Dissident Club, l’histoire de Taha Siddiqui: l’important, c’est d’avoir la sacro-sainte liberté d’être qui on veut et de résister à l’endoctrinement des extrémistes

© Siddiqui/Maury chez Glénat

Le Dissident Club, c’est un bar-café parisien pas comme les autres. Fondé en 2020, l’établissement permet aux dissidents du monde entier, et aux amis de la liberté (qu’elle soit de la presse ou d’ailleurs), de se retrouver pour échanger. Régulièrement des conférences, des expositions et des projections ont lieu pour élever le débat plus loin que ce que veulent dire les médias de grande audience dont le temps est souvent compté. Derrière le Dissident Club, on trouve Taha Siddiqui, journaliste pakistanais exilé en France, qui a trouvé en Hubert Maury (analyste politique doublé d’un dessinateur chevronné) l’allié pour raconter en long et en large, dans tous les travers familiaux, sa vie dans un pays gangrené par un ersatz de religion, ce que les prédicateurs et leurs ouailles en ont fait, qui ne laisse rien passer. Encore moins la sacro-sainte liberté d’être qui on veut, de s’accomplir.

Résumé de Dissident Club – Chronique d’un journaliste pakistanais exilé en France par Glénat: En 2018, après avoir été victime d’une tentative d’enlèvement et d’assassinat dans son pays d’origine, le journaliste d’investigation Taha Siddiqui trouve refuge en France. À travers ce roman graphique, et en compagnie d’Hubert Maury, il revient sur sa jeunesse, son parcours, et son combat pour la liberté de la presse. Quand les parents de Taha quittent le Pakistan pour l’Arabie Saoudite c’est dans l’espoir d’une vie meilleure. Au pays de La Mecque, le quotidien du petit Taha est déjà régi par un islam rigoriste mais quand son père se radicalise, les choses se corsent. C’en est fini des coloriages de Batman et Superman, place à des livres moins profanes. Désormais les super-héros de Taha seront les leaders religieux ! En pleine Guerre du Golfe, la police des mœurs commence à sévir et bientôt il faudra aussi renoncer au foot de rue. C’est en l’an 2000 qu’une brèche s’ouvre… La famille se réinstalle alors au Pakistan où l’armée a pris le pouvoir. À l’âge de 16 ans, Taha rêve de faire des études d’arts, mais son père a d’autres projets pour ce fils qui rechigne à suivre le droit chemin. En attendant, Taha va découvrir une Société faite d’interdits que la jeunesse s’efforce de contourner. Jamais il ne s’est senti aussi libre malgré l’insécurité ambiante. Les attentats du 11 septembre vont profondément l’impacter, tout comme son entrée à l’université. Après avoir connu l’école coranique et la censure, Taha va progressivement s’émanciper et trouver sa voie… il sera journaliste et débutera sa carrière sur une chaîne « hérétique » au grand dam de son père ! Sa détermination, sa foi en son métier et son engagement politique feront de lui une cible comme tant d’autres condisciples à travers le monde.

© Siddiqui/Maury chez Glénat
© Siddiqui/Maury chez Glénat

Dans le vif du sujet. Un taxi qui charge un homme à l’abri des regards puis le contrôle qui ne laisse pas passer le véhicule. Les fusils-mitrailleurs pointés, l’homme qui voyage léger plaqué au sol puis embarqué dans une autre voiture à la destination bien plus obscure et incertaine. Et, contre toute attente, l’évasion. Paw paw paw, déluge de feu.

© Siddiqui/Maury chez Glénat
© Siddiqui/Maury chez Glénat
© Siddiqui/Maury chez Glénat

Flashforward sans trop de suspense puisque le héros de cette histoire, qui nous la raconte, est justement ce survivant…

© Siddiqui/Maury

Le temps de quelques cafés, Taha Siddiqui, tatouage ‘la ilaha’ sur l’avant-bras, va nous raconter son histoire commencée en Arabie Saoudite. L’amorce d’une descente dans les enfers de l’obscurantisme islamiste, qui pose son joug dès la plus tendre enfance. Parce qu’il ne faut pas fâcher Allah, en coloriant des super-héros (mais si ce sont des mots sacrés, c’est toléré), en organisant un goûter d’anniversaire avec les copains, en regardant des films d’Eastwood ou même de Disney (le diable!), en mélangeant filles et garçons sur les bancs de l’école, en draguant éhontément (même par téléphones interposés), etc. Mais y’a-t-il plus vile disgrâce que de toucher son rêve en faisant de la télévision pour une chaîne financière et bientôt en couvrant des sujets brûlants (Benazir Bhutto pour ne citer qu’elle) qui ne vont pas forcément plaire au pouvoir en place. Par contre, tout vous sera pardonné si vous y mettez du vôtre, que vous prenez la vie de quidams dans des opérations guerrières, quitte même, si le coeur vous en dit, à vous faire exploser.

© Siddiqui/Maury chez Glénat
© Maury

Pendant les trois premières décennies de sa vie, Taha Siddiqui a été le témoin, par le prisme familial d’abord, d’une société phagocytée par l’extrémisme, prisonnière volontaire de dogmes reposant sur de mauvaises interprétations de textes et de vraies volontés d’asservir la foule tout en lui laissant le moins de liberté et d’esprit critique possible. Ce à quoi, en grandissant (heureusement aux côtés d’autres exemples que celui donné par son père, bien décidé à tirer profit et pouvoir de cette situation de chaos et de despotisme)Taha ne s’est pas résolu. Croyant qu’un autre monde était possible pourvu qu’il puisse le montrer à l’antenne et ne pas y laisser sa peau. Car rien n’est moins sûr.

© Siddiqui/Maury

Pour raconter l’histoire de ce grand reporter étranger à ses propres pays (Arabie Saoudite puis Pakistan, lors de la chute de Musharraf), Hubert Maury confirme tout le bien que j’avais déjà pu penser de lui dans Le pays des Purs, déjà au Pakistan en zone explosive. Lâchant et échancrant son dessin (avec les couleurs très soft d’Ariane Borra et Élise Follin), le dessinateur épaule parfaitement le journaliste exfiltré sur le fil dans son oeuvre autobiographique et éclairante. D’autant que l’humour décapant est bien présent. Malgré la succession d’événements dramatiques, Dissident Club n’est pas le genre d’album où l’on se lamente sur son sort, où on remet des couches de pathos. Non, la vie de Taha était ce qu’elle était jusqu’au début des années 2020 et il la raconte sans complexe, ni tabou, sans se poser en victime ou en héros, mais en citoyen épris de démocratie et de liberté qui a fait son devoir et espère que l’écho qu’il pourra trouver de notre autre côte sera un peu plus salutaire. Hubert Maury nous tient en haleine tout au long de ces 260 planches fortes en séquences de dialogues et pourtant toujours emmenée par l’énergie et le dynamisme. Il est salutaire de ne pas rester en place quand sa place n’est pas là. Un album passionnant et utile. Plus qu’une arme ou une ceinture d’explosif.

© Siddiqui/Maury

À lire chez Glénat.

Le prochain album d’Hubert Maury est en route:

© Siddiqui/Maury chez Glénat
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