Coup sur coup, le roman La chambre des merveilles aura transcendé les autres arts. Alors que le film de Lisa Azuelos, porté par Alexandra Lamy, est sorti au cinéma il y a quelques semaines, c’est en BD que le livre de Julien Sandrel était adapté pour la première fois. Un changement total d’univers pour l’Argentin Patricio Angel Delpeche que j’avais découvert dans l’univers d’un autre écrivain, plus trash, Vernon Sullivan (alias Boris Vian), qui a tout loisir d’explorer, de faire exploser, sa sensibilité colorée aux côtés du scénariste polyvalent et surpuissant Philippe Pelaez.

Résumé des éditions Grand Angle : Louis a 12 ans quand un camion le percute et le plonge dans le coma. Le pronostic est sombre. Si son état n’évolue pas, il faudra débrancher le respirateur. Plutôt que de baisser les bras, sa mère Thelma décide de se battre à sa façon : la seule qui lui paraît envisageable. Durant ce temps suspendu à cette décision médicale dramatique, à la place de son fils, elle va réaliser ses « merveilles », toutes les expériences qu’il aurait aimé vivre et qu’il a consignées dans un carnet. À travers elle, il verra combien la vie est belle. Peut-être même que ça l’aidera à revenir. Et si Louis doit mourir, il aura vécu par procuration la vie dont il rêvait.

J’imagine ô combien on peut faire un mélo à l’écran, en appuyant les cordes, la musique, les gros plans sur une larme qui coule. Alors, je ne peux pas juger du film sorti sur les écrans que je n’ai pas vu, mais j’ai l’impression que la bande dessinée peut amener cette histoire de deuil avant l’heure et de course en avant avec, de base, plus de finesse et plus de sensations. Parce qu’on n’est pas témoin, mais acteur, qu’on peut vivre et imprimer son rythme sur le texte et désormais les dessins.

Et ça se sent dès la couverture de cet album, tout dans la simplicité du concept, deux personnages devant une porte et mille sentiments, et pourtant un déluge de couleurs, digne d’un colour run, qui fascine et nous oblige à nous poser. Elle n’est pas anodine, cette cover, elle est impactante. Et la course est lancée. Un skateboard dans la rue, son pilote un peu trop insouciant et c’est l’arrêt brutal, un pare-choc, un coeur qui est près de s’arrêter, le trou noir pour l’un et toutes les images qui passent dans la tête de ceux qui restent, là, bêtes, sur le bord de la route. Comme Thelma dont les préoccupations professionnelles semblent désormais bien dérisoires, alors que l’instant d’avant elle sacrifiait sa famille et tous les bonheurs simples sur son autel.


Finalement, si Louis est coincé entre quatre murs et même les parois physiques d’un corps qui joue à « j’y vais ou j’y vais pas », c’est peut-être Thelma qui va devoir se battre pour la vie, celle de son fils et la sienne. Pour prouver son amour à quelqu’un qui ne l’entendra de toute façon qu’a posteriori. Au mieux. En attendant, il y a tous ces défis laissés en legs par Louis, qui ne sont pas la came de sa mère, mais qu’elle va se forcer à réaliser. Quitte à faire l’insensé, à renouer avec son passé, à prendre des avions et à se réconcilier avec sa propre mère. Oh pas sans remous.

On s’attend au feeling good dans ce genre d’album tout public mais Sandrel et désormais le duo Pelaez/Delpeche s’amusent et s’émeuvent à le surprendre. J’adore la patte atypique, anguleuse et pourtant tellement chaleureuse de ce dessinateur qui ne fait pas les choses comme les autres le feraient, qui trouve de la profondeur et nous met tout le temps sur le qui-vive, dans le mouvement. Voilà un bien bel album, aussi attendu qu’inattendu, frais et punch.

À lire chez Grand Angle.