Décidément, sale temps pour les héros de Conan Doyle! Alors que nous vous parlions, il y a peu, d’une série où le détective de Baker Street devait se passer du Docteur Watson, dans un sale état; voilà que dans une autre série (Holmes – 1854/1891?), chez un autre éditeur (Futuropolis) c’est Watson qui doit se passer de Sherlock Holmes, définitivement enterré. Un bouleversement total que manient avec délicatesse et somptuosité Luc Brunschwig et Cecil depuis quatre albums. Et dans cette enquête où resurgit le passé entre faux-semblants, non-dits et secrets bien gardés, voilà que Sherlock Holmes revit par les souvenirs.
Sherlock Holmes est mort. La fin d’un héros, la fin d’une ère, et les mystères et brigands de Londres vont pouvoir reprendre leurs cours. Dans un dernier combat acharné, aux prises avec l’ennemi de toujours, Moriarty, le détective émérite est tombé et s’est fracassé dans les mortelles chutes de Reichenbach. Voilà la vérité, rien que la vérité, toute la vérité. Et pourtant, même s’il faudrait être fou pour croire le contraire, Watson n’a même pas le temps de faire le deuil de son ami pourtant perdu de vue. Le voilà pris d’une intuition que d’étranges événements va corroborer. Sans son maître, le brave docteur va devoir mettre en application tout l’enseignement reçu de l’homme de Baker Street pour faire lumière sur ce mystère bien ombragé. Quitte à remonter le temps et à interroger l’enfance d’Holmes et séparer la légende et la vérité bien souvent entrelacées. Le tout en compagnie de sa propre femme et d’un ancien apprenti de Sherlock qui compte bien prendre sa relève au pied levé: Wiggins.
L’univers est le même, les personnages aussi (Mycroft, Madame Hudson…); mais rien n’a faire, sans Sherlock, tout manque de saveur. Tout va moins de soit et rien n’est plus aussi élémentaire pour ce cher Watson. C’est ce qui fait tout le palpitant de cette mythologie réarrangée et améliorée par Brunschwig et Cecil. Entre deux voyages dans le temps et l’espace (de Londres à Leicester en passant par Pau ou la Turquie en proie à la guerre de Crimée), on approche la famille de Sherlock Holmes, on reconstruit la personnalité d’un homme sur qui tout a circulé, par l’intermédiaire du dévoué arrangeur de réalité et d ‘histoires qui finissent bien:… Watson. Et nous voilà au livre quatrième (La dame de Scutari) toujours subjugués par la teneur historique et sociale que les deux auteurs arrivent à insuffler au romanesque de Conan Doyle.
Sans avoir vu le moindre indice signifiant que Sherlock Holmes serait toujours en vie – l’espoir est permis, un point d’interrogation ne vient-il pas nuancer l’hypothétique date de mort, 1891, de l’enquêteur? – le lecteur devient pourtant un intime à force de plonger en plein cœur du quotidien du disparu. On y rencontre son père, sa mère, ses proches; on se perd dans le destin de personnages parallèles et on avance à petits pas de génie.
Des petits pas, comme ceux de l’hyper-talentueux Cecil qui, en fin technicien, a du repousser la sortie de ce quatrième tome. De plus d’un an. Mais le résultat, la mise en page, le cadrage de ce nouvel opus valait bien tous les sacrifices. C’est simple, dans ce style gothique envoûtant et mystique, chaque case presque est un tableau de maître, majestueux et imparable. Quant à Luc Brunschwig (sur les charbons d’une actualité folle et brûlante, comme la réinvention de Bob Morane), loin de démériter, le scénariste cache bien son jeu. Impossible jusqu’ici de prédire comment le récit va évoluer. On tâtonne, on enquête, on suggère, mais on se laisse toujours surprendre dans ce jeu de dupe passionnant et addictif. De l’orfèvrerie monumentale, rien de moins.
Série: Holmes (1854/1891?)
Tome: Livre IV – La dame de Scutari
D’après l’oeuvre de Sir Arthur Conan Doyle
Scénario: Luc Brunschwig
Dessin et couleurs: Cecil
Genre: Mystère, Enquête, Historique
Éditeur: Futuropolis
Nbre de pages: 48
Prix: 13,5€
Date de sortie: le 22/10/2015
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