La sauce a pris et Glénat continue sa conquête des mondes (et des personnalités) de Conan et Robert E. Howard. Pour passer le cap du neuvième album, le commandant Gess a fait une pause dans ses contes de la Pieuvre pour mettre le cap et les armes vers Zamboula, une ville-monde où le pire côtoie le pire. Mais n’empêche pas la fascination. De quoi donner corps à l’une des plus sulfureuses aventures du Cimmérien.
En ces temps de pandémie et de confinement, l’envie sera grande de se procurer de bonnes lectures. Épanchez la seulement ! Mais privilégiez les commandes en ligne auprès de vos libraires habituels plutôt que d’un célèbre géant du web. Vous pouvez vous rendre sur ce site, par exemple => www.lalibrairie.com.

Résumé de l’éditeur : Carrefour de croyances, de langues et de cultures, la mythique cité marchande de Zamboula est également le théâtre de nombreuses et sombres légendes. Sur place depuis peu, Conan est averti des dangers de la demeure d’Aram Baksh. On raconte que la plupart des étrangers qui y séjournent disparaissent dans des circonstances obscures… cela tombe bien, c’est justement ici que le cimmérien a décidé de passer la nuit ! Mais en levant le voile sur ces mystérieuses affaires d’enlèvements, Conan va découvrir un autre secret, plus terrible encore, lié à l’ensemble de la cité de Zamboula…

C’est peu dire qu’on comptait impatiemment sur celui-là. Tant Gess, ces dernières années n’a cessé de s’imposer comme un auteur incontournable, avec un style très indé chez des éditeurs grand public. Son oeuvre est vénéneuse, intrépide, inquiétante, époustouflante. Et on l’attendait au tournant de cette oeuvre parmi les plus commerciales de Robert E. Howard. Les plus dérangeantes. Le fidèle Patrice Louinet en explique d’ailleurs la genèse et les ressorts dans la postface toujours riche qui temporise l’album avant quelques hommages bien sentis d’auteurs de tous les horizons.

Esclavage, représentation scandaleuse de cannibales afro-stéréotypés, héroïne ramenée à la nudité et réduite à la séduction pour faire avancer le schmilblick, dans cette nouvelle aujourd’hui adaptée en BD, Howard sacrifie le tout à l’action et au fantasme pour donner la trique à son éditeur et gagner son illustration de couverture du Weird Tales, magazine mythique accueillant les aventures du Cimmérien.

Dans les faits, Conan-la-déveine apparaît ici comme mauvais au jeu mais audacieux dans la chair, complètement désinvolte. Dans cette inénarrable Zamboula, l’aventurier-mercenaire, un peu voleur, semble comme un poisson dans l’eau, confiant. Son histoire, elle a déjà été vécue, toujours pour plaire à son éditeur, Howard l’a en réalité resucée d’autres intrigues ayant occupé des frères de papier de Conan : El Borak et un autre, dans un policier. Rien n’est ficelé, tout est ici à l’avenant. Shadows in Zamboula n’a pas marqué les mémoires.

Mais voilà que Gess l’utilise pour nous brûler les yeux, comme on se prend de plein fouet ces nouvelles punchlines graphiques. Gess propose le chaînon manquant pour composer une symphonie majeure sur les débris de l’imagination d’Howard. Dès le départ, suivant une colonie de dromadaires traînant leurs âmes damnées, enchaînées, Gess situe, comme dans un mirage, son action. Très vite, on se balade entre les quatre hauts murs de cette oasis vicieuse au milieu du désert: Zamboula. Dans les détails, ce diable de Gess semble avoir mis mille ans. Pour situer l’action, l’auteur en impose, pas uniquement dans la musculature de son héros bientôt pris dans un engrenage façon Auberge rouge. Chez Aram Baksh, on rentre avec le sourire, mais on n’est pas sûr d’en sortir.

Succube couronnée et grands tours de magie, mentalisme et gros coups de lames, voilà qui peuplent cet album maîtrisé de fond en comble, de front en tripes. Gess fait usage de tout son magnétisme pour nourrir et donner un surplus de sens, celui de l’action et du pur divertissement amoral, à une oeuvre archaïque et représentant la pensée d’un autre temps. On ne pardonnera pas à Howard d’avoir vendu son âme aux démons mais Gess est un dieu ! En dépit de toutes les faiblesses scénaristiques d’un écrivain en délicatesse (mais aussi parce que son éditeur lui avait refusé au moins une autre histoire plus évoluée), voilà sans doute mon épisode favori de cette série. Pourtant, sauf exception (La citadelle écarlate, deux crans en dessous), le niveau est très haut.

La suite, elle, nous emmènera dans une autre taverne pour La maison aux trois bandits. Conan y prendra de la hauteur, poussé par Patrice Louinet et Paolo Martinello. Extraits:
D’après l’univers et les nouvelles de Robert E. Howard
Récit complet
Tome : 9 – Les mangeurs d’hommes de Zamboula
Scénario, dessin et couleurs : Gess
Genre : Aventure, Érotisme, Fantastique
Éditeur : Glénat
Collection : Grafica
Nbre de pages : 60 (dont 12 pages de cahier bonus réservé à la première édition)
Prix : 14,95€
Date de sortie : le 11/03/2020 (version en noir et blanc parue le 18/03, à 29,50€)
Extraits :