Qui comme Icare n »a jamais rêvé de crever le ciel et d’aller voir de l’autre côté? De devenir homme-oiseau pour un instant ou l’éternité. Voler plus haut, toujours. En attendant de concrétiser ce rêve le plus fou, c’est dans les arts qu’il se matérialise, au fil de récits mythiques ou passagers. Cette fois, la BD nous revient avec deux variations, étranges, glaçantes ou euphorisantes. Vertiges Nocturnes de Salvador Sanz et Des plumes et elle de Paul Salomone.


Vertiges nocturnes, malaises diurnes
Si un jour vous vous lassez de Messmer et que l’étrange magicien Mille-Pattes passe dans votre ville, peut-être réalisera-t-il votre rêve… Ou votre cauchemar ?

En tout cas, Lucia et Lucio, liés sans se connaître, n’ont pas vu venir ce sorcier aux pouvoirs réellement magiques. Depuis qu’ils ont fait sa rencontre, certaines nuits ne sont plus pareilles. Ils s’emplument, ils s’envolent. Rusés.

Passant de la féerie à l’horreur comme on passe du soleil à l’orage électrique, magnétique, Salvador Sanz lie l’expérience intime de la métamorphose à un complot maléfique de grande envergure, avec dans le fond la peur nucléaire.

En sept chapitres, l’Argentin déroule son savoir-faire et murmure à l’oreille des rapaces et des hiboux dans une nuit profonde de noir et blanc. C’est son premier album traduit en français´(près de dix ans après sa parution hispanique) et c’est le bon (conseillé artistiquement par Jean-David Morvan). De par la grammaire utilisée, les chocs provoqués et l’intense originalité développé autour d’une porte entre deux mondes.

Au risque de s’en réveiller la nuit, Vertiges Nocturnes porte on ne peut mieux son nom et crée les sueurs et coupe le souffle. Les ailes aussi. C’est une lecture de haute lutte, brillant d’étrangeté et d’une personnalité diablement affirmée. Un livre qui se vit comme un film haletant, générique inclus.

Des plumes et elle, faire d’une cage une incroyable liberté artistique

« Suivre une… toile Et se laisser porter au gré du vent Lever les voiles » En changeant une lettre de la chanson de Nolwenn , on aurait presque la mélodie pour nous porter dans l’aventure intimiste de l’insaisissable album de Paul Salomone .

La poésie , la BD , l’illustration , la peinture mais aussi les costumes et l’art des savants fous et doux rêveurs (et tout ce qui passe de beau à travers la vue et le regard); l’auteur a regardé son reflet et celui des autres pour concevoir cet album hybride, prenant le meilleur de l’osmose des arts.

Versant dans une autofiction fantasmagorique, c’est la route et la nuit d’un peintre des étoiles que l’auteur nous fait croiser, pas loin de Pigalle, des fleurs du mal et l' »effleure » du beau mis en scène. Danseuse et cabaret ont chassé le marchand de sommeil depuis longtemps, on rêve debout dans cette BD qui n’aurait ni queue ni tête si elle n’avait, du bec aux serres, l’intensité de l’audace irréelle.

Sans trop nous donner de repères, Salomone livre un personnage curieux, un oiseau fait oiseleur, aux allures à la fois inquiétantes et bienveillantes. Un personnage qui suscitera sans doute de nombreuses interprétations mais qui consolide la liaison entre l’artiste hibou et sa muse dans un album étrange et magique, magnifique et dérangeant. Un artbook qui se vit et se relit.

Récit complet
Scénario, dessin et couleurs: Salvador Sanz
Traduction : Éloïse de la Maison
Genre : Fantastique, Horreur
Éditeur : Glénat
Éditeur VO : La Cupula
Nbre de pages : 144
Prix : 19,95€
Date de sortie : le 27/03/2019
Extraits :
Récit complet
Scénario, dessin et couleurs : Paul Salomone
Genre : Anthropomorphisme, Fantastique
Éditeur : Delcourt
Nbre de pages : 88
Prix : 21,90€
Date de sortie : le 21/11/2018
Extraits :
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