Décidément, à chaque récit redécouvert par des traits très personnels, Glénat aime à jouer la carte de la singularité dans cette collection heurtant de plein fouet Conan et tout l’univers développé par Robert E. Howard. Avec le quatrième épisode (sans lien de cause à effet avec les trois premiers, rappelons-le), c’est Robin Recht qui s’empare du mythe et d’un de ses récits fondateurs impressionnants dans un monde de neige aussi désespérant que fascinant. On pourrait y rester des heures, comme on l’est devant la couverture à couper le souffle de cette aventure infernale, pleine de force mais aussi de faiblesse, enveloppée dans une incroyable chevelure rousse qui donne l’illusion de tenir chaud.

À lire aussi | Conan, l’amour les arts à la main, la mort les armes au poing
À lire aussi | Conan par Brugeas et Toulhoat : champ de bataille maléfique a trouvé chef d’orchestre magnifique !
À lire aussi | Anthony Jean: « Conan, ce n’est pas juste un héros qui distribue les baffes: il en prend aussi… et des belles »

Résumé de l’éditeur: Unique survivant d’une bataille, Conan trône au milieu d’une neige maculée de sang. Le combat terminé, le Cimmérien se retrouve soudain envahi d’une lassitude profonde et d’un profond dégoût. Jusqu’au moment où il rencontre une femme à la beauté surnaturelle, aveuglante comme l’éclat du soleil sur la neige. Mû par un ardent désir, Conan décide de la suivre mais se retrouve pris dans un piège, attaqué par deux titans. Dans sa fougue, il ne s’est pas méfié. Il n’imaginait pas une seconde que sa promise n’était autre que la fille d’Ymir : le géant du gel !

Conan a ses Himalaya et La fille du géant du gel en est sans doute l’un des points culminants, là où Robert E. Howard a poussé ce géant du… feu ? dans ses derniers retranchements et l’a plongé dans les profondeurs glacées. Pourtant, Conan ne devait pas être là, au mauvais endroit au mauvais moment, ou l’inverse c’est selon. Depuis la nuit des temps, mais ce n’est pas du Barjavel (quoique), dans cette étendue enneigée à perte des temps, à intervalle irrégulier, deux clans s’affrontent, Aesirs et Vanirs. Un seul sera gagnant mais pourtant tous seront perdus dans le sang qui les rend indistinguables, qui les unit quelles que soient leurs volontés haineuses et guerrières. Pourquoi se battent-ils ? Peut-être l’ont-ils oublié ? Il se murmure comme un frisson sur un champ de bataille fracassant qu’il faut être le dernier, le Last Man Standing pour être emmené par la fille du géant du gel vers d’autres horizons, à l’Odroerir. Atali (rien à voir avec Jacques), une sorcière ou une déesse ?

D’une ferveur impitoyable, d’une fureur phénoménale, Robin Recht domine de la tête, des épaules et d’une main experte un sujet sur lequel pas mal se seraient cassé les dents. La puissance des Valkyries n’est pas loin, l’impétuosité des Amazones aussi, qui seraient réunies en une seule femme tenant le sort du monde entre ses mains comme on serrait, fort, le coeur d’un ennemi. Ou d’un amant ? La force de cette histoire vient aussi des faux-semblants, de ce chassé-croisé de séduction mais aussi de répulsion, entre instinct d’amour et celui de la survie, des envies nuancées par les devoirs, du temps qui manque et de l’urgence qui se prolonge.


En septante planches d’ampleur dramatique et de profondeur émotionnelle, Robin Recht réussit une incroyable prouesse graphique, prenant le risque payant d’être dans l’induction et l’expression plus que dans la monstration, laissant le pouvoir d’intuition au lecteur, de se projeter et de sentir le degré de violence qu’il veut donner au récit. Car oui, il est violent, charnel (pas de scène de sexe extravagante, là encore, comme dans les albums précédents, et ça joue en faveur de cette collection fine), jusqu’au-boutiste, cet album. Jusque dans l’encombrement de l’espace par un bruit assourdissant, gâchant le dessin mais nécessaire à l’emprise et à la dimension du récit.

Et là où Robin Recht réussit un peu plus sa performance, c’est dans sa mise en scène osée, ses cadrages, son découpage, aéré et aérien, fonctionnant à l’économie de cases pour appuyer des pleines planches et des doubles planches redoutables et qui ne sont pas humaines d’un coucher de soleil à un premier regard qui veut dire tellement de choses et un orage, quel orage !). Le style Recht va droit aux yeux et au coeur, glaçant d’effroi mais aussi d’extase (pas d’engourdissement comme Conan). Les couleurs confectionnées par Recht secondé par Fabien Blanchot finissent d’apporter volume et texture à cette incroyable épopée intime et universelle, sensorielle. Un truc de fou, un OVNI inouï, un pur chef-d’oeuvre.

D’après l’univers et les nouvelles de Robert E. Howard
Récit complet
Tome : 4 – La fille du géant du gel
Scénario et dessin : Robin Recht
Couleurs : Robin Recht et Fabian Blanchot
Genre : Aventure, Guerre, Fantastique
Éditeur : Glénat
Collection : Grafica
Nbre de pages : 72 (+ 8 pages de cahier bonus réservé à la première édition)
Prix : 14,95€
Date de sortie : le 12/12/2018 (version en noir et blanc, le 09/01)
Extraits :
Pas trop d’hésitation à lire cet album. Depuis l’annonce ma seule question est: nb ou couleur?….
Hey, désolé du retard ! 🙂 Je suis très mauvais conseiller pour ce genre de question. Perso, et c’est purement personnel, je préfère lire en couleurs. En ce qui concerne le noir et blanc, pour t’aider à choisir, pas mal de planches sont ici : https://www.hubertybreyne.com/fr/blog-headlines/robin-recht-conan-le-cimmerien-la-fille-du-geant-du-gel
Bonne fin de week-end 🙂