« Attache ta tuque avec d’la broche », il paraît que c’est comme ça qu’on dit au Québec. Et, en effet, ça va décoiffer. Alors que nous les avions rencontrés en quête d’un nouvel éditeur, il y a quelques mois, pour continuer leur série d’espionnage parodique et diablement fraîche MacGuffin & Alan Smithee, force est de constater que l’année 2020 n’a pas été si mauvaise pour le duo d’enfants terribles Michel Viau et Ghyslain Duguay. En moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, et alors que le troisième album hippie-pop était déjà en boîte, c’est chez les belges Éditions du Tiroir que les deux Québécois ont trouvé refuge et terrain d’entente pour continuer à ternir la dragée haute à tous les James Bond, Austin Power et autres Ethan Hunt de la terre. Et pourtant, plus que jamais, ils jouent avec le feu.
Résumé de l’éditeur : Le chaud été 1967 tire à sa fin. À San Francisco, la jeunesse américaine manifeste contre la guerre du Vietnam et cherche la paix et l’amour dans les drogues psychédéliques. Pendant ce temps, la révolte gronde dans les ghettos, où la population afro-américaine réclame l’égalité des droits. Des émeutes éclatent dans les grandes villes malgré les appels au calme du pasteur Martin Luther King. Dans ce contexte explosif, une organisation terroriste tente de profiter du chaos pour déclencher une nouvelle guerre civile. De Chicago à la Californie, en suivant la mythique route 66, les agents MacGuffin et Alan Smithee traversent une Amérique plus désunie que jamais alors que s’affrontent les Black Panthers et les membres du Ku Klux Klan.


Entre la Route 66, Mai 68 et Woodstock 69, le chaînon manquant était peut-être l’été 69. Un été calciné, complètement délirant entre les activités fun et ne touchant plus terre et des projets criminels stressants et montant à la tête. Capable du meilleur comme du pire, c’est ce Summer of love qui voit aussi la haine ne pas se tarir, entre Chicago et San Francisco, en passant par Nogales, qu’ont choisi d’explorer les deux auteurs en y emmenant leurs drôles d’espions… séparément. En effet, Mère-Grand, le patron du S6, a choisi d’éloigner ses deux stars, son couple mythique, du moins à la scène… de crime. Car Smithee ignore jusqu’au prénom de sa « délicate » (hum hum, si vous pensez la tenir en respect, n’ayez pas une seconde d’inattention) partenaire.

Même si, naturellement, j’avais lu les deux précédents opus de cette série, difficilement distribués chez nous, par-delà l’Atlantique; je pense que ce troisième tome (d’ailleurs sans numéro sur le dos de ce premier album made in « Le Tiroir ») demeure une bonne porte d’entrée dans l’univers coloré, bourré d’humour et d’action de ces deux agents très spéciaux, globe-trotteurs, et de leurs acolytes d’un moment ou pour plus longtemps. Comme Morisset, qui tient du sparadrap cher au Capitaine Haddock pour notre ami Smithee, ou Penny Lane, la Smithee Girl, surentraînée membre du FBI. Oh, du côté de cette Brigitte Bardot qui aurait fait Mata Hari, il y a bien un certain Wilhelm Scream qui tente bien d’être un MacGuffin Boy. Sans oublier les nombreux caméos et clins d’oeil qui parsème cet album avec délice : l’Inspecteur… Larry, Tuco, Charles Manson et même Squiddly la pieuvre, dans un strip qui amène une bonne dose de nostalgie Hanna-Barberesque. Les deux auteurs le font avec respect mais aussi en iconoclastes réjouissants.


Tous ces personnages, naviguant à la frontière des arts, rendent pétillant et souriant cet album sans pour autant détourner l’attention (et il faut en avoir pour capter tous les détails et les événements qui se passent en avant- comme en arrière-plan) d’une intrigue maligne et rondement bien menée, pour ne pas dire menée en trombe, à tombeau ouvert. En dessoudant leur binôme magique, Viau et Duguay ont l’occasion d’explorer deux fils rouges : la disparition d’une jeune Afro qui pourrait avoir été témoin d’un meurtre déterminant pour mettre le doigt sur un fauteur de trouble et le trafic d’une nouvelle drogue. Le tout parsemé de retournements de situation rocambolesques.


Le meilleur est sans aucun d’avoir choisi Angela Davis comme « grande méchante » (du moins dans son jusqu’au-boutisme pour arriver à ses fins et faire respecter la cause noire). Hé oui, quand on vous dit que le duo de créateurs est iconoclaste. Ils font d’autant plus ce choix tranché et politiquement incorrect (même si c’est un monde d’espion, il se peut que ceux qu’on présente comme bons soient aussi un peu mauvais), qu’à aucun moment il ne déforce cette cause. Dans cette guerre complètement folle, bestiale et flattant les plus bas instincts, entre Ku Klux Klan et Black Panthers, Michel et Guylain ne choisissent pas de camp, et s’ils font appel à quelques coups plus hauts que bas (quand on voit à quelle hauteur MacGuffin est capable de porter son coup de pied), c’est l’apologie de l’amour et de la joie qu’ils font. Dans ce ton Astérix au temps des espions, le train de Guylain Duguay est infatigable, impressionnant pour faire bouger tous les coins de case et faire ressentir le feu que boutent ces crapules de racistes, une explosion qui fait trembler tout l’album ou le crash contre un tram d’un caddie transformé en bolide.

Sans ratés, sinon ceux voulu par les deux as. Y compris dans leur gestion des décors et cette manière de nous y promener, cette série est de plus en plus impressionnante ! Avec, en sus, une bande originale qui déboîte ! Allez, on vous en met un bout !
Le duo infernal ne s’arrête pas en si bon chemin, le tome 4 intitulé Le testament du Che est en préparation et les deux premiers albums de MacGuffin & Alan Smithee devraient être réédités dans les prochains mois par les mêmes Éditions du Tiroir. On vous a déjà dit qu’elles avaient bon goût ? Ah oui? Ah bon! Pas étonnant.

Série : MacGuffin et Alan Smithee
Tome : 3 – Summer Love
Scénario : Michel Viau
Dessin et couleurs : Ghyslain Duguay
Genre : Action, Espionnage, Parodie
Éditeur : Les Éditions du Tiroir
Nbre de pages : 64
Prix : 16€
Date de sortie : le 27/11/2020
Extraits :