Lorsque le nom de Georges Lini est évoqué pour la mise en scène d’un spectacle, certains frémissent d’excitation et d’autres s’avèrent parfois un peu craintifs, de peur de se sentir désorientés par les partis pris inventifs et souvent étonnants du metteur en scène et directeur artistique de la Compagnie Belle de Nuit. Personnellement je fais partie de la première catégorie, et une fois de plus je me suis régalé avec cette version de Macbeth jouée actuellement au Théâtre Royal du Parc et magistralement interprétée par une brochette de comédiens irréprochables, dont un Itsik Elbaz flamboyant.

Monstre parmi les monstres. Macbeth n’est pas l’ombre, mais la nuit. Le mal n’y est pas relatif, mais absolu. La pièce nous plonge dans l’étroit abîme qui sépare le cauchemar de la réalité monstrueuse. Avec sa manière médiévale de s’approcher des forces obscures et irrationnelles et d’aborder l’énigme du meurtre de l’homme par l’homme et la culpabilité qui s’ensuit, Shakespeare convoque dans les ténèbres d’étranges et hideuses créatures – les hommes – toutes en proie à une maladie incurable et contagieuse. Celle de l’ambition criminelle et du pouvoir corrupteur. Car quand elle n’est pas encadrée par une conscience et une morale, l’ambition ne mène qu’à l’échec. Quant au pouvoir, tout le monde le sait, il échoit à ceux qui le désirent le plus. La fin justifiant les moyens…( source : Théâtre Royal du Parc)
S’attaquer à cette oeuvre grandiose du grand William Shakespeare s’avère une tâche compliquée et osée d’autant plus que cette pièce jouit d’une sale réputation en Angleterre, celle de porter malheur ! Comme si le mal absolu qui suinte par tous les pores cette tragédie s’attaquait inévitablement à ceux qui tentent de la cerner. D’ailleurs , on préférait l’appeler » la pièce écossaise » plutôt que de prononcer son nom.

Macbeth et Lady Macbeth poussés par l’ambition de conquérir la couronne à tout prix et par tous les moyens, décident d’assassiner le Roi pour lui ravir sa couronne. On est face à deux monstres sans pitié dont il ne reste au final dans leur chef que peu d’humanité.
La vie est une course de vitesse vers la mort…(Macbeth)
Pour incarner Macbeth il fallait un comédien solide capable de porter tout le poids de cette tragédie. Et qui mieux qu’Itsik Elbaz, qui avait campé un Caligula exceptionnel l’été dernier à Villers-la-Ville déjà sous la houlette de Lini, pour donner vie à un tel personnage ? Les folies artistiques des deux hommes se marient avec bonheur et engendrent souvent des spectacles remarquables. Et cette fois encore la magie fonctionne.

Dès les premiers instants, on est plongé dans cet univers sombre et détonant qui deux heures durant se révèle être éprouvant pour les acteurs, tant par le biais du texte et du propos, que physiquement par des trouvailles de mise en scène parfois difficiles à gérer comme cette colonne d’eau qui se déverse sur la scène et les comédiens de longues minutes durant. Dans le Macbeth proposé par Lini chaque comédien est à sa place, et même si certains ont moins de texte que d’autres, le poids de leur présence physique s’avère indispensable.
Outre Itsik Elbaz dans le rôle phare de Macbeth, Anouchka Vingtier est elle aussi formidable de justesse et de dramaturgie, dans le rôle d’une Lady Macbeth diabolique et sensuelle qui malgré le propos reste de toute beauté durant tout ce récit de bruit et de fureur. Et que dire de Stéphane Fenocchi formidable Banquo, de Didier Colfs qui joue Macduff et d’un Luc Van Grunderbeeck parfait en Duncan le roi qu’on assassine. Jean François Rossions, Louise Jacobs, Thierry Janssen, le jeune Felix Vannoorenberghe, Nicolas Ossowski, Ingrid Heiderscheidt et Muriel Bersy sont eux aussi impeccables.

Ce Macbeth de Georges Lini se doit d’être vu. Rares sont les metteurs en scène qui dépoussièrent à ce point le théâtre et dont les prises de risques évidentes se mêlent à une créativité toujours bouillonnante. Et même si la mise en scène peut vous surprendre durant les premiers instants, les trouvailles comme l’utilisation des caméras qui permettent d’ajouter une vision supplémentaire à certaines scènes, l’utilisation de micros pour certaines répliques (comme c’était déjà le cas pour Caligula) et l’intégration parfaite de certains titres rock comme l’étonnant « Love is blindness » de Jack White interprété avec fureur par Itsik Elbaz, donnent à ce classique du théâtre un souffle nouveau et totalement moderne.
Lini nous propose un Macbeth « sans armure » dont les mots et le sujet restent aujourd’hui d’une actualité brûlante. Que demander de plus ?
Jean-Pierre Vanderlinden

MACBETH
Muriel BERSY, Didier COLFS
Itsik ELBAZ , Stéphane FENOCCHI
Ingrid HEIDERSCHEIDT, Louise JACOB
Thierry JANSSEN , Nicolas OSSOWSKI
Jean-François ROSSIONS
Luc VAN GRUNDERBEECK
Félix VANNOORENBERGHE
Anouchka VINGTIER
Mise en scène : Georges LINI
Assistanat : Nargis BENAMOR
Scénographie et costumes : Thibaut DE COSTER et Charly KLEINERMANN
Vidéo et son : Sébastien FERNANDEZ
Lumières : Jérôme DEJEAN
Direction musicale : Daphné D’HEUR
Une coproduction du Théâtre Royal du Parc et de la Compagnie Belle de Nuit et de la Coop asbl.
Avec le soutien du Tax Shelter du Gouvernement fédéral belge.
Du 22/01 au 16/02 2019 . Réservations : http://www.theatreduparc.be