« L’immense épopée indienne en BD », lit-on sur le bandeau accompagnant ce gros roman graphique, c’est ambitieux, non ? Oui mais c’est aussi la réalité. Le Mahâbhârata – on ne vous en veut pas de l’écorcher une cinquantaine de fois avant de pouvoir le prononcer correctement -, le plus long poème du monde, est bien immense. Soit quinze fois la Bible, rien que ça. S’il est parvenu jusqu’à nous, c’est avant tout grâce à Jean-Claude Carrière qui, en 1985, adaptait pour le public francophone ce récit fondateur de la mythologie hindoue et en faisait un spectacle de neuf heures au Festival d’Avignon. Trente-cinq ans plus tard, Jean-Marie Michaud s’est acharné durant trois à retranscrire toute la puissance de cet hydre, ce récit à plusieurs têtes et fascinant.

Résumé de l’éditeur : Ce « grand poème du monde » raconte la longue et furieuse querelle dynastique qui opposa deux clans de cousins à 5 contre 100. Il compte seize personnages centraux dont Krishna, avatar divin descendu sur terre, qui apparaît là pour la première fois dans la mythologie indienne et qui n’a encore rien de l’enfant espiègle ou du joueur de flûte qu’on connaît. C’est lui qui apporte néanmoins la Bhagavad-Gîta où il exprime l’amour divin pour l’homme.

442 pages, c’est dire s’il y a de quoi s’occuper quelques heures dans ce roman graphique guerrier mais philosophe édité, comme un pari, par les Éditions Hozhoni. Guerrier, Jean-Marie Michaud a dû l’être pour venir à bout de cet immense pavé mais aussi pour synthétiser une histoire avec tellement de ramifications. Cette guerre de Troie hindoue.


À la lecture de ce poème qui trouve désormais des images fascinantes et puissantes, on en vient à se demander pourquoi ce pan de la mythologie asiatique n’a pas pu rivaliser avec les célèbres et plébiscitées mythologies gréco-latines voire égyptienne. Tous les ingrédients sont réunis – passion, rivalité, dieux charismatiques, tragédie… -pour marquer les esprits et avoir envie de creuser plus loin toutes les pistes lancées par Carrière que se réapproprie de manière moderne (avec même quelques clins d’oeil anachroniques) mais ancestrale Jean-Marie Michaud.

L’auteur de BD réussit un prodige, sans doute avec la bénédiction de Ganesha, Krishna et Shiva, de lisibilité. Car, dès la double-page d’introduction, qui met en scène une ribambelle de personnages centraux à faire rougir Game of Thrones, on peut frissonner à l’idée de se lancer, de se perdre, dans la lecture. L’album est irrésumable, il faut le vivre, dans ses tensions et ses tractions, dans ses conflits familiaux et politiques. Avec, en guise de clé de voûte, une partie de dés truqués qui va créer la brèche et le conflit, générationnel. C’est Caïn et Abel puissance mille, une famille qui se divise et s’étripe, à force de pouvoirs magiques et de revers.



Chacun de cette foule de personnages à sa raison de se battre, son intérêt ou sa blessure à faire cicatriser avec le sang des autres. Entre violence et amours, Jean-Marie Michaud génère le combat avec une précision dantesque, une rage hors-norme mais n’oublie pas les leçons à retenir de l’Histoire, qu’elle soit fictive ou réelle. Avec un réel intérêt pour ce qui restera, les enfants, espérant le futur moins fratricide. Et pour les femmes, aussi, fortes.

S’interrogeant aussi sur la trace que laisse un narrateur sur l’histoire qu’il raconte, ne voulant pas tout dire et laissant de la matière, qui sait, pour faire un deuxième acte qui reviendrait sur les petites histoires annexes, Jean-Marie Michaud livre là une sacrée carte de visite et de voyage.

Titre: Le Mahâbhârata
Récit complet
D’après le poème hindou et la version de Jean-Claude Carrière
Scénario, dessin et couleurs : Jean-Marie Michaud
Genre : Drame, Guerre, Fantastique, Mythologie
Éditeur : Hozhoni
Nbre de pages : 440
Prix : 35€
Date de sortie : le 24/10/2019
Extraits :
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