Trois traits sûrs d’eux marqués par le bout d’une épée ont suffit à écrire le début de la légende. Un cavalier, une identité secrète cachée sous un masque (remonté, lui, au dessus du nez), et le mythe prenait un visage et une moustache. Parti de la Louisiane espagnole, Zorro sur son fidèle Tornado ont marqué l’imaginaire populaire mondiale. Pour les grands et les petits aussi, le héros de Johnston McCulley intégrant même des séries d’animation. Il y a eu des films à la pelle, plusieurs romans et bien sûr une série que les chaînes tv du monde entier se repassent. Mais, mine de rien, Zorro et Don Diego de la Vega n’était-ils pas, ces dernières décennies, en train de chercher un second souffle, supplanté par des héros moins à cheval et plus modernes ? Chance, ils reviennent de plein fouet par la grâce et la force de Pierre Alary, de retour aux sources du Z… L’autre Z que le Neuvième Art ait connu.

Résumé de l’éditeur : Madrid, 1848. Don Vega, héritier d’une riche famille californienne, reçoit une lettre lui annonçant le décès de ses parents. L’auteur du courrier, le père Delgado, l’incite à rentrer « dans les plus brefs délais ». À son retour, Don Vega découvre que le domaine familial est désormais géré par un ancien général, Gomez. Celui-ci s’appuie sur Borrow, une brute sadique et sans scrupules, pour mettre la Californie en coupe réglée en rachetant des terrains à bas prix afin de les revendre plus cher. Des peons ont le courage de se révolter. Le visage couvert d’une cagoule, ils se réclament d’« el Zorro », un mythe populaire local. Le peuple les voit comme des héros. Don Vega décide de suivre leur exemple : il revêt un costume noir et est bien décidé à faire payer les spoliations commises envers sa famille. La légende de Zorro est en marche…

Un chevalier au galop, une ombre noire au tableau. Un membre du Ku Klux Klan, le fantôme noir de Mickey… Non, Don Vega. Qui ça ? Don Vega. Mais l’auteur aurait dézoomé un peu sa couverture, vous auriez vu le grand Z sur lequel le héros se dessine. Mais, justement, si le Z se dévoile avec un peu d’imagination, c’est avant tout pour que le regard reste braqué sur le héros, pas encore mangé par son initiale, sur sa genèse.

La légende a voulu que Zorro, ce soit Don Diego De La Vega, mais il n’a fait qu’écrire la suite de l’Histoire de tous ses autres innocents qui, un jour, ont mis le masque et pris les armes, ne fût-ce qu’un bâton, pour défendre leurs petits biens, leurs familles. Car loin des yeux de l’Europe, la Californie est devenue une terre de fripouilles. Des fieffés hommes d’affaires qui ont bien compris que ces territoires morcelés pouvaient être acquis par la manière forte, expropriés, pour ensuite leur permettre de spéculer. Les mines d’or ? Que du bonus ! Et pour ceux qui entendent s’opposer ? La répression est faite pour s’en servir, ne lésinant pas sur les morts, violentes. Bien sûr, des hommes se lèvent, ont envie de résister, de chasser ces « cabrons », mais force est de constater que le mouvement est informe et mal organisé, maladroit. Aviné, parfois, aussi.

C’était sans compter le retour au pays d’un homme. Un accident a pris la vie de ses deux parents et Don Vega est obligé de revenir chez lui, alors qu’il suivait des études à Madrid. Sans passer par la case succession, le général Gomez pourrait bien s’arroger les terres.

Après avoir adapté le diptyque Mon traître – Retour à Killybegs dans la retenue et la finesse, Pierre Alary utilise cette dernière pour défoncer le papier comme il aime aussi le faire. Après Sinbad, Conan ou encore l’univers de Photonik (dont il signe une histoire inédite dans Les Origines du docteur Ziegel qui vient de reparaître chez Black and White); Pierre Alary retrouve sa fine lame d’actionner, sans oublier les larmes. Dans le sang et les cendres, avec sa puissance de feu, l’auteur complet livre un album intense et foudroyant dans un monde où certains n’ont pas besoin de tissu (rudimentaire, ici, pour cette première incarnation du renard) pour porter un masque. Pour sauver leur peau, certains sont ainsi prêts à frayer avec l’ennemi pour limiter leur casse. Puis, chez ces vilains aussi, certains petits secrets sont à un chouïa d’exploser.

Avant d’être un héros, Don Diego de la Vega agit en révélateur. Ce qu’en fait Pierre Alary, sous ses couleurs tellement vivantes et pourtant retenues pour ne pas partir dans tous les sens, est (d)étonnant, malin. Il réenchante un mythe qui a sans doute subi le revers de la médaille de son universalité et est parti en live, dans de drôles de directions. C’est sûr, s’il y avait possibilité pour Dargaud de tirer une série de ce qui est annoncé comme un one-shot, on a bien envie qu’Alary ne lâche pas la bride.

Bonus, pour les collectionneurs et ceux qui ont envie de se faire plaisir, les Éditions Black & White préparent une édition qui s’annonce somptueuse.
Titre : Don Vega
D’après le personnage créé par Johnston McCulley
Récit complet
Scénario, dessin et couleurs : Pierre Alary
Genre : Aventure, Cape et Épée
Éditeur : Dargaud
Nbre de pages : 96
Prix : 16,50 €
Date de sortie : le 02/10/2020
Extraits :