La légèreté, on en connaît les bienfaits. Mais en symphonie de renaissance, elle donne encore mieux sur papier. C’est vrai qu’il en a fallu du temps à Catherine Meurisse pour retrouver un semblant d’existence normal après la tragédie. Après Luz et sa Catharsis, Meurisse livre un témoignage complémentaire, fort en voyage intérieur mais aussi extérieur. Et si pour voyager, mieux vaut partir léger. C’est avec le cœur lourd, trop lourd pour elle, que Catherine Meurisse a commencé son ode hissée (à bout de bras).
Dessinatrice pour Charlie Hebdo, Catherine a vécu de près les événements de janvier 2015. Pour peu, elle prenait place dans la rédac’ avec ses joyeux compagnons. Sauf que, trop bien dans son lit, Catherine s’est levé tard. Trop tard que pour avoir son bus. « Même Tignous a du arriver avant elle« , c’est dire! Pourtant cela lui a sauvé la vie, au pied de l’escalier qui menait à la rédaction, quand des passants bienveillants lui ont dit: « Ne monte pas Catherine. Il y a une prise d’otages à Charlie« . Un « Tu déconnes » s’échappe de la bouche de la dessinatrice (depuis dix ans au service du rire et de la satire). Juste avant qu’une rafale de Kalach’ vienne la faire mentir. En haut, c’est le chaos. En elle aussi. Et même survivante, dans cet océan bien vide, Catherine n’en mène pas large.
Véritable carnet de voyage intérieur et extérieur, La tendresse invite le lecteur jour après jour dans le quotidien chahuté de l’auteure. Un jeu de piste pour se retrouver dans un dédale surmonté d’un tableau emblématique, Le Cri d’Edvard Munch. Dans un temps qui n’appartient plus qu’à elle, Catherine, toute petite écrasée par le monde qui l’entoure, tente de retrouver le fil de sa vie, de faire son deuil tout en voyageant parmi ses souvenirs et en dressant en quelques cases le portrait intime d’une rédaction désormais dépeuplée.
Mais Catherine n’arrive plus à dessiner. À sourire à la vie, n’y pensons même pas. Mais Catherine se bat, elle va visiter l’infiniment vide, gravit quelques collines, part à la campagne, tentant l’échappée belle face à ses gardes du corps tenaces et au flot de journalistes faisant peu de cas du deuil et de la mémoire des victimes. Des victimes, Catherine en parle beaucoup. Par contre, elle fait abstraction presque totale des tueurs, des monstres qui ont commis cette atrocité. Le propos n’est pas là. Et si l’exorcisme doit se faire, il ne se trouve sans doute pas dans la fomentation de la violence. Mieux vaut répondre par la culture, Baudelaire, Proust, Stendhal ou Gotcharov; tous guides dans la réflexion de Catherine Meurisse, prise dans une tempête de mots et d’incompréhension.
Véritable appel à l’éveil de la beauté, La Légèreté évacue la noirceur âpre laissée par Catharsis de Luz pour s’en faire l’éclatant reflet, la jumelle tout aussi douloureuse mais cherchant à faire surgir la beauté à chaque page. En se cherchant elle-même, Catherine Meurisse touche à notre cœur, à notre âme, rétabli le mécanisme qu’on pensait irrémédiablement cassé après les attentats.
Titre: La Légèreté
Récit complet
Scénario, dessin et couleurs: Catherine Meurisse
Genre: Autobiographie, Essai
Éditeur: Dargaud
Nbre de pages: 136
Prix: 19,99€
Date de sortie: le 29/04/2016
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