La couverture a failli nous tromper, le nom de l’éditeur aussi, mais avec le premier tome (sur deux) du Vent des libertaires paru chez Les Humanoïdes Associés (qu’il serait bien réducteur de ramener à la seule science-fiction), c’est bien un biopic historique, arrangé pour mieux naître à la BD, qu’offrent Philippe Thirault et Roberto Zaghi. Ou comment Nestor Makhno, paysan ukrainien promis à une vie de luxe car adopté par une famille de seigneurs, est devenu une icône du mouvement anarchiste.

Résumé de l’éditeur : Ukraine, début du XXe siècle. Issu de la paysannerie très pauvre et adopté par une famille bourgeoise, le jeune Nestor Makhno ne trouve pas sa place dans un monde impitoyable, dominé par les riches. L’histoire romancée du plus grand des anarchistes ukrainiens qui, défiant à la fois les Bolcheviques et les Allemands, a traversé un demi-siècle de révoltes et de révolutions.

C’est sûr, on ne naît pas tous égaux. Nestor Makhno aurait pu rêver mieux que cette campagne ukrainienne appauvrie par la loi des puissants, des exploitants. Pourtant, le vent tourne et même s’il consiste à séparer ce fils déjà têtu de ses parents, voilà que Makhno change de camp et se retrouve adopté par la famille Vynnitchenko, au coeur d’une imposante bâtisse et d’une vaste propriété. Mais avec des règles de bienséance à respecter.

Ce qui ne sied pas au petit bonhomme déjà fort en caractère et refusant ce nouveau monde qui veut lui faire oublier l’ancien (et son ami Kolia, déterminant par la suite) pourrait lui épargner tous les soucis de la pauvreté et du rude labeur. Cette vie-là, ce petit gars qui se proclame héritier des cosaques n’en veut pas. Et tombent les gifles et les coups de cravache. Alors que, dans cette maison, seule la jeune Katrin peut se révéler être une alliée.

Entre le Boulogne-Billancourt de 1934 et l’Ukraine de 1898, les auteurs déroulent le tapis de l’Histoire, celle de l’oppression mais aussi de la liberté. Car on ne peut plus reculer. Bien sûr, la question se pose à chaque fois qu’on va entamer un biopic sur une figure politique, militaire et/ou militante: pourquoi encore un ? C’est vrai, il y en a beaucoup d’ouvrages de ce genre, mettant le lecteur aux prises avec des histoires et des figures qui se ressemblent.

Pourtant, ici, le duo Thirault-Zaghi éclipse vite nos doutes et trouvent de l’élan, du souffle et du sens à nous raconter Nestor Makhno, véritable rescapé tant il fut sauvé à la dernière minute d’une pendaison pour attentats. Nourrissant d’abord sa haine contre ce qui lui était proche, c’est à un dessein plus grand que cet homme de poigne et déterminé s’est confié. Constituant une véritable armée. Loin de suivre l’Histoire, jour après jour, les auteurs, sans tout pardonner à leur héros populaire, ont trouvé une ficelle pour faire des allers-retours avec la France des années 30, le choix est judicieux. Et les deux parties explorées se donnent mutuellement des clés de compréhension.


Autre idée graphiquement efficace, ce duel de cosaques à cheval à la fin de ce premier album, à la fois ludique et déterminant pour la suite. Roberto Zaghi, sans être trop réaliste, a trouvé le bon ton et la bonne dynamique pour faire de cette épopée une éclatante réussite. Les couleurs d’Annelise Sauvêtre, elles, sont soignées, maîtrisant l’ambiance et la dramaturgie des scènes.

Série : Le vent des libertaires
Tome : 1/2
Scénario : Philippe Thirault
Dessin : Roberto Zaghi
Couleurs : Annelise Sauvêtre
Genre : Biopic, Drame, Guerre
Éditeur : Les Humanoïdes Associés
Nbre de pages : 54 (+ 2 pages de postface)
Prix : 14,50€
Date de sortie : le 21/08/2019
Extraits :