« C’est comme si on t’amenait au cimetière dans ton berceau directement
Dans les grands hangars sans lumière C’est moi qui fais le jour, la nuit Tic jour, tac nuit Tic jour, tac nuit Et mes poulets s’éveillent s’endorment »(Pierre-Yves Lebert/Daran – Le bal des poulets)

Il a plus d’un tour dans son sac, Grégory Panaccione! En moins de dix ans (après avoir travaillé dans le monde de l’animation), il s’est fait une sacrée place dans le monde de la bande dessinée. Délirant autant que touchant, cet auteur complet au style pouvant être exubérant mais aussi retenu, délicat, créant toujours la surprise et l’adhésion, aime s’aventurer dans des créations originales comme des adaptations de romans. Après Quelqu’un à qui parler, Grégory Panaccione nous raconte, sur l’inspiration d’Antonio Moresco, une nouvelle histoire de lien et de communication, exclusifs et paranormaux. Totalement humains, pourtant.

Résumé de La petite lumière de Delcourt : « Je suis venu ici pour disparaître, dans ce hameau abandonné et désert dont je suis le seul habitant ». Le récit d’Antonio Moresco met en scène un homme vieillissant qui a décidé de s’extraire du monde. Mais chaque soir, une petite lumière perce sa solitude… Grégory Panaccione démontre une fois encore son étonnante capacité à exprimer graphiquement une écriture, la plus singulière soit-elle.

Il y a deux ans, Gregory Panaccione publiait Cabot-Caboche, de Daniel Pennac. Un auteur qui a toujours de bonnes idées, et de la suite. Voilà comment Petite lumière s’est retrouvée dans les mains du premier, par le second. « Quand Daniel Pennac conseille la lecture de La Petite Lumière d’Antonio Moresco à Grégory Panaccione, il sait déjà que c’est l’un des rares artistes aptes à le traduire graphiquement… Encore fallait-il qu’il lui plaise. »
Et ça lui a plu, et quelques mois plus tard, à nous aussi!

« Et ils meurent tous à la fin », le refrain est connu, on veut faire le petit malin autour de la table, au moment de parler d’un roman, d’un film, d’une oeuvre. « Ils meurent tous à la fin, on dit, pour se moquer, se marrer. Et s’ils mouraient tous au début? Oh, comme il y a plusieurs façons de naître au monde, il y a plusieurs façons de mourir au monde. Et de renaître, ressusciter? Il suffit d’un regard, d’une oreille, d’une connivence. Du sens à la vie et à la mort.

En liant un vieillard qui n’a plus rien à perdre (même pas la vie) ni à gagner à un jeune enfant énigmatique qui vit seul tout en haut de l’autre colline, à travers bois, où l’on pensait que l’électricité n’arrivait même pas, Grégory Panaccione suit Antonio Moresco hors des sentiers battus et offre à son héros une ultime quête, qui va se frotter à la réalité mais aussi aux croyances extravagantes. Hé oui, des OVNIS sont apparus ci et là il y a quelques années, et ils ont laissé des traces.

Mais la réponse n’est pas dans les étoiles. La seule qui brille, elle est sur terre et donne l’impression à notre vieillard qu’il en est le témoin privilégié et désarçonné. Ça faisait longtemps qu’il n’avait pas battu la campagne de cette France oubliée, comme certains de ses drames. D’une lumière à l’autre, dans un langage plus troublant que le simple morse, qui appel à l’âme des protagonistes et aux sensations, aux émotions du lecteur. Sans nul doute, Petite lumière en BD n’est pas le genre de roman graphique qu’on ne lit qu’une fois, qu’on oublie vite. Non seulement, je crois que si en tant que lecteur nous sommes entraînés par la manière si entraînante, si dynamique, même en phase arrêtée, si poétique qu’a Panaccione d’habiter ses histoires, que cet album se lit vite, une seconde lecture permettra de plus prendre de temps, de vivre moins pressé cette aventure (peu) ordinaire, transcendante, habitée et qui fait sens, s’échappe de la morosité originelle pour y trouver des fenêtres de sortie. Parce que la petite lumière ne demande qu’à grandir, à ce qu’on y entre, s’y chauffe.

À lire chez Delcourt.