Hercule ! Ce seul nom réveille à lui seul le souvenir des démons antiques qu’un formidable héros, musculeux et invincible conjura à jamais. Pourtant, vous n’y êtes pas. Hercule, c’est le frêle nouveau personnage, cancre sur les bords, que Vincent Zabus a créé avec Antonello Dalena. Un héros tout bleu (et ce n’est pas un Schtroumpf) qui vit sur une autre planète mais va à l’école comme tout le monde. Une école qui force à voir plus loin que le bout de son nez, à prendre contact avec les terrien et même à leur venir en aide. Bref, ce n’est pas la guerre des mondes, même si Hercule et son ami, Marlon, doivent se méfier, le danger guette. Nous avons rencontré Vincent Zabus pour échanger autour de cette nouvelles série divertissante mais aussi enrichissante.
(Photo de couverture signée Jean-François Flamey)
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Bonjour Vincent, vous êtes un homme fidèle à vos dessinateurs. Cette fois, c’est en compagnie d’un nouveau venu dans votre monde que vous donnez naissance à Hercule, agent intergalactique. Antonello Dalena. Comment l’avez-vous rencontré ?
Je le connaissais pour l’avoir lu sur une série comme Ernest & Rebecca mais ça s’arrêtait là. Son nom est sorti d’une proposition de mon éditeur. Il réalise deux albums par an et avait des envies de série jeunesse un peu différente.
Comme vous. Après Agathe Saugrenu et Le monde selon François, peut-être vous adressez-vous à un lectorat un peu plus ado ?
C’est vrai que ça faisait longtemps que je n’avais plus écrit pour la jeunesse. Depuis qu’Agathe Saugrenu et Le monde selon François s’étaient arrêtés. Mais si Agathe Saugrenu était typiquement pour les plus petits, avec Renaud sur Le monde selon François, nous concevions cette série comme tout public. Ça me plaisait en tout cas d’y revenir mais aussi de toucher à un autre univers graphique.

Et du coup, vous avez mis votre combinaison et êtes parti dans l’espace. Sans perdre terre.
C’est vrai pour le premier tome mais dans les suivants, l’aventure devrait se dérouler dans l’espace, uniquement. La science-fiction permet de traiter des sujets de société. En inventant d’autres univers, des agents aident le lecteur à transposer ce qu’il se passe dans notre quotidien. Situer les choses dans l’espace, ça permet de traiter les choses de manière métaphorique. En plus, c’est gai de le faire avec un dessinateur d’humour. Ce que nous cherchons à faire, ce n’est ni quelque chose de didactique ni de réaliste. Il ne fallait pas que le sujet soit si fort qu’il prenne toute la place.

Dans le tome 2, ainsi, nous aborderons la thématique des migrants. Le vaisseau de nos héros croisera une colonne de migrants. Les deux bâtiments spatiaux se télescoperont et la question se posera. Faut-il ou pas faire rentrer ces échoués ?
Je pense qu’il y aura une sorte de suspense à la Alien avec cette tension : l’étranger est-il dangereux ou pas ? Faut-il s’en méfier ?
Qu’est-ce qui vous intéresse dans une histoire ?
Allier des intentions. Premièrement, l’aventure et l’action, le suspense. Deuxièmement, l’humour. Dans Hercule, c’est notamment le personnage de Marlon qui amène cette dynamique. Puis, dernièrement, il me faut du sens, de l’émotion. Margot, la fille du frigo, qui donne le titre de ce premier album, me donnait matière y mettre de l’émotion. C’est une gamine qui cherche à tout prix à mettre de la distance par rapport à ce qui lui arrive. La question est : comment les enfants affrontent-ils leurs peurs ?

Vous revenez aussi à un format de série. Ça faisait longtemps.
Dans une série, il y a cette possibilité qu’il n’y ait pas de fin tout de suite. La série pose la question du comment se renouveler. L’espace, ça a quelque chose de rassurant pour le scénariste. Il y a tellement à explorer. Tome par tome, je peux traiter les sujets qui m’importent, en prenant le biais d’amuser les enfants. Comme dans les westerns, les policiers, les gros genres qui permettent de mettre le traitement de l’aventure sur ce qu’on veut raconter. Il y a eu de grandes séries prenant l’espace comme terrain de jeu : Valérian, L’Incal. Ces dernières années, ça s’était calmé.
Moi, j’ai l’impression que ces derniers mois, il n’y a eu que ça… ou presque. Parce qu’on a célébré les cinquante ans de l’homme sur la Lune, peut-être ?
C’est vrai. Mais cette histoire, je l’ai écrite il y a quatre ans, en fait. Le temps de la mettre en oeuvre et…
Hercule, ça évoque un héros mythologique. Le vôtre n’est même pas un outsider, c’est un loser, pas bien épais, facilement ratatinable.
J’ai eu difficile à lui trouver un nom. Puis, Hercule s’est imposé. Notamment parce que c’est un prénom connu. Puis, surtout, parce que l’idée que le lecteur va se faire du héros, c’est qu’il est tout… sauf un Hercule. Il est plus jeune, plus petit, il a le sentiment de ne pas être à la bonne place. J’aime beaucoup user du décalage, entre ce nom de grand costaud et le sentiment que le personnage peut avoir de l’intérieur.

Dalena, c’est du dessin animé sur papier qu’il fait, non ?
On sent qu’il a de la bouteille, qu’il a été écolé. Il a travaillé dans le dessin animé. Son dessin a la qualité de l’animation, ça bouge bien.
Avec une petite touche de Monstres et compagnie ?
C’est vrai que le personnage de Marlon a des références de dessin animé, un héritage. Dans mon cas, l’inspiration vient plutôt de Myazaki : comme la directrice de l’école des sorcières. En fait, mon influence est triple : la BD franco-belge, le dessin animé et le manga.
Mes albums, j’essaie de les rendre vivants, en pensant à des blagues et des émotions pour les jeunes mais en espérant que le lecteur adulte puisse y trouver son compte et trouve l’ensemble intéressant.

Cet album, il va sortir en Italie ?
Je ne sais pas. Dalena est italien, il vit à Rome. Et si Macaroni ou Les petites gens ont été traduits, comme Magritte en six langues dont le Chinois, ce n’est pas automatique. Je ne suis pas une pointure dont tous les albums sont traduits.
Avec Dalena, j’ai peu de contacts. Je ne parle pas italien et lui pas français. Nous avons communiqué deux fois par Skype et nous ne nous sommes jamais vus.

Et pourtant le lecteur n’y verra que du feu.
C’est difficile d’être loin, de ne pas se parler. La barrière de la langue m’inquiétait. J’avais peur qu’en poussant l’explication de ce que je voulais, nous ne nous comprenions plus. Mais, Dalena comprenait bien mes intentions. Il connaît bien la BD et il traduit bien ce que j’écrivais. Il y a eu peu de problèmes. Oui, il a fallu parfois bidouiller mais ça fait partie du travail.
Vous faites des allers-retours entre le théâtre et la BD. Votre écriture a-t-elle du coup changé ?
Oui, forcément, mon écriture a changé. Mais j’ai toujours écrit pour les jeunes, quand j’étais à l’école ou au Théâtre des Zygomars. Je pense avoir fait des problèmes techniques. Ce n’était pas si évident de tout caser dans un nombre de pages limités, je me suis aguerri.

Mais, de plus en plus, j’essaie d’écrire pour le dessinateur. Pour donner vie à Hercule, j’ai beaucoup lu la série des Ernest et Rebecca que Dalena avait réalisée précédemment. Le découpage. J’ai vu qu’il était bon dans le burlesque. Et il y a de ça. Marlon, c’est un peu Libellule, Crouton ou encore Averell. Au goût du jour, c’est le genre de caractère qui peut convenir. Puis, Dalena a le sens des expressions, les oreilles de Marlon peuvent ainsi faire plein de trucs. Mais, il faut faire attention, si ce n’est pas aussi comique qu’on le pense, ça tombera à plat.
En fait, j’aime être fidèle dans le travail… sauf si ça se passe mal, bien sûr, mais ce n’est jamais arrivé. Bien souvent, des liens humains se créent, nous devenons amis. Le dessinateur du moment devient une personne que je connais et apprécie. Après, chaque collaboration est différente. Mais il est important de comprendre son dessinateur. Si chacun avec qui je travaille porte le même titre, tous ne font pas la même chose. Comme le scénariste qui écrit une histoire, oui… mais… Ce travail, c’est apprendre à se connaître, à se surprendre comme dans un couple. D’ailleurs, il y a de la drague, ça prend du temps et ce n’est pas facile de trouver un dessinateur. Il faut se donner confiance.
Votre écriture BD a-t-elle changé grâce au théâtre ?
Au théâtre, tout se passe par dialogue, chaque acteur à sa façon de parler. En BD, il faut que le lecteur sente que le personnage parle différemment. C’est le scénariste qui dit les choses pas le personnage. On ne peut pas parler de manière illustrative. Puis, il faut visualiser. Je vois des trucs quand je découpe mes albums, mais ce ne sont jamais les mêmes que le dessinateur me donne à voir. Les imaginaires visuels se nourrissent.
Qu’est-ce qui a séduit ce dessinateur ?
Le fait de recréer des ambiances dans l’espace, de manière originale, ça l’intéressait. Ça lui donnait du grain à moudre. C’est chouette d’inventer en fonction des gens avec qui on travaille. Intuitivement au début. Comme au théâtre, avec les comédiens et toutes les équipes qui nous entourent.

Et la difficulté pour le scénariste ?
D’être dans un court couloir. Il y a la difficulté de créer un effet de série, de faire oeuvre de cohérence. Bien sûr, il faut que l’album soit fini tout en posant une nouvelle question, en participant à une dramaturgie globale. C’est complexe, il faut combiner le tout en restant lisible. En plus, les jeunes voient beaucoup de séries télévisées. Regardez Stranger Things et ses huit épisodes par an maniant un suspense de malade. Il faut que notre travail ait un intérêt à côté de cette rude concurrence. Et il faut que les téléspectateurs, en tant que lecteurs, ne trouvent pas notre initiative nulle. Ici, nous avons signé pour deux tomes. Avec la règle habituelle, si ça marche, que les lecteurs mais aussi l’éditeur sont contents des deux albums, alors nous irons plus loin.
Du coup, vous testez vos histoires ?
Mon fils, Roméo, est un peu mon cobaye. Il fait du Parkour, ce qui consiste à franchir des obstacles « naturels », qu’on trouve au quotidien sur notre chemin. Il faut être souple et agile. Je me suis renseigné, je lui ai demandé comment ça fonctionnait.

Dans ce premier tome, vous nous emmenez donc à la rencontre de Margot.
C’est une histoire que j’avais déjà pour une autre série jeunesse qui ne s’est pas faite. Du coup, j’ai mixé les deux.
Dans le tome 2 : tout se passera dans l’école des enfants avec des méchants potentiels. Tous vont tomber malades. Ça fera un peu dix petits nègres.
Dans le tome 3, s’il a lieu, j’aimerais emmener les héros sur une autre planète, avec un visuel différent. Et une mission sur le terrain. Ça peut être sympa avec la possibilité de réinventer graphiquement la série.
Vous dessinez, vous ?
Je dessine mal, mais je dessine tout en personnage-patate. Une patate et des allumettes. Pour voir si ça tient sur une planche. Ainsi, je vérifie techniquement la quantité des infos dans la mise en scène. Puis je storyboarde. Mais, je n’ai pas montré à Dalena mes oeuvres !

Et au théâtre ?
C’est un processus plus collectif, pour et avec les comédiens, le metteur en scène, le scénographe, le musicien. Avec les contraintes de la production. On peut rêver à des merveilleux décors… mais si on n’a pas les sous. Après, il arrive qu’on soit aussi son propre producteur.
En BD, la narration doit tenir dans un certain nombre de cases. Dans ce premier album, nous avons réussi à gratter deux pages en plus. Et il y a le regard de l’éditeur et la pression commerciale. Si l’album n’a pas un potentiel de ventes, la promo ne sera pas faite.
Au théâtre, il y a des subventions, certes faibles et mal réparties mais qui autorisent tout de même à prendre plus de risques.
En BD, ça marche toujours au projet, sauf si on est une super-star, on ne vend pas sur son nom.
Dans cet album, il y a aussi une vraie séquence effrayante avec de gros oiseaux noirs.
Oui, nous avons voulu y aller un peu, à ce niveau, avec un méchant, un corbeau sur une planète complètement stérile. Graphiquement, Dalena l’a rendu impressionnant. Si la série dure, nous aurons le temps de lui donner de l’épaisseur et de comprendre que s’il est méchant, il y a une raison à cela.


Justement, vous connaissez les trames des futurs épisodes à l’avance ?
Je remplis mon carnet des questions que je me pose. Par exemple le problème qu’a Hercule avec son frère, mort. Ce sera expliqué et intégré dans le tome 3. Comme le pourquoi du comment le méchant a nourri cette haine vis-à-vis de l’école. Mais ça, nous ne savons pas encore comment le dévoiler.
Comment ces deux héros se sont-ils imposés ?
J’avais l’idée de deux anti-héros, des cancres, les pires élèves de leur classe. Les plus drôles, aussi. Les adolescents aiment les personnages dans lesquels ils peuvent se reconnaître. Mais ce n’était pas tout, il fallait qu’Hercule et Marlon puissent trouver la force de s’en sortir quand même. Si le héros ne montre pas des signes de faiblesse, il me semble peu intéressant. Le héros doit être imparfait comme les lecteurs le sont. Il ne faut pas que ceux-ci se sentent nuls à côté des super-héros.





Et il y a cette poésie que dégage Margot, la jeune fille que nos deux héros vont rencontrer.
La poésie, c’est un bon moyen pour exposer le problème. Cette gamine, elle est mystérieuse dès le départ. Elle s’enferme dans le frigo, elle mange des glaçons, elle jette son chat – que, par ailleurs, elle adore – dehors. L’image est intéressante et graphiquement, cela raconte déjà. C’était un biais singulier, comme nous en utilisions déjà avec Renaud dans Le monde selon François, pour amener le sujet : la peur de perdre un être proche, se blinder pour se protéger, pour ne pas s’attacher.

Puis, autre poésie, Hercule et son vaisseau qui ressemble à un nuage et sur lequel il peut marcher.
Je l’ai dit, j’aime Myazaki et, notamment, Kiki la sorcière. J’aime le côté magique qui veuille qu’on puisse marcher sur un nuage. Quand j’étais enseignant, un enfant avait posé la question : « Mais pourquoi ne peut-on pas marcher sur les nuages? ». Dans la classe, tout le monde avait ri. Mais c’était une bonne question. J’essaie de faire rêver plutôt que de véhiculer des clichés. Je m’épargne l’immédiateté des super-héros. Oui, il y a un peu d’action et de combats mais il y a aussi de la place pour la tendresse. J’essaie d’aller chercher le lecteur avec un ton plus tendre, poétique. D’y amener ma musique personnelle, en fait.

Et votre musique personnelle habille aussi d’autres projets. Vous nous en parlez ?
Il y a L’Éveil, 80 pages que dessinera Thomas Campi. Son dessin ne porte pas sur le comique. Il est humain, il parvient à faire exister le silence, il sait comment faire résonner le violon.

L’Éveil se passe à Bruxelles, il y a deux ans, au moment de l’élection de Donald Trump. C’est l’histoire d’un jeune homme hypocondriaque, en total repli sur lui-même. Un jour, il sort de chez lui et une branche tombe presque sur lui. Il lève la tête et voit que cet arbre est comme mordu. Bien sûr, nous ne sommes pas dans un Spielberg et notre héros va se demander qui a bien pu faire ça. Ainsi, il sera guidé vers un street artist très engagé et ouvert sur le monde. Pour cette histoire, je me suis inspiré de l’aventure d’amis, des heureux allumés, qui ont tenu une quincaillerie culturelle éphémère à Bruxelles et ont généré de la vie dans leur quartier. Une expérience très intéressante, celle de changer le monde à son niveau.

Avec Thomas Campi, j’ai aussi un autre projet de polar dans les années 50.
Puis, il y a Incroyable avec Hippolyte. Un spectacle des Zygomars basé sur une BD qui n’avait pas vu le jour. Au final, je ne pensais plus le faire en BD. Puis, Dargaud a flashé. Hippolyte avait changé son traitement graphique, plus proche de Sempé.

Incroyable, c’est l’histoire d’un gamin rempli de tocs. Il est livré à lui-même chez lui et il calcule tout. À 11-12 ans, on sent bien qu’il part mal et qu’il a très peu de chance de s’en sortir dans la vie. Sauf qu’un jour, alors qu’il doit présenter un exposé devant sa classe, il oublie ses feuilles et commence à improviser.

Tellement que c’en devient intéressant et que sa professeure le sélectionne pour représenter sa classe au concours régional des exposés qui se tiendra à Namur. Nous sommes dans la Belgique des années 80’s, celle du Mexique et du Roi Baudoin. Un roi dont notre héros a fait son ami imaginaire, son super-héros. Si bien que quand il lui écrit, en grande panique, il croit que le roi va lui-même lui répondre. Mais quand il découvrira le palais royal, c’est une tout autre réalité qui l’attendra. C’est un peu iconoclaste, un récit pour les adultes mais avec un enfant. Alors qu’au théâtre, cette pièce était destinée avant tout aux enfants.
Ça, ça se situe en Belgique !
Hippolyte a même dessiné le théâtre de Namur ! Mais oui, la Belgique, ça donne un côté exotique, sympa. En plus, il y a quelques décennies, on ne pouvait pas dessiner la Belgique, des lieux trop identifiables. Parce que les magazines étaient français. Comme si on ne pouvait pas être universel quand on parle de son petit pré carré. Incroyable! ce sera un road movie de 180 pages. Bien sûr, on parlera du Big Bang, la théorie développée par un Belge, Georges Lemaître. Puis, il s’agit d’approcher ce qu’est être résilient, de s’ouvrir au monde.

Une nouvelle fois… c’est un peu le fil rouge de vos récits, non ?
J’essaie de varier les thèmes, d’être initiatique afin d’entrer plus facilement dans le récit. J’écris aussi un récit dont le personnage principal est féminin, un portrait dont le dessinateur sera Javier Casado. J’aime casser le moule, parfois, faire autre chose. Mais chassez le naturel… En tout cas, je crois qu’il faut toujours aller chercher au fond de soi ce qu’on écrit. J’ai aussi une autre idée pour Hippolyte. Puis, j’aimerais proposer en album pour enfants, 32 pages, avec le dessinateur de Je François Villon de Jean Teulé, Luigi Critone. Enfin, nous avons en projet un nouveau récit de Pascale Bourgaux, en Syrie, sur les femmes Yazidi. Nous devons le finaliser mais, pour le moment, c’est en stand-bye.
Vous faites aussi pas mal d’allers-retours entre le théâtre et la BD.
Il y a des projets pour lesquels je me suis investi à fond dans le théâtre en pensant qu’on ne pourrait jamais les réaliser en BD. Avant de me poser la question : est-ce qu’au final ça n’en vaudrait pas la peine ? Si je pense le projet pour un nouveau médial, je veux le réinventer. Quel que soit l’ordre, du théâtre à la BD ou de la BD au théâtre, la deuxième fois doit être mieux que la première, plus aboutie. Mûrie. Je veux aller plus loin, résoudre les questions auxquelles je n’avais pas répondu. Conjurer la frustration. Comme si l’aventure n’était pas finie. Avec mes deux casquettes, je suis obsessionnel, je veux aller plus loin. Et, contrairement à ce qu’on pourrait pense, ça ne va pas plus vite de refaire le même projet. Le retraiter prend autant de temps que le créer de A à Z.

Vous lisez beaucoup de BD ?
J’en ai plusieurs milliers. De tout. Je demande gentiment aux éditeurs de m’envoyer des nouveautés. Puis, je passe par l’occasion. Il me manque deux Timours ! Cela participe à un double-plaisir, en tant que lecteur mais aussi pour voir ce que font les collègues.
D’où cette passion vous vient-elle ?
De mon grand-frère, je lui piquais les siennes. Puis, très vite, je suis devenu lecteur de Spirou. J’étais abonné. Ado, je m’identifiais à Jérôme K. Jérôme Bloche ou Théodore Poussin. Puis, il y eut Ici-même de Tardi et Forest.

Et aujourd’hui ?
Christophe Blain, avec Gus, Isaac le Pirate, Quai d’Orsay. Que ce soit dans le western ou avec des pirates, il parle de la vie, des questions. Camille Jourdy, son Rosalie Blum ou Juliette: l’illustration mise au service de personnages qui tiennent la route. Là, je me suis aussi replongé dans le Pablo de Birman et Oubrerie. J’ai aussi été touché par Une Soeur de Bastien Vivès. Frédérik Peeters aussi, et Catherine Meurisse, La légèreté notamment. Avec Aude Picault, ce sont les héritières des Sempé et Brétécher. J’aime voir comment les auteurs découpent et font vivre les personnages. Quitte à ce que ça me mette la pression.
Je suis curieux de voir le Tif et Tondu de Blutch, c’est un dessinateur exceptionnel. Puis, j’oubliais presque Chris Ware, un génie, avec un ton très particulier, un nouveau langage, pointu.
Mais j’aime aussi ce qui est plus mainstream. Jojo, c’est la série jeunesse modèle. Puis, dans le monde des comics, il y a les indémodables Snoopy, Calvin et Hobbes. Des indémodables !
Et si on parlait de Denis Bodart ? Avec lui aussi, vous avez un beau projet.
Chez Aire Libre, La maison sur la falaise. Nous nous entendons bien. C’est en nous côtoyant ici, à l’Atelier des Abattoirs de Bomel, que l’idée nous est venue. Nous avons souvent réinventé le monde et parlé BD. Du coup, j’ai cherché des sujets pour lui, des formats. Lui aussi proposait des idées. Et nous avons commencé à faire une histoire courte pour Spirou… trop courte. Nous avons été plus ambitieux, Denis a réalisé 32 planches, sans trop de pression; Puis il est parti retravailler une semaine et est revenu avec un redécoupage en 44 planches, remis en scènes. Avec de nouvelles idées, un début, un milieu, une fin.

Je pense qu’avec Denis, il faut proposer une histoire de fond, un brouillon, et lui donner l’autorisation de changer tout ce qu’il veut, de s’approprier, de proposer des idées et de réinventer. Il pose des questions que jamais aucun dessinateur ne m’avait posées auparavant. Il est solide, structuré mais il laisse libre cours à son imagination. C’est un dialogue permanent avec un dessinateur qui doit devenir coscénariste. S’il ne croit pas à son histoire, il est incapable de la dessiner. Quand il ne s’amuse pas, il angoisse. Mais ici, dans ce ping-pong, il y a beaucoup de plaisir. Je découvre à quel point la mise en scène raconte le sujet. Ce n’est pas tout de dire qu’une scène est émouvante et tant que Denis n’en aura pas fait assez, il ne lâchera rien. Rien n’est fait gratuitement. Il dessine vite mais il… redessine.

Et l’histoire ?
Elle se passe sur la côte d’Opale de nos jours mais il y a un grand flashback. Denis y est allé quand il était enfant, ça tombait bien. Dans ce coin d’Opale, réinventé, notre héros retrouve la maison où il allait quand il était enfant. Et les souvenirs remontent. La maison n’existe plus, mais le souvenir qu’il y a vécu quelque chose d’important. Ce récit sera tendre et drôle. C’est fou comme Denis est capable de drôlerie.
Et où en êtes-vous ?
Les 68 planches ont été crayonnées, poussées. Denis a fait l’encrage, de la fin au début. Dans le processus, quand nous discutions, Denis découpait tout ce que je racontais, je mimais, il changeait des détails en direct.
Terminons sur une note de théâtre. Là aussi, on en a parlé tout au long de cette interview, vous avez beaucoup à faire.
Je suis directeur artistique des Bonimenteurs et du Théâtre des Zygomars. Avec les Zygomars, nous avons créé le spectacle Plasticine. Nous l’avons peaufiné devant des enfants à Huy.
En voici le pitch :
Des bribes de nos enfances, douces, drôles ou violentes qui nous ont construits, qui nous ont amenés jusqu’ici, devant vous, pour jouer…comme des enfants .Ce moment où la Plasticine s’est mélangée, ce jour où toutes les jolies couleurs vives de la pâte à modeler sont devenues moches, où l’on a compris que les adultes ne savaient pas tout, qu’ils pouvaient être doux et violents, qu’ils pouvaient croire des choses mais sans vraiment savoir, qu’ils pouvaient mentir, qu’on pouvait mourir à dix ans, qu’on pouvait être amoureux à six ans, et que rien n’était plus beau qu’une balade à vélo avec papa par un joli matin d’été…
« …la plasticine, pâte à modeler, tu la malaxes, tout se mélange, une grosse boule plate, couleur étrange, ni bleu, ni rouge, ni jaune, ni rien. Tu la malaxes et puis tu pleures, c’est fini les jolies couleurs, rien à faire, elles reviendront plus … »
Puis, nous jouons aussi en ce moment La question du devoir qui a reçu le Prix de la Critique aux Rencontres de Théâtre Jeune Public de Huy.
Dans le cadre d’un aménagement de fin de peine, Alexandra, la quarantaine,
a accepté d’effectuer un travail d’intérêt général à destination des élèves de
secondaire. Ayant beaucoup dessiné dans sa jeunesse, elle décide de proposer un atelier pochoirs. C’est ici que tout commence, Alex fait irruption
dans la classe accompagnée de son assistant social, Stan Davoni.
Elle n’est pas dans son élément et cherche ses marques. Cette arrivée
imprévue perturbe le début du cours. L’enseignant, préalablement prévenu, met sa classe à disposition.
La jeune femme commence par demander aux élèves de faire une
grande table centrale, de pousser les bancs pour bousculer cet espace
trop « scolaire ».
Tout en se présentant et en installant le matériel nécessaire à son atelier,
au détour d’une anecdote, toujours par petites touches, Alex se raconte.
Elle partage ses envies, ses passions, ses colères.
Puis, avec les Bonimenteurs, nous continuons notre spectacle de lecteurs publics. Puis, lors de Place aux Abattoirs de Bomel, nous avons présenté un nouveau spectacle, une pêche aux histoires, du théâtre d’objet.
Mais notre survie est remise en question. Des subventions doivent tomber, ou pas, cet automne. Dans un mois, normalement. C’est très angoissant. Comme il y a eu changement de ministre, nous ne savons pas si nous rentrerons encore dans une catégorie ou si nous serons requalifiés. Nous fonctionnons via des contrats-programmes, des points APE. Nous avons besoin d’aides au fonctionnement pour financer nos projets, les fabriquer, les promouvoir. Nous sommes une des compagnies d’arts de rue qui tourne le plus en Belgique et en France. Certains d’entre nous sont bénévoles mais nous avons des assurances à payer et si nous n’avons plus d’aides financières, il faudra nous séparer douloureusement de membres de notre équipe.. En espérant de tout coeur ne pas devoir en arriver là.
Merci Vincent et bonne continuation, nous croisons les doigts pour que le rêve continue sur les planches, quelles qu’elles soient.
Série : Hercule – Agent intergalactique
Tome : 1 – Margot, la fille du frigo
Scénario: Vincent Zabus
Dessin : Antonello Dalena
Couleurs : Cecilia Giumento
Genre: Aventure, Jeunesse, Science-fiction
Éditeur: Le Lombard
Nbre de pages: 48
Prix: 10,95€
Date de sortie: le 17/05/2019
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