Au coeur de la vague COVID-19, Patrick Chappatte en sous-marin dans une Suisse en proie à l’épidémie

À l’heure où se multiplient les albums en « hommage » à l’année Covid, avec des dessins plus ou moins inspirés, de la part des ténors comme des nouveaux venus, Patrick Chappatte, le virulent dessinateur de presse suisse (du Temps au Boston Globe en passant par Der Spiegel et le Canard enchaîné), y va de son album particulier, essai hybride entre dessins publiés au cours de l’année et journal de bord en BD, beaucoup plus sérieux, comme fil rouge. Un album de mémoire pour ne pas trop vite oublier, quand tout sera terminé, ce que nous avons vécu et ce qui nous pend peut-être encore au nez dans le futur.

© Chappatte chez Les Arènes

Résumé de l’éditeur : De mars à août 2020, Chappatte a tenu un journal dessiné de l’épidémie de Covid-19. Urgentistes, épidémiologistes, personnel soignant et personnel de service en sont les principaux protagonistes. Le dessinateur porte un regard sincère et poignant sur ces « combattants » de l’ombre. Si l’histoire se déroule à Genève, sa portée humaine est universelle. C’est aussi un hommage aux malades et à leurs proches.

© Chappatte chez Les Arènes

Comme on ne peut pas faire exploser la couleur, partout tout le temps, sur cette sinistre période que fut 2020, c’est dans des nuances de gris peu ou prou colorées que Chappatte déballe sa vie au temps du Covid. La nôtre aussi. Car de son petit bout de Suisse, dans le quartier au sang chaud des Pâquis, à Genève, le dessinateur a l’habitude de voir le monde en grand, de créer des dessins qui feront mouche « all around the world » sur les actualités du jour, d’un bout à l’autre de la planète. Et, en 2020, y’avait-il un sujet plus universel, passe-frontières, que le Covid ?

© Chappatte

Passant d’un monde de contacts à un autre à distances gardées, du jour au lendemain, le Genevois a très tôt eu l’idée de se dégager du temps (avec l’accord des rédacteurs en chef des quotidiens pour lesquels il travaille) pour faire son journal de bord de ces mois bientôt détestés. Dès les prémisses, Patrick Chappatte est ainsi alerté de la dangerosité de la situation par un interlocuteur de choc, le docteur Didier Pittet (le papa d’un gel hydroalcoolique, il y a près de trente ans, qui n’imaginait jamais que celui-ci se retrouverait un jour dans toutes les mains), au four et au moulin à l’hôpital de Genève et bientôt appelé en renfort par Emmanuel Macron pour gérer la crise sanitaire avec d’autres experts indépendants.

© Chappatte chez Les Arènes

Tantôt au-dessus de la vague, tantôt en dessous (parce que très tôt atteint de fortes fièvres laissant craindre le Covid), l’auteur ne confie pas uniquement le sort de son album à son ami médecin-chef mais, avec les moyens du bord, par téléphone ou en « présentiel » (nouveau mot parmi les plus utilisés cette année), réunit un joli échantillon des personnalités de l’ombre qui ont oeuvré nuit et jour pour que cette pandémie soit la moins dévastatrice possible. Malgré qu’elle le fût. Avec des regards différents, au coeur des urgences, près des infirmiers mais aussi des patients (dont parfois la dernière heure est trop vite arrivée), mais aussi face à une société mise à l’arrêt, cloisonnée mais pas pour tout le monde (quand les MSF se déploient dans des pays plutôt exotiques pour eux… la Suisse, la France, l’Italie…), Patrick Chappatte livre un reportage à chaud, pas à froid, avec des vrais morceaux d’humanité et des témoignages de l’absurdité de ce qu’il se passe.

© Chappatte

Quand les animaux retrouvent les espaces urbains désertés par l’Homme et que des parents divorcés doivent prendre, à travers bois, le chemin des contrebandiers pour retrouver la garde de leur enfant… quitte à se faire pincer. Car oui, en Suisse, il y a, en temps normal, beaucoup d’aléas d’un côté à l’autre de la frontière. Puis, il y a cette précarité qui a montré un peu plus son visage dans les grandes villes suisses dont le dessinateur n’oublie pas de parler.

© Chappatte

On regrettera juste, sur certaines rencontres dessinées, sans aucun doute pour le confort du lecteur, que l’auteur et ses contacts soient rapprochés, sans masque. Un petit astérisque (comme à la télé) pour éclairer les circonstances de ses rencontres et les précautions prises n’aurait pas été de trop. Même si, en bonne intelligence, on sait que l’auteur n’a pas joué avec le feu et eu un comportement allant à l’encontre de son propos.

© Chappatte chez Les Arènes
© Chappatte chez Les Arènes

En fait, plus que l’album best-of (ou worst-of) de l’année, le Suisse réussit l’habile prolongation de ses dessins humoristiques. Avec son esprit de synthèse, cette manière d’être pointu tout en étant simple, d’être au plus près de l’os tout en s’autorisant de belles et fortes métaphores, l’auteur ne cherche pas à faire le tour de la question mais livre son ressenti tout en l’aiguillant avec du fond et la parole des hommes et femmes du front. On attend désormais, pourquoi pas, la deuxième partie de ce journal de bord qui s’arrête en septembre dernier.

© Chappatte chez Les Arènes

C’est en tout cas la BD la plus passionnante à ce jour sur le Covid.

Titre : Au coeur de la vague

Sous-titre : Reportage dessiné

Récit complet

Scénario, dessin et couleurs : Chappatte

Genre : Dessin de presse, Documentaire, Enquête, Interviews

Éditeur : Les Arènes, Le Temps et Courrier International

Nbre de pages : 124

Prix : 22€

Date de sortie : le 04/11/2020

Extraits : 

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