Face à l’absurde violence de notre époque, Gilles Rochier, en solo, a préféré sortir la trompette plutôt que les violons

« Pouette, Pouet, Pouette, Poueeettee »

© Gilles Rochier chez Casterman

Résumé de l’éditeur : Après les événements, l’instrument devient son unique moyen d’expression. Il souffle sans vraiment jouer, il ne fait pas de la musique mais plutôt des sons qui agacent, questionnent son entourage, à commencer par Kader, son ami de toujours…

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Il y a sur la place de l’Ange de Namur, ville près de laquelle j’habite, un promontoire sur lequel trônent un ange et sa trompette. Un instrument qui lui a souvent été dérobé. Et peut-être qu’un jour, un sinistre matin, le personnage de Gilles Rochier l’a trouvé et l’a embarqué, pour ne plus la quitter des lèvres. Faisant corps avec elle.

© Gilles Rochier chez Casterman

Vous n’aimez pas la trompette ? Ça tombe bien, cet album (de BD, pas de musique, quoique, un peu des deux quand même) est peut-être quand même fait pour vous. Une symphonie fracassée pour mener à la catharsis. Si elle veut bien de nous.

En écho aux attentats de novembre 2015 à Paris et à tous les suivants qui nous ont éboulé, Gilles Rochier a perdu les mots. Là où tout le monde se répétait sur Twitter et les réseaux. Il y a ceux qui ont besoin de sortir les choses et ceux qui les gardent pour eux. Rochier, ou son avatar dans cette autofiction qu’est Solo, les a sortis à sa manière. Il est retombé sur une trompette à laquelle il n’avait plus touché depuis un bail, sans doute, à en entendre les fausses notes. Pourtant, il a persévéré, et sans devenir meilleur musicien, il en a joué des heures. Il en a fait sa voix. Tonitruante. Des notes guillerettes pourtant portées par l’énergie du désespoir.

© Gilles Rochier chez Casterman

Ça a quelque chose d’incroyablement émouvant une trompette. Il y a des morceaux cuivrés dont je ne me suis jamais remis. Une trompette qui passe dans le décor musical d’une chanson, et je craque complètement. Au sourire comme aux larmes. Dans Solo, c’est aussi ce qui arrive. Durant cet album, peuplé de pouet plus ou moins appuyés, le personnage central ne parlera pas, quasiment pas, du moins jusqu’à la guérison (mais est-ce lui le malade ?), laissant les autres le faire pour lui, pour mieux nous entraîner dans une société sinistrée.

En fanfare tout seul, Gilles Rochier allie le tragique au comique, créant des situations incongrues et totalement absurdes mais ne perdant jamais le sens de sa démarche. La perte de sens aussi. Comment encore avancer dans un quotidien vicié, tenaillé par la peur. Au fil de ses pages, de ses gags, l’auteur propose, dans une démarche quasi-documentaire, une série de portraits de gens qui seront forcément, à un moment, énervés par son instrument envahissant.

© Gilles Rochier chez Casterman

Oui, plutôt que les violons, il a sorti la trompette. Il s’époumone mais pas en pure perte !

Titre : Solo

Récit complet

Scénario, dessin et couleurs : Gilles Rochier

Genre: Chronique sociale, Comédie dramatique

Éditeur: Casterman

Nbre de pages: 88

Prix: 17€

Date de sortie: le 11/09/2019

Extraits : 

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