
Attention, expérience de lecture et de réflexion sur tout, la forme et le fond, la vie et les envies d’échappées belles. Avec Les pistes invisibles, Xavier Mussat revient au monde en faisant s’évanouir son héros dans une bande dessinée sans personnage, qui résiste aux modes et aux usages vus et revus, lus et approuvés, pour trouver un espace à part, de liberté et continuer à faire évoluer le 9e Art en contournant les règles qu’on croit incontournables. À la lecture de ses oeuvres toujours aussi pertinentes et percutantes, c’est vrai qu’on voudrai qu’il soit moins rare. Mais d’un autre côté, le processus est tellement réfléchi, énergivore, méticuleux, qu’aller trop vite ne lui réussirait pas. Alors, on a pris le temps pour une interview qui creuse un peu cet album dont on pourrait parler des heures, des jours. Jusqu’au point de non-retour.
Bonjour Xavier, pour commencer, je vous pose une question que j’aime bien qui en dit déjà long tout en restant en surface. La première chose qu’on voit d’un album, c’est sa couverture. Comment avez-vous élaboré celle des Pistes invisibles?
Ce fut très compliqué car je m’étais mis en tête de respecter le pacte de lecture proposé tout au long de cet album, de ne pas appuyer le motif du personnage, de le mettre hors-champ… tout en trouvant quelque chose qui l’incarne. Il y a eu 18 versions de cette couverture, nées d’échanges avec le graphiste. Ma première proposition était trop abstraite, elle fonctionnait en tant que concept mais pas pour une couverture. Je faisais des propositions au graphiste qui en faisait en retour. On peut voir quelques unes de ces recherches sur mes réseaux sociaux.
Je voulais trouver comment incarner le personnage dans une composition le mettant au premier plan avec l’environnement, de manière graphique, au deuxième. À la toute fin, j’ai inversé les plans, en propulsant l’environnement à l’avant. J’ai dessiné la forêt de manière très graphique. Ça a tout décoincé. J’ai pu rabattre le personnage dans le fond, se fondant dans le ciel d’ailleurs. Il entreprend ce mouvement de disparition. J’avais trouvé ma bonne couverture. Une image qui précède l’histoire et puisse en même temps embarquer le lecteur, en immersion.


Avec cette question permanente durant cet album : dans les yeux de qui est- on?
D’habitude, la bande dessinée utilise tout le temps des contre-champs (le lecteur fait face au personnage dans lequel il lui est proposé de se projeter). Ici, on ne voit jamais le personnage de face. Cela procède de la performance que je souhaitais. Une expérience de lecture dans laquelle les images sont absolument et strictement ce que le héros voit. Plus loin que le décor et ce qui est physiquement face à lui, un paysage mental, des errances. C’est une vie de l’intérieur. Nous ne sommes pas que dans ses yeux ni que dans le temps présent, mais également dans le récit de souvenirs, d’expériences.

On imagine souvent que les souvenirs nous viennent selon une vision cinématographique, c’est une erreur. Les souvenirs sont la recomposition d’une réalité fragmentée. Nous avons très peu d’images de notre corps, alors qu’on a conscience de nos bras, de notre corps. Sensations qui ne sont jamais prises en compte dans les souvenirs, sauf rares exceptions. Il y a donc tout le reste, un mélange de sensations qui font dériver le champ visuel. Si le cerveau avait la capacité de filmer les souvenirs, ce serait décousu, chaotique, on divaguerait. J’ai essayé de faire ça, de manière vivante.
Vous vous souvenez beaucoup, vous?
Je ne peux pas dire ça, non. Mais je lutte beaucoup contre l’oubli. Je sens que, dans ma mémoire, des choses sont oubliées, réinventées. Je ne pense pas tant que ça au temps passé, j’essaie toujours d’être connecté au présent. Avec une faible capacité à me projeter dans l’avenir. Je planifie peu, j’improvise. J’essaie d’être très fort dans le présent. Mais je constate que des trous se fabriquent. Plus le temps passe, plus je me dis que mon temps de vie est conséquent, que les valises devraient être de plus en plus pleines. C’est assez vertigineux alors qu’on ne se sente pas la vie de ce qu’on a vécu. Donc, me souvenir n’est pas une obsession, plutôt une préoccupation.


Le pendant de ma question du début, c’est le titre. Comment avez-vous trouvé ce titre?
Chaque fois que je réalise un livre, j’en trouve le titre à la fin. J’ai la chance de partager ma vie avec une grande autrice, Hélène Gaudy. Nous partageons sur notre travail respectif. Et, sur ce coup-là, elle m’a aidé, lors d’une discussion en me faisant m’arrêter sur une phrase que je venais de prononcer. Une phrase dans lequel le titre était glissé. En effet, ça y était, c’était lui.
Si je ne m’abuse, c’est votre première BD en couleurs!
C’est vrai, mes autres albums BD étaient en noir et blanc. Y compris Horst, qui était sorti chez la 5e Couche et qui n’était pas séquentiel et sans texte. À titre professionnel, j’ai tout de même réalisé en couleurs des illustrations pour des livres jeunesse.
Pour la peine, vous avez innové.
J’ai fait des expérimentations mais je n’ai rien inventé. J’ai en fait repris le procédé de la sérigraphie, un procédé qui, à mon goût, n’est pas assez utilisé. Je me suis donc lancé dans la « bichromie ». Soit la fabrication des images en deux couches, d’abord en noir et blanc, puis numérisées et traduites chacune dans une couleur (ici le bleu et le orange). Cette bichromie est ensuite restituées par l’imprimeur en deux « tons directs Pantone ».

D’habitude en bande dessinée, le dessin précède sa mise en couleurs qui vient l’habiller. La particularité de mon usage de la bichromie, c’est que chacune des deux couleurs était dessinée à part, en ne sachant que vaguement comment elles se rencontreraient. C’est la rencontre de ces deux couleurs et leur superposition sur ordinateur qui tout à coup fabriquait le dessin de chaque case, me le faisait apparaitre, produisant des incessantes surprises, des accidents que je recherchais.
Maintenant qu’on en sait un peu plus sur le processus artistique, aventurons- nous dans l’histoire. Et il y en a une, vraie, qui a inspiré votre album. Celle de Christopher Thomas Knight. En tapant son nom sur Google, la première définition qui vient, c’est « cambrioleur ». Mais il était plus que ça, non?
Cambrioleur, objectivement, c’est ce qu’il était. Et je pense qu’il est plus juste de dire ça que de le qualifier d’ermite. Il se défend d’ailleurs d’en avoir été un.
Vous l’avez rencontré?
Non, pas personnellement. Je l’ai découvert dans des articles de presse qui ont enclenché mon envie de raconter cette histoire, de glaner ce que je pouvais sur cette personne, pour camper un personnage dans ma tête. Un seul journaliste a réussi à le rencontrer. Seul dans la forêt, il a inventé une façon de survivre. Il n’a jamais chassé ou pêché, cela dit il savait le faire comme il aurait su allumer un feu, placer des pièges. Il venait d’une fratrie nombreuse éduquée à la survie en forêt. Un peu à part d’ailleurs.

En fait, Christopher Thomas Knight, a vécu comme les autres gens. Il a trouvé un endroit où « se cacher », au bord d’un lac, à dix minutes à pied de la première maison! Pour survivre, lui qui était électronicien de formation débranchait les alarmes des chalets et cabanes d’été inoccupés le reste de l’année, crochetait leurs serrures. Une fois dedans, il avait beaucoup de scrupules, il ne dérangeait rien et prenait le strict minimum. Imperceptible, même, pour les habitants. Il ne laissait aucune trace.
Il embarquait des vivres, c’est ça?
Mais pas que. Il emportait des livres, des revues, il avait même trouvé une télé qu’il faisait fonctionner avec une batterie de voiture. Il méditait aussi. Il vivait tout à fait comme nous, mais ne souhaitait pas d’interaction avec les gens. Jusqu’à ce qu’il se fasse attraper par un agent de sécurité, qui a mis des années à le pincer. Il a été jugé pour 1500 cambriolages mais un butin dérisoire, une paire de chaussures, par-ci, une barre de céréales, par-là. Ce n’était pas quantifiable. Il a fait un peu de prison, mais pas une peine lourde.

Je distingue la personne réelle du personnage fictif de mon histoire qui s’en inspire. Mon livre est une interprétation libre. J’aurais pu faire une adaptation plus fidèle mais j’ai ici pris des éléments qui pouvaient servir. J’ai tissé une hypothèse sur la psychologie du personnage. Je voulais lutter contre l’idée de sa misanthropie et faire l’hypothèse que ce n’est pas, de sa part, un rejet formulé de la société mais l’inverse. Que ce serait quelqu’un qui aurait trouvé la distance nécessaire pour être avec les autres. Face à la proximité des gens, des visages, des psychologies rencontrées dans la vie de tous les jours, peut-être que sa réceptivité était trop forte, que sa porosité était extrême? Il dit que les mouvements des visages des gens lui donnent le mal de mer. C’est vertigineux, il ressent trop fort l’instabilité humaine. Et finalement, il adore lire des livres, car le paysage humain y est stable, fixe. On peut y relire plusieurs fois une phrase sans qu’elle ne change.
J’étais extrêmement intéressé par l’humain et sa disposition, face à la violence de la proximité, à se fabriquer une position unilatérale. Une manière de voir de loin ou de très près. A force d’observer les habitudes des gens qu’il espionnait, d’abord comme silhouettes lointaines puis en rentrant chez eux en leur absence, il connaissait tout d’eux.


Après, je ne peux pas le certifier. Le personnage dont je parle dans Les pistes invisibles est fictionnel. Encore une fois, je n’ai pu que faire l’hypothèse de ce qu’il aurait pu souhaiter faire. L’ai-je compris? Peut-être ai-je touché à quelque chose de vrai, de réel? Mais ce n’est pas mon problème et cela tiendrait du hasard. Je raconte le personnage en le démystifiant, c’est une manière de répondre à l’incompréhension des gens face à son aventure. « Comment peut-on devenir aussi radical sans qu’il n’y ait eu, de signes avant-coureurs », se demandent-ils.
Nous avons tous à un moment de nos vies rencontré des possibilités de rupture. C’est Le chemin global d’une vie qui nous y amène. Le sien est étonnant de concession, il concède son rapport aux autres de manière ultime. Mais Nous autres, nous faisons aussi des concessions tous les jours, il nous arrive de travailler avec des gens qu’on ne supporte pas, nous nous levons tôt. Il a simplement inventé sa propre concession.


Ça arrive comme ça, par hasard, une sortie de route dans un virage, une panne, et voilà votre personnage qui s’évanouit dans la forêt pendant près de trente ans.
Il n’a rien prémédité. Il prend une direction, et plus il va, plus il lui sera difficile de revenir. Il se fabrique un impossible retour en arrière. C’est comme un jeu. Au début, il joue à se perdre. Il réalise que les choses de la vie ne lui appartiennent pas, qu’elles ne sont plus à lui et ne l’ont jamais été. Tout ça ne lui appartient pas. Il n’est pas agité par la volonté d’en reprendre possession. Il n’a pas peur et le désir de retour n’existe pas. Rien ne le rappelle. Le mouvement est d’aller en avant, de trouver un endroit et des possibilités qui résolvent son malaise relationnel avec les autres. Une manière de vivre mieux, ou en tout cas moins mal, qui se met en place irréversiblement.


Et au fil des pages, on vit cette immersion, et on se rend compte après plusieurs dizaines de planches que quelques heures seulement se sont passées.
Le rapport au temps fut aussi un questionnement. J’avais le voeu pieux d’essayer d’inventer le récit en temps réel, de raconter tout ce qui se passe et de contracter le plus possible l’ellipse tant présente en bande dessinée, d’inventer un mouvement de pensée continu. Je voulais donner au lecteur un album de pleine conscience. Sauf que…
Je n’avais pas tenu compte des habitudes de lecture de bandes dessinée qui intègrent l’usage des ellipses. Alors, par habitude, on en rajoute. Le lecteur est habitué à un certain dosage, à un rythme. J’essayais de suivre ce début d’aventure à la minute près. Il se réveille, s’assied, un son lui donne une indication du moment de la journée, il marche, se rend compte qu’il brutalise son environnement, il apprend à ne pas laisser de traces, il a soif, il découvre une rivière, y tombe, rampe dedans, prend une direction sans laisser de traces, se souvient de certaines choses… Tout ça tient dans une journée, mais le lecteur a l’impression que deux semaines se sont passées. Une journée réelle est pleine de ce qui nous arrive. Si je veux tout détailler, le lecteur, lui, reconstitue des ellipses, se fabriquant un temps du récit plus grand que ce qu’il est.
Dans cet album, je me suis efforcé d’aller contre les habitudes de lecture, d’inventer des choses.


Oui, et en même temps, de mon point de vue, une fois cette constatation faite que très peu de temps s’est déroulé sur de nombreuses pages, le rapport change et on se laisse aller encore plus, prêt à se laisser surprendre.
Peut-être que ça implique aussi de le relire, de se demander ce qu’on a pu rater.
Quelles autres habitudes avez-vous voulu contrecarrer?
La première, et ça se voit sur la couverture, c’est donc le motif du personnage dans la BD, usuel et récurrent pour produire dans l’oeil du lecteur un motif de persistance rétinienne (comme dans le dessin animé) entre deux dessins, pour que l’oeil fabrique le mouvement dans le cerveau. La BD est l’art séquentiel du mouvement. Dans toutes les BD, on place la narration dans le motif répété du personnage. Je suis parti du constat que ce procédé est omniprésent, mais est-il indispensable? Je n’avais pas envie d’un bonhomme, d’un personnage. Dans Carnation, un de mes précédents albums, le personnage disparaissait à la fin, avec une volonté d’effacement. Horst, lui, est sans récit, sans personnages, uniquement avec des formes et la pensée qui me taraude.

« La disparition », ce thème était du pain béni pour invisibiliser le héros, partir du principe qu’on l’accompagne dans son expérience. La narration est incarnée mais de quelle manière séquentielle pouvais-je me passer de la persistance rétinienne que permet le motif du personnage? Comment le mouvement de l’oeil pouvait-il se faire d’une image à l’autre sans suivre une sorte de Tintin, sans qu’il nous prenne par la main? Ça m’obligeait à me préoccuper du mouvement de lecture et dans les images, du mouvement permanent. Il ne fallait pas que ce soit statique, que ce soit une aventure.

D’où les formes géométriques, les lignes cartographiques et tous ces jeux de forme qui nous emmènent, avec un certain ‘énigmatisme’, de vignette en vignette. Ça fonctionne du tonnerre.
La seconde, c’est qu’en bande dessinée, on a l’habitude que le dessin soit délimité par des contours, des traits. Pour projeter son esprit, car les traits font le tour des idées. Moi, j’ai donc opté pour un dessin fait de masses, se superposant. Cela relève de la fabrication progressive, jouant du hasard et de l’accident. Jusqu’à ce que j’aie le contrôle du processus.
La réponse aux deux questions, c’est que l’art séquentiel peut se vivre sans personnage, et pour autant être incarné. Même sans ce qui fait le dessin. J’espère que dans cet album, le lecteur pourra se sentir dans le personnage, à l’intérieur, possiblement faire siens les souvenirs, les réminiscences, les paysages naturalistes.

Finalement, je me dis que nous sommes nombreux à faire de la bande dessinée, mais très peu exploitent la narration et son immense champ des possibles. Les pistes invisibles est un livre à contraintes. J’ai dû m’interdire des choses pour trouver un champ expressif de liberté. Oh, je savais vers quoi j’allais, que le vertige du lecteur était possible alors que je tentais d’inventer un rapport texte-images.
En vous entendant, j’imagine que vous devez être séduit par l’album La couleur des choses de Martin Panchaud, sacré Fauve d’Or à Angoulême et qui est loin de faire l’unanimité. Quitte même à braquer certains de vos pairs.
Je trouve ça regrettable et je suis très embêté pour les gens qui se braquent. Pourtant, ces auteurs ont souvent une culture assez développée et ont à l’esprit la symbolique du salon des Refusés, la violence de la pensée faite aux artistes qui proposent des choses (radicalement) différentes. Oui, je suis embêté qu’on s’oppose si violemment. Moi, de ce que j’ai pu observer, j’accueille cette proposition de Martin Panchaud de manière beaucoup plus positive. Oui, la BD est un art qui souvent se pratique au prix d’un travail de dessin consciencieux, mais pas seulement. Plus les moyens de narration s’élargissent, plus on découvre des choses qui pourront même servir à la pratique plus orthodoxe de ce médium. Je perçois plutôt la colère de certains artistes par crainte d’une invalidation de leurs efforts. Ce n’est pas ça qui est en jeu et cela témoigne, je trouve, d’un manque de confiance en eux-mêmes et dans ce qu’est leur art, en mouvement. Je ne pense pas que La couleur des choses va causer une révolution du marché. Mais cela s’ajoute à ce qui est possible et, peut-être, cela va-t-il débloquer des zones inexplorées encore.

Le lecteur a de plus en plus accès à une diversité de propositions, le langage est ouvert, c’est ce qui fait qu’un art vit. Si on se braque, qu’on se place du côté de l’arrière-garde orthodoxe, cela signe la mort de l’invention. Ça veut dire que dans la façon de procéder, on est au terminus, on n’ira pas plus loin. Et ça ne rend pas honneur à notre culture.
Moi je reviens de cette BD sur laquelle on s’est braquée, ces récits à la première personne, en noir et blanc, « dessinés avec les pieds », et qu’il était bon de rejeter, il y a 25 ans. Cela dit, si ça crispe une partie du milieu, c’est peut-être pas mal, ça veut dire qu’il y a des enjeux de mouvement, que des choses se passent. Mais il faut du temps pour les comprendre, les accepter.
Picabia disait : « Pour que vous aimiez quelque chose, il faut que vous l’ayez vu et entendu… depuis longtemps tas d’idiots ». Et cette phrase était accompagnée d’un dessin, des cercles de plus en plus grands. Je ne sais pas si Martin Panchaud connaissait cette image, mais il y a une connivence, sa couverture et le concept de son oeuvre y ressemblent.

Maintenant quelle est la suite pour vous?
Je vais prendre le temps de me relancer dans autre chose. Je dois dire que j’ai un peu peur. La sortie de Carnation m’a privé pendant quatre ans de toute envie de dessiner. Une sorte de mort artistique dure. Il m’a fallu quatre ans pour me réinventer. Je ne veux pas me répéter, m’émousser. Je veux prendre des chemins de traverse. Dix ans après Carnation, cette crainte me revient, celle d’avoir été si loin dans la radicalité de mon objet que cela m’empêche de
radicaliser autre chose. Je ne sais pas si ça a de la pertinence que je remette à plat quelque chose tout de suite ou s’il faut que je repasse par un chemin. Ça peut prendre du temps.

Mon album est sorti en janvier, je l’ai terminé en septembre. Croyez-moi, c’est encore frais (l’interview a eu lieu mi-février). Je ne suis pas un praticien, je fais le plein d’autres choses, en fait. Et quand je trouve un moteur fort, j’y vais. Je ne m’inquiète pas. D’ailleurs, là, pour le moment, la rencontre des journalistes, du public, participe au travail. C’est agréable de porter son travail.
Mais alors, comme vous nous avez expliqué votre technique hybride et sans trait pour la réalisation de cet album, comment dédicacez-vous?
C’est vrai qu’il m’a fallu résoudre ce problème. D’abord, il faut savoir que je suis opposé au principe de dédicace. Moi, je détesterais qu’on salisse, qu’on abîme un album que j’achète. Puis, je déteste aller vite. Les dédicaces que je fais n’ont pas la force de ce que je pourrais faire si je prenais le temps. Donc, pour les dédicaces des Pistes invisibles, j’utilise les fonds de couleur des pages de garde, qui sont des monochromes bleus ou oranges, de manière instinctive et intuitive dans le but de ramener un paysage, abstrait. Autour, je me sers d’une gouache blanche pour poser la lumière.

Merci Xavier pour cet album terriblement sensitif et émotionnel, cette aventure intérieure autant qu’extérieure, et singulière.
À lire aux Éditions Albin Michel.


















