens et des légendes, des vastes étendues contemplatives. Une terre rude faite pour quelques hommes et femmes. Et des tigres. Longtemps après les temps immémoriaux dont tout le monde connait les rites et les mythes, voilà qu’un trio se forme: un shaman cracheur de flammes qui n’a plus le feu sacré nommé Parle avec le feu, Celle qui n’a pas d’ombre et Pas très grand qui vole des ombres depuis qu’il a perdu la sienne.
Mal assortis au début, ces errants vont devoir se serrer les coudes et allier leur force pour trouver le remède à leurs maux, trouver leur route entre les feuilles mortes qui volent et vivent encore (un autre classique plein de poésie et de douceur dans l’un-hiver de notre sorcier). Entre les rochers acérés et les rondeurs des flocons, Comès trouve un espace qui convient tellement bien à ses encres et un thème parfait pour le décliner du blanc au noir. C’est incroyable ce qu’il fait briller dans les yeux de ses héros à plumes qui mettent les poils. L’auteur touche au divin, en ce terrain lointain et pourtant si proche de son coeur et ses aspirations. Inspirons cet air pur qui émane de ces planches, ça en vaut la peine.
Voilà qui conclut ce passage en revue de l’oeuvre de cet artiste qui nous a quittés trop tôt, qui n’avait plus rien à prouver mais encore beaucoup de sortilèges à sortir de son crayon et son chapeau. Ces deux pavés réunissent aussi une poignée de courts récits convoquant les deux H (Hergé et Hugo Pratt), un bigfoot ou encore un scarabée. Preuve que l’adepte des récits longs peut aussi provoquer l’adhésion, la répulsion machiavélique aussi, en quelques cases fortes.

Si la sortie de cette intégrale coïncide avec cette belle et immanquable exposition que propose BELvue, il y a en beau bonus un album grand format carré, de Thierry Bellefroid et au titre on ne peut mieux trouvé : Comès, d’ombre et de silence. Dans ces 140 pages qui nous offrent le luxe d’aller dans le détail, au coeur et au creux du grand C, Thierry Bellefroid écrit avec tout son talent le portrait d’un intime. Déjà auteur d’autres livres consacrés à ce grand bonhomme et commissaire de plusieurs expos, le journaliste s’était lié à l’artiste.

Avec la finesse qu’on lui connaît, son humanité rencontre celle de Comès et en perce les secrets. S’entourant de ses proches, exhumant des trésors dessinés (le temps où le dessinateur oeuvrait dans Spirou avec des séries éphémères de gags comme Homard Vigilant) mais aussi photographiques pour parcourir la vie et la carrière de l’Ardennais. Cela donne encore plus de relief à ce qu’on a pu lire et aide à comprendre pourquoi à tel moment à tel endroit le conteur a choisi de mettre en images telle histoire. Making-of, biographie chorale, artbook, ce voyage approfondi entre les traits et les idées, c’est le dernier carat d’un artiste hors-norme que j’ai mis trop de temps à découvrir mais que je ne suis pas près de lâcher.

Malmenée par le Covid mais plébiscitée par le public, l’exposition au Musée BELvue (Place des Palais 7, 1000 Bruxelles) est prolongée jusqu’au 28 février. L’entrée y est gratuite et les visites de groupe sont uniquement dédiées aux enfants de moins de 12 ans. Une visite virtuelle 3D est disponible en français, anglais et néerlandais tandis qu’un audioguide en ligne gratuit disponible en néerlandais, anglais, français et allemand via app.belvue.be. Enfin, sur place, un livret jeu pour les enfants de 8 à 12 ans est disponible pour 1€ par enfant.
Série : Ergün l’errant
Sous-titre : Le dieu vivant suivi de Le Maître des ténèbres
Intégrale
Scénario, dessin et couleurs : Didier Comès
Genre : Fantasy, Science-fiction
Éditeur : Casterman
Nbre de pages : 96
Prix : 20€
Date de sortie : le 09/09/2020
Série : Comès – les romans noir et blanc
Tome : 1 – 1976 – 1984 & 2 – 1987 – 2006
Intégrale, recueil de récits complets
Scénario et dessin : Didier Comès
Noir et blanc
Genre : Drame, Fantastique, Psychologique, Thriller
Éditeur : Casterman
Nbre de pages : 446 & 430
Prix : 39€
Date de sortie : le 09/09/2020
Titre : Comès – D’ombre et de silence
Artbook, Biographie, Documentaire
Texte : Thierry Bellefroid
Dessin : Didier Comès
Éditeur : Casterman
Nbre de pages : 144
Prix : 29€
Date de sortie : le 09/09/2020