
Quelque part entre De cape et de crocs et la ferme des animaux, Cédric Mayen et Madd nous entraînent à hauteur de chaton dans Poltron Minet. La fin des vacances a sonné et la famille de Romane replie ses bagages au moment où Minet est attiré vers le large par une irrésistible chasse aux papillons. Qui l’entraîne en territoire sauvage, « naturel », alors que le papa de Romane en a eu marre d’attendre le félin.


Résumé des Éditions Dupuis : Un jeune chaton, qui ne pense qu’à manger et à jouer avec Romane, sa jeune maîtresse, se retrouve un matin seul au monde : ses maîtres ont quitté leur maison de vacances. Désemparé, il se perd dans la forêt. Au matin, il est réveillé par un lapin et un écureuil qui parlent et se comportent tout à fait comme des humains. Et qui, peu sympathiquement, le baptisent « Poltron-Minet ». Ils décident néanmoins de l’emmener chez « Chat-Pourri », un vieux matou qui, lui aussi, prétend avoir dans sa jeunesse « apprivoisé un maître ». Mais en tant que « naturel », il ne peut être intégré à la communauté avant d’avoir passé « l’épreuve du roi » et convaincu ainsi ses nouveaux congénères qu’il peut s’adapter à son nouvel environnement malgré la souillure inévitable due à sa fréquentation des humains. Poltron va découvrir une société impitoyable qui n’a rien à envier à celle des humains et où il n’est vraiment pas le bienvenu.


À son réveil, à l’aube d’une nouvelle vie de débrouillardise, Minet se retrouve face à des aussi petits que lui, Hardi Lapin et Avare Écureuil. Ici, c’est comme ça qu’on s’appelle, en se trouvant un quali, comme chez les scouts. Ou un sobriquet, car les deux nouveaux venus (mais peut-être est-ce le chaton le nouveau venu?) ont vite fait, en voyant les poils de Minet se hérisser, de le nommer Poltron. Mais ce sont eux qui courent dans tous les sens, en hurlant, quand ils apprennent que le visiteur a été apprivoisé par des humains. Ici, on les fuit comme la peste, on s’en méfie, et qu’on soit petits ou grands, on apprend à vivre en liberté.


Enfin, la liberté… Si peu qu’on se libère d’un potentiel joug, un autre peut apparaître. Encore plus pernicieux et dictatorial que le président, en donnant à ses sujets l’impression d’être forts parce qu’ils ont matière à en haïr d’autres, pas comme eux. Leur force est en fait une faiblesse. Et c’est à la lisière des mondes, que Cédric Mayen et Madd plantent le décor de cette échappée peut-être belle mais surtout dangereuse, où les animaux s’habillent, remplissent des fonctions dans la société et ont leur propre conception du monde humain à leur porte, et tentant même des percées.


Poltron Minet va devoir échapper à sa nature de chaton ou découvrir sa vraie nature (peut-être pas si poltronne) pour trouver sa place parmi ceux qui prétendent l’adopter, d’égal à égal, pas de maître à esclave, ou détourner l’attention pour retrouver sa jeune propriétaire. Indice: cet album s’appelle La voie Romane.

Si ce genre d’histoire a déjà été vu, les deux auteurs en accommodent les ingrédients pour poser un regard neuf, avec des surprises, des images qui interrogent mais dont le duo garde les explications pour plus tard, et un chouette casting où certains animaux tiennent le rôle assigné par nos croyances La Fontainienne quand d’autres ont obtenu une promotion. C’est bien joué, d’autant qu’il y a de la place pour passer d’un camp à un autre, d’ennemi à ami, ou en tout cas neutre. Cédric Mayen rythme ce premier épisode (56 pages) avec de l’aventure mais aussi des dialogues qui permettent de creuser ce monde. Madd, lui, trouve là l’occasion de révéler son talent dans un projet créatif. Et dans les couleurs (du soleil à la lune, du temps sec à l’averse, tous les moments de la journée, d’un périple, sont représentés) comme les dessins, très expressifs, avec deux traitements différents selon qu’on est bête ou Homme. Le dessinateur-coloriste se révèle aussi à l’aise dans les scènes de débats comme dans l’aventure, la survie et les sauvetages. En final, pour relancer la tension, alors que le jeu du chat et de la souris est enclenché, les auteurs jouent les sadiques de service mais le font bien, en créant de vraies émotions, entre rires et chagrins. Voilà une série sur laquelle je ne misais pas grand-chose mais dont je finis la lecture du premier acte mordu!

À lire chez Dupuis.






