C’est en 1979 que le poète-saxophoniste britannique Ted Milton fonde BLURT dans une mouvance post punk, free jazz. Ca fait aujourd’hui 44 ans que le trio écume les scènes avec une énergie peu commune porté par son désormais octogénaire leader. C’est à Saint Gilles, une commune de Bruxelles que le trio a donné ce jeudi soir un concert mémorable.
Avant de rentrer dans le vif du sujet je vais vous confier une anecdote plutôt désagréable.
Ce concert de BLURT devait être pour moi un plaisir personnel hors Branchés Culture et donc sans chronique programmée. La décision de sortir un article sur ce concert je l’ai prise en dernière minute lorsque mon habituel photographe m’a annoncé qu’il pouvait se libérer plus tôt de l’événement qu’il couvrait ce soir là pour venir me rejoindre au concert de BLURT, le concert du groupe n’étant prévu qu’à 22h00.
On décide donc de se rejoindre sur place pour travailler en équipe pour vous sortir un bel article. Mais c’était sans compter avec la mauvaise volonté des organisateurs qui sous prétexte que le concert était sold out (soit 200 personnes) et que mon collègue photographe allait arriver seulement 10 minutes avant le début du show, nous informe qu’accepter une personne supplémentaire de la presse n’est pas possible, même si celle ci paye sa place. J’ai eu beau insister et expliquer que j’avais moi même été organisateur durant 5 ans et qu’ accepter UNE personne supplémentaire pour compléter une équipe de presse, ne faisait prendre aucun risque ni pour l’assurance ni pour le confort du public, je me suis heurté à un non catégorique.
Impossible de discuter, l’organisateur reste sur ses positions et se montre même limite désagréable et excédé. Je n’ai jamais connu une réaction de ce type en quinze ans de media, d’autant plus qu’une mise en lumière de ce genre de petite salle par un article de presse est toujours en général bien accueilli ailleurs. Face à cette absence de consensus j’annule finalement la venue de mon photographe qui était déjà sur la route, et décide de ne rien écrire, tant pis pour eux.

Mais après réflexion, je me ravise en pensant au groupe qui lui mérite amplement qu’on défende sa musique. Je ferai donc les photos moi même avec les moyens du bord, soit mon iphone, en espérant que le résultat soit potable. C’est donc dans ces conditions que s’est monté cet article. Vous remarquerez que je ne cite pas le nom de la salle, vous le trouverez bien sur le net si ça vous intéresse, personnellement je n’en ferai plus aucune publicité dans les colonnes de Branchés Culture, c’est de bonne guerre vu l’accueil glacial qui nous a été réservé. Dommage pour sa programmation alternative qui est parfois intéressante.
Mais revenons-en à l’essentiel, le concert de BLURT.

Aux alentours de 22h00 c’est en fendant la foule que Ted Milton se dirige vers le milieu de la scène devant laquelle j’ai pris place. Je me retourne et vois arriver dans mon dos le leader de BLURT qui me demande de lui donner la main pour l’aider à monter sur la scène devant laquelle aucun petit escalier n’a été disposé pour faciliter l’accès à celle ci. C’est tout de même un comble quand on reçoit des artistes dont certains n’ont plus vingt ans. Il s’appuie donc sur moi et rejoint à droite des planches le micro et le pupitre où son livre de poèmes est disposé.
D’emblée le trio attaque le premier titre ULS. Le ton est donné et le son salle est correct. Ca n’est malheureusement pas le cas au niveau du retour scène ou le batteur se plaint de ne rien entendre du sax de Milton. Il faudra plusieurs titres pour que ce problème soit réglé.

Dans la salle il fait horriblement chaud, la ventilation semble inexistante dans cette petite salle bétonnée au plafond bas, du moins à la place que j’occupe. Ted Milton devra aussi demander qu’on lui apporte de l’eau sur scène, un minimum par cette chaleur.
Je regarde autour de moi, il y a du monde certes, mais on est loin d’être comme des sardines, J’ai un bel espace autour de moi, mon photographe n’aurait donc gêné personne. Soit !
BLURT enchaîne les titres Planet You, Plunge, The Bells, Beneath Discordant Skies de l’excellent album du même nom sorti chez Salamander Records, Parole, Lagoon, I’ll Be There Now, le génial Uzi, Violin Sherbet et What’s This Mission all About?.

Le saxophone de Milton surfe sur une rythmique basique et répétitive à la fois, accompagné par la guitare acérée et presque tribale de Steve Eagles. Ted Milton éructe ses textes et sa poésie enragée vous prend aux tripes, portée par cette voix torturée et ces rythmes de fou.
Après une petite heure de show, les trois hommes restent sur scène pour les rappels et le trio nous balance End Of An Era, le jouissif Listen To Me Shirley ! et The Fish Needs A Bike, avant de terminer avec Empty Vessels.

Avec son free jazz sax qui se la joue punk et arty, une guitare totalement hypnotique, et un batteur, David Aylward, qui joue sa vie à chaque titre, BLURT reste un ovni dans la musique alternative, une comète underground qui n’en fini pas de passer et repasser dans le ciel nuageux et peu original de la musique actuelle. Un groupe jouissif dont on ne se lasse pas.
C’est à nouveau en s’appuyant sur ma main et sur celle d’un autre spectateur que Ted Milton traverse une deuxième fois le public pour regagner le backstage. Il ne reviendra pas. Il faut dire qu’à 80 ans et vu les conditions inconfortables de cette salle transformée en étuve, il doit être vidé, même s’il fait partie de ces artistes que le poids des ans n’affecte pas dans leur art.
Et rien que pour ça on peut lui adresser un immense coup de chapeau !
Jean-Pierre Vanderlinden