
Vega, on y est, ou presque. Puisque si chaque fin d’année est le prétexte tout trouvé pour faire les bilans en tous genres, souvent les plus inutiles, force est de constater qu’en 2022 encore, la nature, le règne animal comme végétal a reculer sous les assauts directs ou indirects d’un homme qui ne sera sans doute pas le dernier à disparaître. Dans Vega, Serge Lehman et Yann Legendre imaginent le monde d’après l’extinction des animaux, quand on se décide enfin à le sauver… à le ressusciter.


Résumé de l’éditeur : Fin du XXIe siècle. C’est la Guerre Sourde, l’ère des mafias d’État, des métropoles insurrectionnelles, des séparatismes génétiques et des stations spatiales privées. Dans la jungle indonésienne, la docteure Ann Vega fait une découverte qui la projette au coeur d’un extraordinaire réseau d’intrigues politiques et scientifiques. L’unité et les limites du genre humain sont en jeu.

Vega, c’est presque vegan. De toute façon tout le monde l’est devenu, comme on a bouffé, au propre comme au figuré, tous les animaux de cette planète. En les gazant, en les asséchant, en en faisant des trophées et on en passe. Dans le monde conçu par Serge Lehman et Yann Legendre, l’heure n’est plus à la sauvegarde mais à la reproduction coûte que coûte. Et l’espoir de repeupler la planète réside en Java, l’orang-outan, pris sous l’aile d’Ann Vega et son équipe. Dans une tour qui semble insubmersible. Car Java, c’est un trésor de guerre.

Et la manière d’arriver à perpétuer son espèce, dans l’espace ou ici-bas, fait débat. Faut-il procéder par clones ou par autre chose. Vega et Java se retrouvent comme des âmes soeurs, seules au monde, au milieu du champ de bataille. Car la mise en captivité de l’animal a mis le feu. Le camp adverse, pas forcément moins bon que celui qu’on intègre dans ce récit, question de point de vue, est prêt à tout pour récupérer la bête. Et comme les frontières physiques sont abolies dans cette époque de haute technologie, la menace est plus proche que ce qu’on croit.

S’appuyant sur le travail très pop (et très propre), qu’on croirait en 3 dimensions, du graphiste Yann Legendre, fraîchement arrivé à la BD avec son style qui claque et un travail des couleurs très inspiré, crépusculaire et quasiment en négatif, Serge Lehman livre un grand récit, intérieur et extérieur, mélangeant les genres, se servant des arguments des super-héros, des expériences scientifiques qui foirent, pour partir ailleurs, déjouer les attentes et questionner notre place et notre rôle dans ce monde qui est un grand tout. Voilà un album spectaculaire, vertigineux, où, pourtant, les scènes d’action sont rares, au profit du dialogue. Mais jusque quand sera-t-il de sourds? Et jusqu’où peut-on se sacrifier?

A lire chez Albin Michel.