Pour son premier album de BD paru chez nous (même si son langage est universel), à 52 ans, Joris Mertens livre une petite merveille et nous emmène dans la vie de Béatrice. Dans sa bulle sans phylactère. Une héroïne qui n’en est pas vraiment une, effacée dans un train-boulot-dodo sous lequel elle plie mais ne rompt pas. Même si elle a des aspirations et des rêves qu’elle a étouffés, rendu muets. Peut-être que comme au cinéma, ou en BD, par la magie des images, tout va se réaliser.

Résumé de l’éditeur : Béatrice est vendeuse au rayon gants d’un grand magasin. Chaque jour elle prend le train pour se rendre au travail. Dans la cohue de la gare, un sac à main rouge attire son attention. Jour après jour, à chaque passage dans la gare, il semble l’attendre. Succombant à sa curiosité dévorante, Béatrice, en emportant l’objet chez elle, ouvre les portes d’un monde nouveau loin de sa routine quotidienne et qui la transporte dans une autre époque. Béatrice pourra-t-elle revivre une autre vie et pour combien de temps ? Le mythe de Faust n’est pas loin.

Entre le palais de la pantoufle et l’Eau de Cologne, à l’heure de pointe dans cette ville joliment désuète, il y a tellement de monde que Béatrice a fini par se faire une raison : le bonheur n’est pas pour tout le monde. Elle n’est de toute façon pas la seule à ne pas avoir gagné le gros lot, un petit lui aurait suffi notez, à voir les mines renfrognées de ceux qui se partagent les wagons de fin de journée à ses côtés. Et chaque jour, tout recommence de plus belle. De plus laide. Elle est jolie Béatrice sous ses lunettes, avec son manteau rouge, bien plus naïve et simple que les dames sophistiquées qu’elle sert à La Brouette, grand magasin de luxe qui, à chaque étage, déroule le tapis rouge à ses clients. Peut-être manque-t-elle de charisme, Dame Béatrice, personne ne la remarque. Elle vit, mange, dort seule, inlassablement seule.

Pourtant, du monde qui s’offre et se dérobe à elle, Béatrice ne perd pas une seule miette. Et elle a bien remarqué ce banal sac rouge, comme son manteau, qui n’en finit plus de traîner sur le quai du train qu’elle prend tous les jours. Le flot des navetteurs passent et repassent, mais le sac reste là. Avec son secret. Bien tentant pour Béatrice. Mais elle n’est pas une voleuse… Enfin, si elle n’est qu’une trouveuse, que pourrait-il lui arriver ? Sinon la grande aventure.


Y’en a qui vive leur vie par procuration devant leur poste de télévision, Béatrice, elle, va trouver dans le sac un album photo dont elle ne va plus se lasser, qui lui collera à la peau et aux idées. À l’intérieur, un couple de rêve. Des stars de cinéma? Pourquoi pas ? Bon, ils se sont sans doute fanés depuis le temps. Combien de temps a passé depuis les clichés ? Vingt ans, trente ans ? Mais s’il y a bien quelque chose qui ne trompe pas, ce sont les bâtiments dans lesquels les deux anonymes reconnus ont frayé. Béatrice, certaine de tenir là, peut-être, le rôle de sa vie, se lance dans le jeu de piste. Un sens à sa vie, même s’il y a des cul-de-sac sur son chemin.

Joris Mertens est une révélation. Se privant des dialogues (pas du texte, partout, tout le temps sur les enseignes des magasins de cette ville-lumière), l’auteur flamand doit tout faire passer par les autres armes du Neuvième Art : le dessin… et les couleurs ! Ces dernières ont une importance capitale dans le monde de sensations auquel Joris Mertens nous convie. En 109 planches qui sont autant de cartes postales d’un paradis perdu, l’auteur donne à son héroïne quelques minutes de célébrité, un quart d’heure de gloire, immortelles et puissantes.

Titre : Béatrice
Récit complet
Scénario, dessin et couleurs : Joris Mertens
Genre : Drame, Fantastique
Éditeur VF : Rue de Sèvres
Éditeur VO : Oogachtend
Nbre de pages : 105
Prix : 19€
Date de sortie : le 04/03/2020
Extraits :
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