Mieux qu’un enfant-roi, c’est un enfant-dieu que Jonathan Munoz a trouvé pour se faire baptiser dans le monde des séries BD. Bon enfant, bon enfant, c’est vite dit, car c’est mal connaître notre dessinateur irrévérencieux qui n’hésite pas à teinter d’idées noires et bizarres ses histoires a priori menées dans la plus grande des hilarités. Pourtant le dessinateur trash (et vous allez vous en rendre compte assez vite dans ce deuxième tome), n’a pas son pareil pour dire dans la déconnade ce qu’il pense du monde qui nous entoure et qui vénère son nouveau messie, Charlie.

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Résumé de l’éditeur : Alors qu’il décide de se faire discret pour échapper aux médias, le dieu Charles se rend compte qu’il perd progressivement ses pouvoirs. Pendant ce temps, Marie répète à tous ses camarades qu’elle est l’amie de Dieu, et devient la souffre-douleur de son école. Mais soudainement, Möa, un autre dieu apparaît pour se confronter à Charles. C’est alors qu’une guerre de religion éclate.

C’est peu dire, pour ce second tome d’une série qu’on souhaite longue au vu de son potentiel, l’iconoclaste Jonathan Munoz a mis le paquet (faux spoiler: et pas uniquement dans le slibard du dirlo de l’école de notre trublionne Marie) et est à la source d’une heureuse hérésie. Salvatrice.

Pourtant le code a changé et les règles du jeu aussi. Comme on peut le voir si notre regard glisse de la première couverture (Charlie qui pisse au-dessus des buildings et semble seul au monde) à la seconde (un individu au costume tribal qui toise notre débraillé dieu de toute sa puissance), le rapport de force s’est indubitablement inversé.
Et pour cause, Charlie a décidé de faire une pause, de se retirer des mondanités. Quitte à faire de la peine à tous ceux qui l’aiment et brûlent des cierges en espérant son retour. Cela dit, certains répandent la bonne parole selon laquelle il a quitté Terre, il n’en est rien. Charles est peut-être un rien moins alcoolo, mais encore plus obsédé, mais il est toujours là, caché. Il fait moins de vagues… sur lesquelles ils marchent, de toutes façons. Quoique, pour une inextricable raison, il perd ses pouvoirs.

Et dans cette suite, Jonathan Munoz réussit à effacer son personnage, pour mieux laisser les femmes mener la danse, Cathy la journaliste qui a de l’instinct mais aussi de l’éthique et Marie qui tente tant bien que mal de s’attirer l’attention de ses camarades de classe… quitte à s’attirer l’ire de Dieu. Puis, il y a Moa, non pas moi, Lui, Moa, un rival, un concurrent surpuissant sorti d’on ne sait où et qui a vite fait de remplacer Charles dans le cœur de ceux qui cherchent un saint à qui se vouer. On n’est bien peu de choses. Y compris, quand la passion devient guérilla et fait du monde un chemin de croix.

À grands coups de fun et d’action, de comique de répétition, Jonathan Munoz réussit aussi, l’air de rien, une parodie féroce de notre société et de ses fous de dieux, des modes et du sensationnalisme qui prime désormais sur la vérité. Sans oublier la fascination, morbide, que peut nourrir une télé surpuissante ou une presse putassière et dont plus personne ne remet en question les images qu’elles diffuse. La télé a permis à certains d’être président de grandes nations, et ça, c’est pas de la couillonnade.

Avec des scènes spectaculaires qui nous collent au canapé et nous scotchent la mâchoire, François Cerminaro finissant de donner du peps à l’ensemble, Jonathan-tout-puissant livre un spectacle à gros budget où le grand n’importe quoi… prend tout son sens. De quoi faire une sérieuse crise de foi.
En bonus, les recherches de couvertures publiées par Jonathan sur sa page Facebook:
Tome : 2 – Au nom du möa
Scénario et dessin : Jonathan Munoz (Page Fb)
Couleurs : François Cerminaro
Genre: Fantastique, Humour, Thriller
Éditeur: Fluide Glacial
Nbre de pages: 48
Prix: 14,50€
Date de sortie: le 01/05/2019
Extraits :