
La Tempête, pas celle de Shakespeare, celle de Marino Neri… C’était un feu d’artifice qui était attendu, c’est une tempête, avec son lot d’éclairs et de coup de tonnerre qui l’a devancé. Et, sous le déluge, des personnages pour qui la journée n’avait pas si mal commencé, mais c’était avant la panne, les pannes. Technique et mécanique, mais aussi sentimentale, en peine d’humanité.

Résumé de La tempête par Casterman : Une fin d’été torride, près d’un lac des Alpes italiennes. Lorsque son car tombe en panne, l’un des passagers en profite pour s’esquiver à travers la campagne. Il arrive à une magnifique villa moderne alors qu’un terrible orage éclate. Le couple qui y habite l’héberge, un peu malgré eux. Très vite, la simple présence du jeune homme va rompre le fragile équilibre et révéler la violence sous-jacente de leur relation.

La vue est belle, ça leur fait une belle jambe, le car est en panne et ils sont attendus, quelle que soit leur destination. Sous sa casquette, un homme, encore jeune décide de profiter du beau temps et de ce coin d’Italie sauvage mais habité (pas trop) pour rejoindre son point de chute. Leon d’Oro. En tête, quelques vers du Bateau ivre. Raimbaud ne croit pas si bien dire. Il faudra être bien amarré pour résister à ce qui se prépare.

Une tortue, un « débile mental » rencontré de manière chahuté dans un petit village de quelques âmes (et un café), un tableau énigmatique et mélancolique et un couple aisé dans une villa qui semble hors de portée. En plus de notre héros, dont on ne sait pas grand-chose, voilà le casting réuni par Marino Neri dans ce cinquième album publié en français.

Dès la couverture, le charme opère avec un personnage voyeur, curieux, profitant d’une fenêtre dans une haie épaisse pour observer une femme dans le plus simple appareil, au bord d’une piscine. Ça impacte, ça dérange, ça ne laisse pas indifférent, d’autant que la couverture offre du répondant, avec de la texture. Moi, j’aime bien ces livres dont on sent le grain au toucher, avant même d’y plonger les yeux.

Et notre héros se jette dans le piège. Ou peut-être est-ce une issue, par le huis clos. Toujours est-il que plus le ciel s’assombrit, plus Manuel se dit qu’il n’atteindra pas son lieu de rendez-vous sans faire une escale pour passer la nuit au sec. Chez Demetrio et Marta, ce n’était pas gagné. « Tu bouges plus! Qu’est-ce que tu fous là? C’est une propriété privée. » Et un jardin secret. C’est un drôle de ménage à trois (à quatre, peut-être?) qui commence. Marta adopte vite le compagnon d’infortune, et Demetrio, si en verve, a du mal à se détendre, pas pour longtemps. Car l’électricité dans l’air est ce qu’elle est et la coupure a bientôt sonné. Renforçant la tension. Manuel sera l’élément déclencheur.


Dans cette famille recomposée le temps de quelques heures qui font tout changer, Marino Neri retient les mots, qui sont comptés et cultive l’atmosphère et le trouble, la friction. L’Italien mène sa première partie de récit en semant des indices, des pistes, tout en préservant la surprise de taille qui va suivre. Dans la tempête, ça chavire, sur un coup de folie. La mise en images, la manière dont les vignettes s’imbriquent est sobre et pourtant puissante, le crescendo est dantesque. On abandonne les personnages sur un point fort, de non-retour. À nous, en fonction de nos vécus, de nos expériences, d’en tirer les conséquences.


À lire chez Casterman.