Un tour de magie et on n’en parle plus? Pas dans La marche brume, nouveau conte fantasy, écologiste et féministe du fabuleux Stéphane Fert

© Fert chez Dargaud

Quel artiste que ce Stéphane Fert. S’il est rare (ou plutôt qu’il prend son temps), c’est toujours pour nous offrir des aventures précieuses et riches. Trois ans après une parenthèse historique et sociale avec l’excellent Blanc Autour, cet auteur-compositeur-interprète de la bande dessinée revient à ces amours fantasy et dégaine pour la première fois une série: La marche brume. Un titre intrigant et un premier tome, Le souffle des choses, qui l’est tout autant, savamment dosé. Car quand on est sorcière, même face aux pires menaces, il ne vaut mieux pas faire usage de la magie à tort et à travers.

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Résumé du tome 1 de La marche brume par DargaudAvant, on n’avait pas peur des forêts sombres et des vieilles croyances, des cris de bêtes qui déchirent la nuit et des ombres incertaines qui rôdaient dans les champs. On se moquait bien des trolls cachés sous les ponts, des déesses vengeresses, des géants de nuages ou des diables des crevasses… Alors on brûlait les arbres millénaires pour se chauffer au printemps et on empoisonnait la terre pour la forcer à vomir ses fruits. Et puis un jour, la Brume a tout emporté. Oh, pas la petite brumouille du matin ou la semi-brume des lendemains de pluie, non ! La brouillasse, la vraie. La purée de boue, la bouillie de charbon, noire et épaisse comme de l’encre en suspension. Celle qui engloutit tout pour recracher des monstres qui vous dévorent à leur tour. Celle dont personne ne revient… sauf la petite Tempérance, une ogresse attachante. Sauvée de justesse par Grisette la Semeuse, une sorcière aussi puissante que bourrue, la petite fille est élevée dans la tranquillité d’une sororité de vieilles femmes qui vivent dans les montagnes. Mais dix-huit ans plus tard, la Brume terrifiante finit par frapper durement la communauté, forçant un petit groupe de sorcières à quitter le village pour tenter de percer les mystères du fléau. Il est temps de sortir les grigris et de se rappeler des vieilles incantations et des leçons de kung-fu pour se lancer dans une grande aventure qui changera le destin de la jeune Tempérance à jamais.

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Le début de l’histoire est connu depuis la Bible ou, plus récemment, Harry Potter: pris dans les tourments du monde, violent et fratricide, une orpheline et désormais apatride atterrit (une chute de balai volant) dans un monde qui pourrait la haïr mais décide de l’accueillir. Des mères, des soeurs, des tantes, des sorcières! Problème, la nouvelle venue, Tempérance, est une ogresse. Ce qui pourrait entraîner une incompatibilité… mais les sorcières ne sont pas celles dont on a vanté le machiavélisme. D’autant plus que dans ce pays, il y a bien pire. La brume et sa cohorte de créatures ramenées de la mort, de l’horreur. Tuant sans pitié. Gare à celui qui se fera surprendre par le brouillard. Et celui-ci s’épaissit et progresse de plus en plus, envoyant ses pauvres diables toujours plus loin. Et créant semble-t-il la discorde entre des peuples qui devraient pourtant faire force commune pour repousser les volutes dangereuses.

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Avec ce nouveau récit féministe et écologiste scénarisé, dessiné et mis en couleurs par Stéphane Fert, ça pourrait être Halloween toute l’année tant les thèmes développés sont universels. En réalité, pressants. Si l’on ne veut pas écouter les scientifiques qui tirent la sonnette d’alarme face aux bouleversements climatiques, pourquoi des sorcières, au plus près de la nature, ne nous feraient pas un peu entendre raison. Ça se tente!

© Fert chez Dargaud
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Je vous rassure, le ton n’est ni professoral ni didactique, c’est dans une pure fiction, une pure aventure fantasy et initiatique que nous sommes ici immergés. Immergés, le mot n’est jamais trop fort tant la patte unique de Fert nous enchante dans un festival de formes, de couleurs – pas les plus conseillées en BD mais l’auteur leur donne leur sens et leur heure de gloire -, avec un côté cinglant autant que contemplant. Poétique aussi, et au-delà du dessin, dans l’histoire qu’il nous raconte et les concepts, les formules qu’il choisit. Comme ce champ lexical développé autour de cette infernale purée de pois.

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Par petites touches, l’auteur initie son récit, découvrant ce monde original et insoupçonné, bien plus complexe qu’il y paraît. C’est la légende des sorcières, avec uniquement des héroïnes, que Stéphane Fert écrit et dessine, avec des sujets forts et des images qui marquent, des combats épiques mais aussi la volonté de se sortir de la violence, qui n’est pas la solution. La magie non plus, aussi tentante soit-elle. D’ailleurs, malgré sa puissance déstructurée (car toutes les sorcières ne sont pas égales, chacune a son don), elle n’empêche pas les drames. Les personnages, et les lecteurs derrière eux, ne sont pas à l’abri des conditions climatiques extrêmes et de souffrir, de se sacrifier. Tout n’est pas tout noir, et la sororité peut y aider, mais rien ne sera tout rose pour la cause. Il ne sera pas dit que le conte sera infantilisant. La séquence finale de ce premier tome uppercut, inattendue, en témoigne. On ne s’en remet pas dans la minute, aussi imaginaires ces créatures soient-elles.

À lire chez Dargaud.

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