Souvent, on parle pour ne rien dire, de la météo, du dernier film qu’on a vu, du jean’s ou de la robe qui nous fait de l’oeil en vitrine… On parle, on parle, du blabla… jusque quand les mots manquent, par la force des circonstances et sous le poids des épreuves. Ce qui était facile devient insurmontable : trouver les mots, les faire sortir.

Résumé de l’éditeur : Melinda a 15 ans. Ce soir d’été, au beau milieu d’une fête, la jeune fille est victime d’un drame. Elle appelle la police. Personne ne saura jamais pourquoi elle a lancé cet appel, ni ce qu’il lui est arrivé cette nuit-là. Tout simplement parce que Melinda, murée dans son silence et depuis ne parvient pas à l’exprimer… Elle a crié « NON » de toutes ses forces et puis, c’est tout.

Melinda a 15 ans, l’âge de l’insouciance, des découvertes, des premiers frissons et des ivresses, des fêtes. Pourtant, en quelques secondes d’une party, tout a changé, le cauchemar a plombé le rêve et les ailes. Melinda est scotché au sol, transpercée par les regards des autres, lâchées par ses amies à l’aube d’une année-charnière au lycée.

Harcelée, dévalorisée, recroquevillée dans un réduit, murée dans son silence, la chute est sans fin. Que s’est-il passé pour qu’elle en arrive là? Ce qui est arrivé à bien plus de personnes qu’on ne croyait. Du moins avant #metoo. Un viol, très probablement, mais la question n’est plus là, c’est comment en réchappe-t-on, des semaines, des mois voire des années après l’agression ? Question cruciale pour laquelle la victime ne peut compter principalement que sur elle-même.

Speak, c’est le titre de ce roman graphique, le symbole, la délivrance encore lointaine puisqu’il faudra un pavé de près de 400 planches pour y arriver. Un pavé dans la marre des égoïsmes et du chacun pour soi. Une course à la vie à la mort, plus souvent à reculons que vers l’avant.

Dans les mots de Laurie Halse Anderson , Emily Carroll investit personnellement le lecteur par la voie du journal intime et du « je », avec des scènes en communauté, face au monstre, au crocodile (si séduisant, d’ailleurs) mais toujours le reflet de l’intériorité, sa force et son emprise. Être seul avec soi-même.

Ça fait son effet mais encore faut-il tenir la longueur. Carroll, spécialiste de l’horreur, réussit son incursion dans le drame en faisant ce qu’elle fait de mieux, des ombres et de la lumière, des métaphores, de la noirceur surtout. Il faut une idée à chaque page, et ça ne s’essouffle.

Speak, c’est du foutre, du soufre de mort au bout duquel surgira peut-être le souffle de la vie, du mot qui libère.

Un livre à laisser traîner sur un banc. Car il nous a servi et il servira encore.
Récit complet
D’après le roman de Laurie Halse Anderson
Scénario et dessin : Emily Carroll
Traduction : Fanny Soubiran
Noir et blanc
Genre : Drame, Journal intime
Éditeur : Rue de Sèvres
Nbre de pages : 384
Prix : 20€
Date de sortie : le 09/01/2019
Extraits :